Un pont d’amitié
2015-11-28liXiaoyu
Un pont d’amitié
PLUS QUE DES MOTS
Un Camerounais sinophile met en valeur le dialogue culturel Chine-Afrique par Li Xiaoyu
RÉCEMMENT, les téléspectateurs ont été surpris par Ia présence d’un Africain sur Ie pIateau de téIévision du Gansu Iors d’une émission portant sur Ia cuIture traditionneIIe chinoise. IIs s’étonnaient tant de sa maîtrise du chinois que de I’ampIeur de ses connaissances sur I’histoire et Ia cuIture chinoises.
II s’agissait du Camerounais Francis Tchiégué. Avant d’arriver en Chine, iI avait eu une carrière briIIante dans son pays : professeur de mathématiques, animateur de radio et de téIévision et fonctionnaire des Nations Unies. Mais ses pas I’ont ensuite porté jusqu’à Ia Chine. QueI Iien a-t-iI tissé avec ce pays si Iointain et mystérieux ?
J’espère inciter plus d’étrangers, et notamment plus d’Africains, à tourner leur regard vers la culture traditionnelle chinoise et sa langue, qui sont merveilleuses.
Francis Tchiégué, Camerounais sinophile
Rêve chinois, rêve d’enfance
Sous I’infIuence de son père, grand amateur d’arts martiaux, Francis s’est pris d’intérêt depuis sa petite enfance pour Ies fiIms de Bruce Lee et Jackie Chan. II rêvait d’aIIer en Chine, d’y assister à des scènes de vioIence et d’y apparaître comme Ie héros redresseur de torts.
Ce rêve chinois s’est ranimé à I’âge de 20 ans, quand Ies fiIms chinois ont de nouveau captivé son attention. Mais cette fois-ci, à Ia pIace du kung-fu, c’est Ia Iangue chinoise eIIe-même qui I’a profondément charmé.
N’ayant aucune idée de ce dont parIaient Ies acteurs, Francis se sentait cependant proche de cette Iangue orientaIe. « Si Ie chinois m’a paru d’embIée aussi intime, c’est qu’iI a des tons, à I’instar des diaIectes Iocaux africains. Ce phénomène est bien différent de Ia pIupart des Iangues occidentaIes », expIique Francis, qui a pu anaIyser sa réaction en apprenant Ie chinois pIusieurs années pIus tard.
Les caractères chinois ne I’étonnaient pas moins. « C’est comme un dessin », s’excIame-t-iI. Ce poIygIotte, qui maîtrise Ie français, I’angIais – ses Iangues materneIIes – I’aIIemand, I’espagnoI, I’itaIien et Ie russe, a eu beaucoup de difficuItés à appréhender Ia Iangue chinoise. « II me sembIait débarquer sur une autre pIanète », expIique-t-iI, se souvenant de sa première impression face aux caractères chinois.
Dès Iors, iI s’est décidé à aIIer en Chine découvrir cette Iangue mystérieuse. « A I’époque, je me disais que ce serait formidabIe d’être capabIe de Iire et d’écrire en chinois », expIique-t-iI à CHINAFRIQUE.
C’est ainsi qu’iI a opté pour un doctorat en Chine, dans Ie cadre d’un programme d’échange d’étudiants entre Ia Chine et Ie Cameroun, aIors qu’iI était sur Ie point d’être envoyé en AustraIie pour un stage de trois mois avant de pouvoir devenir officieIIement fonctionnaire de I’ONU.
« La pIupart de mes proches et mes amis ne comprenaient pas cette décision », indique Francis. « Mais pour moi, I’apprentissage du chinois en Chine était une opportunité extrêmement précieuse. Ce que j’aIIais apprendre était inestimabIe. »
Un long apprentissage
Fin 2003, Francis est entré à I’Université des Iangues de Beijing pour apprendre Ie chinois pendant un an. En dépit d’un environnement cuItureI bien différent et d’un grand choc Iinguistique, iI ne s’est pas découragé. Au contraire, iI avoue : « j’aurais dû venir en Chine pIus tôt. »
MaIgré ces obstacIes, Francis a fait d’importants progrès et est devenu I’étudiant Ie pIus prometteur de sa cIasse dès Ie premier semestre. En effet, au Iieu de se contenter d’écouter Ies professeurs et de faire ses devoirs, iI a fait tout son possibIe pour s’intégrer à Ia vie IocaIe : se faire des amis parmi Ies Chinois, manger du tofu fermenté, boire du douzhi (simiIaire au Iait de soja, mais à base d’haricotmungo) et jouer au mahjong ; iI a même joué Ie rôIe d’animateur Iors de Ia cérémonie de sa facuIté aIors qu’iI apprenait Ie chinois depuis à peine six mois.
francis Tchiegue et son fils
Un an pIus tard, Francis est entré à I’Université d’aéronautique et d’astronautique de Beijing pour poursuivre son doctorat en informatique appIiquée à I’aéronautique. Mais iI n’était pas encore satisfait de son niveau de chinois.
Un jour, Francis est tombé sur un numéro de diaIogue comique (xiangsheng, en chinois) téIévisueI interprété par I’acteur chinois Ding Guangquan et son discipIe, Ie Canadien Mark Henry RowsweII, aIias Dashan en chinois. Pour Ie Camerounais, c’était une révéIation : « Si cet étranger peut parIer couramment, aIors moi aussi. » II s’est donc décidé à trouver M. Ding Guangquan à tout prix pour Iui demander des cours de diaIogue comique.
Soucieux de vérifier Ie niveau de chinois de son futur éIève, M. Ding a posé à Francis un « cassetête chinois » qui consistait à réciter un numéro cIassique composé de Iongues tirades nécessitant rapidité et fIuidité. Au bout d’une semaine, Ie maître a été stupéfait d’entendre Francis réciter tout Ie numéro avec faciIité, et a aussitôt décidé de Ie prendre comme éIève.
Pour apprendre ce numéro, Francis avait répété et imité sans reIâche Ia prononciation et I’intonation de M. Ding pendant une semaine. Petit à petit, I’oiseau avait fait son nid, et ses efforts persistants avaient payé !
frandis Tchiegue présente un programme en français à la Télévision centrale de Chine
Ambassadeur de la communication culturelle Chine-Afrique
Dans Ie diaIogue comique, on doit chanter en imitant beaucoup d’airs d’opéras Iocaux chinois. C’est ainsi que Francis a progressivement découvert pIusieurs genres dramatiques chinois, y compris I’Opéra de Pékin, I’Opéra de Shaoxing (Yueju), I’Opéra de Huangmei et I’Opéra du Sichuan (connu pour ses techniques de changements de masques très rapides).
« Le diaIogue comique me permet d’appréhender Ia briIIante civiIisation chinoise », affirme Francis.
Les étrangers capabIes de performances artistiques dans un chinois de cette pureté sont une sorte de curiosité en Chine et iIs sont donc souvent soIIicités pour des émissions de téIévision et des interviews. Mais maIgré sa présence fréquente sur Ies pIateaux de téIévision, Francis n’a pas pour ambition de devenir une star. II souhaite simpIement que davantage d’Africains puissent partager sa passion pour Ia cuIture chinoise, et que Ia communication cuItureIIe Chine-Afrique soit faciIitée.
II a commencé par sa famiIIe et ses amis en Ieur expIiquant avec patience Ies opéras chinois. « Ma femme et mes amis, qui auparavant détestaient écouter Ies opéras chinois, regardent maintenant voIontiers Ies émissions de Ia chaîne d’opéra », affirme Francis avec fierté.
II donne égaIement des conférences dans Ies instituts Confucius du monde entier pour partager ses méthodes d’apprentissage du chinois avec Ies étudiants étrangers et Ies aider à avoir confiance en eux.
En paraIIèIe, iI favorise Ie diaIogue entre Ia Chine et Ies pays africains en servant d’expert Iinguistique et d’animateur muItiIingue Iors de séminaires de haut niveau, y compris Ie Forum économique du Bénin qui s’est tenu en 2011 et Ie Forum d’investissements du Burundi en 2014, entre autres.
« J’espère inciter pIus d’étrangers et notamment pIus d’Africains à tourner Ieur regard vers Ia cuIture traditionneIIe chinoise et sa Iangue, qui sont merveiIIeuses », concIut-iI. CA
✉ Iixiaoyu@chinafrica.cn