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Ce que voulait de Gaulle en 1966

2013-04-18DominiqueVidal

法语学习 2013年3期
关键词:戴高乐约翰逊古巴

●Dominique Vidal

Ce que voulait de Gaulle en 1966

●Dominique Vidal

«La France considère que les changements accomplis ou en voie de l’être,depuis 1949,en Europe,en Asie et ailleurs,ainsi que l’évolution de sa propre situation et de ses propres forces ne justifient plus,pour ce qui la concerne,les dispositions d’ordre militaire prises après la conclusion de l’Alliance.»C’est ainsi que,le 7 mars 1966,Charles de Gaulle—réélu trois mois plus tôt président de la République,mais au suffrage universel direct1,par 55%des voix contre 45%àFrançois Mitterrand—annonce au président américain Lyndon Baines Johnson2le retrait de Paris du commandement militaire intégré3de l’Organisation du traitéde l’Atlantique nord(OTAN,créée en 1949).4

Concrètement,la France,précise le général,«se propose de recouvrer sur son territoire l’entier exercice de sa souveraineté,actuellement entamé par la présence permanente d’éléments militaires alliés ou par l’utilisation habituelle qui est faite de son ciel,de cesser sa participation aux commandements intégrés et de ne plus mettre de forcesàla disposition de l’OTAN».Certes,elle«est disposéeàs’entendre avec ses alliés quant aux facilités militaires às’accorder mutuellement dans le cas d’un conflit oùelle s’engageraitàleurs côtés».Bref,elle«croit devoir,pour son compte5,modifier la forme de l’alliance sans en altérer6le fond».

Un an plus tard,c’est chose faite:le 14 mars 1967,le général américain Lyman Lemnitzer,commandant suprême des forces alliées en Europe(Saceur)et des forces américaines en Europe,préside,à Saint-Germain-en-Laye,la cérémonie de départ.La bannièreétoilée,descendue et soigneusement pliée,sera hissée au nouveau siège de Casteau,près de Mons(Belgique).Au total,les Etats-Unis ont dûévacuer vingt-sept mille soldats,trente-sept mille employés et trente bases aériennes,terrestres et navales.Enfin,le 22 août,les généraux Lemnitzer et Charles Ailleret,chef d’état-major de l’armée française,signent un protocole prévoyant le maintien des forces françaises en Allemagne sous le contrôle opérationnel de l’OTAN pour une mission et un temps donnés,en cas d’agression extérieure…

Pour les observateurs,cette décision n’aurait pas dûconstituer une surprise:dès le 17 septembre 1958,moins de trois mois après son retour au pouvoir,de Gaulle avait envoyé—en vain — àl’Américain Dwight David Einsenhower7et au Britannique Harold Macmillan8un mémorandum9exigeant une«direction tripartite10»de l’Alliance.Et,depuis,il avait multiplié les prises de distance.Sa lettreàJohnson semble pourtant cueilliràfroid la presse parisienne11.

De droite,mais antigaulliste,L’Aurore12réagit le premier,dès le 8 mars:«On ne se paiera pas de mots,écrit AndréGuérin.La présence américaine pendant des années aétépour nous comme pour nos voisins la garantie,la seule,de nos libertés nationales.Le général semble estimer aujourd’hui qu’il n’y a plus de danger d’absorption communiste?Non,poursuit l’éditorialiste13,il entend aujourd’hui que les Américains s’en aillent.Supposons quand même qu’on n’oubliera pas de les remercier.»Le 11,le journal accuse de Gaulle,«au moment précis oùles Etats-Unis sont engagés tout entiers dans la guerre du Vietnam,bastion14avancédu monde libre en Asie»,de leur donner un«coup de poignard dans le dos».

Philogaulliste15,Le Figaro attend le 11 mars pour réagir.AndréFrançois-Poncet redoute non seulement la résurgence du«péril russe»(«Demain,un Staline peut renaître»,écrit-il),mais«d’autres dangers»:«Mao TséToung est un autre Hitler16.A sa place peut surgir un Gengis Khan17,un Tamerlan18,un Mahomet19qui,muni d’armes atomiques,entraînera les populations affamées d’Asie et d’Afriqueàl’assaut des peuples nantis20et prospères,àl’assaut des Blancs et de leur civilisation.»

De cette philosophie du«choc des civilisations»avant la lettre,Combat21prend l’exact contre-pied22,le 12 mars.«Que l’Alliance atlantique se perpétue dans l’hypothèse,de moins en moins vraisemblable,d’une agression soviétique,soit.Mais qu’elle entraîne la France dans toutes les aventures oùpourront s’engager les USA,c’est ce que refuse le général de Gaulle.Car,grisés23par leur puissance militaire et suivant un chemin habituel,les Etats-Unis entendent faire régner partout leurs conceptions.»Evoquant le risque d’une guerre avec la Chine,l’auteur de l’article,Jean Fabiani,s’interroge:«Au nom de quelle obligation la France serait-elle tenue de se lancer dans cette aventure?»

Dès le 8 mars,L’Humanité24avait soulignéla singularité des communistes(qui représentaient encore unélecteur sur cinq):«Bien entendu,écrivait Yves Moreau,notre opposition au pacte atlantique a un caractère fondamentalement différent de celle du pouvoir gaulliste.Dès sa création,nous avons pour notre part dénoncéle bloc atlantique comme une nouvelle Sainte Alliance réactionnaire.»L’éditorialiste ajoutait néanmoins:«Quelles que soient les raisons qui ont inspiréla démarche du général de Gaulle auprès du président Johnson,nous l’approuvons puisqu’elle va dans le sens du désengagement et de la coexistence pacifique.»

Quatre décennies plus tard,comment ne pasêtre frappépar l’étonnante actualitéde ces débats,mais aussi par la cohérence,sur la longue durée,de la pensée stratégique du général de Gaulle?Il n’estévidemment pas antiaméricain:àpreuve,sa solidaritésans faille25avec le grand allié,dans les crises de Berlin26(1961)comme de Cuba27(1962).Ce qui le motive,c’est la défense de la souverainetéde la France,et donc de son autonomie de décision,contre quiconque la remet en cause,fût-il américain.

Chef de la France libre,il a mis enéchec les tentatives anglo-saxonnes visantàréduire la France,après-guerre,àun statut de protectorat28.Chef du gouvernement provisoire de la République française,il a signéà Moscou,le 10 décembre 1944,un«traitéd’alliance et d’assistance mutuelle»,qu’il qualifie de«belle et bonne alliance».Il faut mener,expliquerat-il«une politique française d’équilibre entre deux très grandes puissances,politique que je crois absolument nécessaire pour l’intérêt du pays et même celui de la paix».Son départ du gouvernement,début 1946,puis l’entrée dans la guerre froide ramènent la France dans le giron29atlantique,notamment via l’OTANàpartir de 1949.

Revenu au pouvoir en 1958,de Gaulle reprend sa quête de souveraineté,fort d’un contexte en pleine mutation.Les rapports de forces Est-Ouestévoluent en raison—notamment—du renforcement de l’URSS30,y compris sur le plan militaire:Moscou,qui a fait exploser une bombe A31en 1949 et une bombe H32en 1953,peut désormais—àpreuve,le vol de son satellite Spoutnik33en 1957—atteindre le territoire des Etats-Unis.Ceux-ci substituent alorsàleur stratégie de«représailles massives»une«riposte graduée»(flexible response),fondée sur l’utilisation d’armes nucléaires sur le champ de bataille.

Ce tournant aggrave une crainte:exposés aux missiles soviétiques,les Américains ferontils la guerreàl’URSS...jusqu’au dernier Européen?La prise de conscience des limites de la garantie nucléaire américaine devrait,estime de Gaulle,inciter les voisins de la Franceà souhaiter un rééquilibrage des pouvoirs au sein de l’Alliance.D’autant que,selon Washington,«la solidaritéoccidentale,pierre angulaire34de l’Alliance,ne doit pasêtre “limitée aux problèmes de la zone nord-atlantique”mais“couvrir l’ensemble des problèmes Est-Ouest où que ce soit”»—y compris en Asie.La reconstruction deséconomies du Vieux Continent et la création de la Communautééconomique européenne—àsix pays35àl’époque—au printemps 1957 créent théoriquement de meilleures conditions pour l’affirmation de l’autonomie par rapport aux Etats-Unis.

De Gaulle espère-t-il remporter cette bataille?Tout,dans ses interventions,témoigne qu’il ne sous-estime ni la détermination de Washingtonàsauvegarder son hégémonie ni la difficultéqu’ont les capitales européennesàs’en affranchir.La France a sur ses voisins un avantage décisif:elle a fait exploser en 1963,dans le désert du Sahara36,sa première bombe atomique,et possède ainsi de quoi se défendre—le Royaume-Uni aussi,mais il est viscéralement37lié àWashington.Pour le reste,le général se sait isolé38:àdéfaut de réformer l’Alliance atlantique,il se contentera d’échapperàune intégration qui corsetait39sa politique extérieure.

Rien d’étonnant si,dans l’histoire de cette dernière,le retrait de l’OTAN apparaît comme le pivot40d’une série de gestes spectaculaires:

—le 27 janvier 1964,Paris avaitétéla première capitale occidentaleàétablir des relations diplomatiques avec la Chine populaire;

—le 30 juin 1966,de Gaulle estàMoscou,où,dans un discours radiotélévisé,il appelle Soviétiques et Françaisàse«donner la main»pour«faire en sorte que notre ancien continent,uni et non plus divisé,reprenne le rôle capital qui lui revient,pour l’équilibre,le progrès et la paix de l’univers»;

—le 1erseptembre 1966,àPhnom Penh41,il prend acte que la guerre au Vietnam«n’aura pas de solution militaire»et appelle les Etats-Unisà«renoncer,àleur tour,àune expédition lointaine dès lors qu’elle apparaît sans bénéfice et sans justification etàlui préférer un arrangement international organisant la paix et le développement d’une importante région du monde»;

—le 24 juillet 1967,de Gaulle conclut une allocution improviséeàMontréal,àproximité des Etats-Unis,par cette formule-choc:«Vive le Québec libre!»42;

— le 27 novembre 1967,il déclarera qu’Israël,après la guerre de juin43,qu’il a condamnée,«organise,sur les territoires qu’il a pris,l’occupation qui ne peut aller sans oppression,répression,expulsions;et il s’y manifeste contre lui une résistance qu’àson tour il qualifie de terrorisme»...

L’échappée belle44n’aura qu’un temps.Après la démission,puis la disparition du général,45ses successeurs — de Georges Pompidou à François Mitterrand — referont progressivement le cheminàl’envers.Et,comme pour préparer le trentième anniversaire de la lettreàJohnson,la France réintègrera,le 5 décembre 1995,le conseil des ministres et le comitémilitaire de l’OTAN.46Héritier déclarédu général de Gaulle,le président Jacques Chirac ouvrira ainsi la porteàune réintégration de la France dans l’OTAN,que M.Nicolas Sarkozy chercheàparachever.47

☉注释☉

1.直接普选 2.林登·贝恩斯·约翰逊,美国第36任总统(1963—1969年)。1960年,约翰逊未能获得民主党总统候选人提名,他便接受了肯尼迪提名他为副总统的建议。1963年11月22日,肯尼迪总统在德克萨斯州达拉斯遇刺身亡,副总统约翰逊旋即在达拉斯机场的空军一号总统专机的机舱里宣誓就职,成为美国第36任总统。在继任了总统一职之后,1964年,约翰逊又正式当选为总统。 3.军事一体化指挥 4.1966年3月,戴高乐致函美国总统约翰逊,要求正式退出北约各军事机构,并宣布在7月之前撤回受北约指挥的全部法国军队,同时还取消了北约军用飞机在法国过境和降落的权利,限令美军及其基地在一年内撤出法国。7月1日,法国退出北约组织军事一体化机构。10月,法国退出了北约军事委员会。北约总部从此由巴黎迁至布鲁塞尔。法国退出北约组织军事一体化机构后,仅保留北约政治成员身份。 5.为其自身考虑 6.变更;损害;歪曲 7.德怀特·戴维·艾森豪威尔,美军五星上将,曾连任两届美国总统(1953—1960年)。 8.哈罗德·麦克米伦,1957—1963年期间任英国首相。 9.备忘录 10.三方共同领导 11.cueillir qnàfroid:〈俗〉使某人措手不及12.《震旦报》,1944—1985年间法国的一份日报。20世纪60年代戴高乐主义盛行时,该报持中间立场,不支持戴高乐主义。1985年该报并入《费加罗报》。 13.社论作者 14.堡垒,支柱 15.亲戴高乐派的 16.希特勒17.成吉思汗 18.帖木儿(1336年—1405年),帖木尔汗国的奠基人,帖木儿帝国开国君主(1370年—1405年在位)。 19.穆罕默德,伊斯兰教的创复兴者,也是伊斯兰教徒(穆斯林)公认的伊斯兰教先知。按传统的穆斯林传记他约于570年出生于麦迦,632年6月8日逝世于麦地那。 20.富有的,有钱的 21.《战斗报》,该报的副标题为《巴黎日报》(Le Journal de Paris),1941—1974年间法国的一份日报。1941年秘密出版,是法国抗德组织《战斗》的机关报。1974年8月停刊,编辑部的多数人员转到了两个月后创刊的新的《巴黎日报》(Le Quotidien de Paris)工作。 22.相反,对立面 23.griser:使眩晕;使陶醉 24.《人道报》,1904年创刊,早期为法国社会党人报纸,1921年成为法国共产党的机关报。 25.(n.f.)弱点,缺陷 26.指1961年的第三次“柏林危机”。当时,苏联又一次向美英法提出从西柏林撤军的要求,事件以苏联在东柏林筑起柏林墙作结。 27.古巴导弹危机,又称加勒比海导弹危机,是1962年冷战时期在美国、苏联与古巴之间爆发的一场极其严重的政治、军事危机。直接原因是苏联在古巴部署导弹,后在美国的激烈反应下,苏联从古巴撤出了在古巴部署的导弹。 28.(n.m.)保护国 29.怀抱 30.苏联 31.bombe atomique:原子弹 32.bombeàhydrogène:氢弹33.1957年10月4日,苏联发射世界第一颗人造地球卫星“斯帕特尼克1号”。 34.墙角石,基石;〈转〉基础,根基 35.这六国为:联邦德国、比利时、法国、意大利、卢森堡、荷兰 36.撒哈拉沙漠 37.出自内心地,由衷地38.意为懂得适时选择孤立 39.框住,束缚 40.主要人物;支柱 41.金边,柬埔寨首都 42.“自由魁北克万岁!”,这是法国戴高乐总统1967年7月访问魁北克期间,于24日在蒙特利尔市政厅的阳台发表讲话时的著名口号。 43.指1967年6月5日开战的第三次中东战争,以色列称之为“六日战争”,阿拉伯国家称之为“六月战争”。 44.从动词短语“l’échapper belle”(幸免)转过来的一个名词短语。 45.1969年4月27日,戴高乐将地方区域改革方案和参议院改革方案提交全民公决,结果失败,戴高乐当即宣布下野,回到故乡,1970年11月9日因心脏病猝然逝世。 46.1995年12月5日,法国在北约秋季理事长会议上宣布将重新参加北约军事委员会,并参加北约国防部长会议 47.2009年3月17日,法国国民议会通过了法国重返北约军事一体化机构的决定。

蓝霸注释

Le Monde diplomatique,avril 2008. △

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