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À la rescousse des langues minoritaires

2018-01-11UnebasededonnescrpourprserverleslanguesminoritairesparYinPumin

中国与非洲(法文版) 2017年8期

Une base de données a été créée pour préserver les langues minoritaires par Yin Pumin

LONG Xiang, 30 ans, vit à Beijing depuis plus de 10 ans. Il s’y est installé après ses études. Peu de gens savent qu’il appartient à la minorité Mulam, de la région autonome Zhuang du Guangxi (sud de la Chine),parce que personne ne l’a entendu parler sa langue.« Je ne connais que quelques mots de mulam », dit-il avec regret.

Dans sa région natale, le district autonome Mulam de Luocheng, dans le nord du Guangxi, seuls les plus vieux parlent cette langue. Les jeunes lui préfèrent le mandarin. « Je regrette de ne pas avoir appris le mulam quand mes grands-parents étaient encore vivants.Je crains que cette langue ne disparaisse un jour si personne ne fait rien », explique-t-il.

Langues en voie d’extinction

En fait, le mulam n’est pas la seule langue en voie d’extinction. Sur pIus de 130 Iangues des 55 minorités de Chine, hors Han, beaucoup sont menacées,d’après le Centre de recherche pour la protection des ressources linguistiques de Chine. Ainsi, 68 langues comptent moins de dix mille locuteurs, 48 moins de cinq miIIe, et 25 à peine un miIIier. Le hezhen et le lhoba sont les plus menacées, avec moins d’une centaine de locuteurs.

« Une langue est le soubassement et l’esprit d’une culture. Pour préserver la culture et l’histoire, nous devons prendre des mesures nécessaires pour préserver les langues menacées », estime Ding Shiqing, professeur à l’Université Minzu de Chine et vice-directeur du Centre de recherche pour la protection des langues des minorités ethniques de Chine.

Le gouvernement chinois a donc initié un projet d’envergure en 2015, avec des enquêtes sur Ie terrain dans tout le pays, et créé une base de données multimédia.

Pour M. Ding, cette initiative qui combine les efforts au niveau national et local avec l’aide d’experts a été rapidement menée. « Ce projet sera considéré dans le futur comme une grande entreprise pour sauver la diversité cuItureIIe », a-t-iI conf i é à CHINAFRIQUE.

La Commission d’État des affaires ethniques a également publié son Plan de travail pour préserver les langues des minorités ethniques durant le XIIIePlan quinquennal (2016-2020) en avril, s’engageant à protéger davantage les langues d’ici à 2020.

Un déclin inexorable

En Chine, plus de 40 % des langues des minorités sont en voie d ’extinction, d’après Huang Xing, chercheur à l’Institut d’ethnologie et d’anthropologie à l’Académie des sciences sociales de Chine (CASS).

La minorité Hezhen, dans la province du Heilongjiang sur la même région (nord-est de la Chine),par exemple, compte plus de 4 600 membres, mais seuls 2,14 % d’entre eux parlent ou utilisent le hezhen.« La langue est sur le point de disparaître », estime Dai Qingxia, professeur à l’Université Minzu de Chine. Seuls 15 personnes parIent excIusivement Ie hezhen et dans le village de Bacha, relevant de la ville de Tongjiang, où le hezhen est le mieux préservé, seuls six personnes âgées peuvent parler couramment cette langue. « Le hezhen est une langue orale uniquement. Quand ces personnes âgées disparaîtront, la langue disparaîtra avec eux. »

Il en va de même pour le tujia, même si la population de la minorité Tujia compte plus de 8 millions d’individus. D’après M. Dai, seuls 3 % des Tujia sont locuteurs de ce dialecte.

Ce projet [gouvernemental de protection des langues]sera considéré dans le futur comme une grande entreprise pour sauver la diversité culturelle.

Professeur Ding Shiqing, vice-directeur du Centre de recherche pour la protection des langues des minorités ethniques de Chine

Xu Xiangrong est un fermier de 84 ans qui vit dans la préfecture autonome Tujia et Miao de Xiangxi, dans la province du Hunan. Son petit-f i Is de 22 ans, qui étudie maintenant à l’université de Changsha, parle mandarin et anglais, mais pas le tujia, ce qui désole le vieil homme.Une situation répandue chez les jeunes de cette minorité. « Dans mon village, seuls les gens de mon âge parlent le tujia. Je crains que plus personne ne le parle quand les vieux comme moi auront disparu », dit M. Xu.

Le mandchou risque aussi de disparaître, même si cette minorité est la troisième plus importante de Chine, avec 10,41 millions d’individus.

Beaucoup reste à faire

Plusieurs causes expliquent les risques d’extinction de ces langues. « Le fait qu’elles perdent leur fonction de communication est la raison la plus importante »,selon Sun Hongkai, professeur à l’École supérieure de la CASS. « Le mandchou, le she, le hezhen et le tatar sont confrontés à ce problème », dit-il, ajoutant que le nombre ne garantit pas l’avenir d’une langue.

Ainsi, si très peu de Mandchous parlent cette langue,pIus de 50 % des queIque vingt miIIe Jing du Guangxi parlent leur langue au quotidien. « Dans les années 1980, de nombreux experts pensaient que le jing allait disparaître. Contre toute attente, la langue survit car c’est un moyen de communication pour les Jing »,explique He Siyuan, professeur à l’Institut des langues des minorités chinoises à l’Université Minzu de Chine.

Le développement économique rapide de la société est aussi une cause importante. « Aujourd’hui, avec la mondialisation, il faut des langues communes qui puissent relier les peuples. Dans un tel contexte, le fait que des langues faibles soient remplacées par des langues puissantes est irréversible », dit M. Sun.

Une étude effectuée par l’Université normale du Sichuan dans le collège de Linzhou à Lhassa, le cheflieu de la région autonome du Tibet, montre que 80 %des élèves tibétains pensent que le mandarin est plus important que le tibétain. Une situation que l’on retrouve dans Ies 55 minorités ethniques (hors Han) de la Chine.

Pour certains experts, la tendance à l’extinction des langues des minorités est inévitable. « C’est un choix rationnel que font les membres des minorités ethniques, car l’éducation et leurs opportunités professionnelles sont limitées s’ils ne peuvent pas parler le mandarin couramment », explique Li Ziran, professeur à la Faculté de politique et de droit de l’Université du Ningxia à Yinchuan, dans la région autonome Hui du Ningxia (nord-ouest de la Chine).

Pour sauvegarder les langues des minorités, le gouvernement a proposé entre autres mesures la scolarité bilingue. D’après des statistiques du Centre de recherche pour la protection des ressources linguistiques de Chine, la scolarité bilingue est proposée dans plus d’une vingtaine de minorités, et quelque 4,1 millions de jeunes sont concernés.

Le projet de protection lancé par les autorités en 2015 et Ies documents qui ont ensuite été pubIiés en 2016 et 2017 forment une base solide pour renforcer le travail de préservation des langues, estime maintenant le professeur Ding. CA