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La musique donne le ton des échanges

2017-08-08uneartistedeHangzhoufaitvibrerlacordesensibleduMarocaveclechinoisparFranoisDub

中国与非洲(法文版) 2017年7期

une artiste de Hangzhou fait vibrer la corde sensible du Maroc avec lechinois par François Dubé

La musique donne le ton des échanges

une artiste de Hangzhou fait vibrer la corde sensible du Maroc avec lepipachinois par François Dubé

YU Lingling aime à rappeler que sa ville natale,Hangzhou, était le point de départ des anciennes routes de la soie, un important carrefour des échanges culturels entre la Chine et le monde. Comme prédestinée pas son lieu de naissance, l’artiste a repris à sa manière ce f l ambeau, et instrument sous le bras, elle parcourt désormais la planète pour faire connaître la musique traditionnelle de Chine.

Lors du 23eFestival de la musique sacrée de Fès, qui s’est tenu au Maroc du 12 au 20 mai, Yu a de nouveau eut l’occasion de pincer les cordes de son pipa chinois, tenant le public sous le charme de son élégance. Après sa performance, elle a même été présentée à la princesse Lalla Salma, épouse du roi Mohammed VI du Maroc.

« La princesse m’a demandé d’où je venais. Quand j’ai répondu de Chine, elle m’a félicitée pour ma performance et m’a dit que c’était la première fois qu’elle entendait ce genre de musique ! » Explique Yu, avec un enthousiasme contagieux.

Yu Lingling est musicologue et virtuose dupipa, un luth à quatre cordes ayant plus de deux mille ans d’histoire. Après s’être établi comme musique de cour sous les Han (206 av. J.C.-220), lepipaa connu par la suite une large diffusion jusqu’à devenir l’un des instruments les plus emblématiques de Chine. C’est sa maîtrise de cet instrument réputé diff i cile qui a valu à Yu son invitation et cette rencontre royale.

« Le public à Fès est très sensible et spirituel. Ce sont de grands amateurs de culture musicale. Bien que j’explique chaque morceau avant de l’interpréter, je crois que ce n’était pas nécessaire dans leur cas, car ils savent que la vraie musique ne peut pas être expliquée, on ne peut que la vivre, c’est un mouvement du cœur. »

Des points communs

Créé en 1994, le Festival de la musique sacrée de Fès a été reconnu par l’ONU comme un événement important contribuant au dialogue des civilisations. Pour Yu, c’est aussi une occasion de marier les différentes inf l uences musicales de Chine et d’Afrique.

« Lors du festival, j’ai eu l’occasion d’échanger et d’improviser avec d’autres artistes. Il faut alterner entre suivre le rythme des autres et donner le rythme à l’ensemble. Dans cet échange, les artistes cherchent à s’émouvoir mutuellement. C’est ça Fès pour moi ! »

Yu a d’ailleurs décidé de rendre hommage aux liens millénaires qui relient l’Arabie et la Chine en interprétant une ancienne mélodie depipasolo réarrangée par Ramzi Aburedwan, directeur de l’Ensemble national de musiques arabes de Palestine.

« J’aime jouer différentes mélodies, notamment des musiques traditionnelles de l’ouest de la Chine. Dès que je me suis mise à jouer, les spectateurs se sont enf l ammés. Après le concert, plusieurs m’ont dit que cela ressemblait à leur propre musique traditionnelle ! » Lance-t-elle en riant.

En effet, certaines des mélodies que Yu interprète sur sonpipasont arrivées en Chine il y a plus de mille ans à travers l’ancienne route de la soie.

Yu et sonpipa.

Yu aime explorer et combiner les inf l uences musicales chinoises et africaines.

« En fait, la musique traditionnelle est faites d’inf l uences diverses, donc il est diff i cile de dire avec certitude ce qui vient d’ici ou de là-bas. Le Maroc a aussi une musique pentatonique, comme la Chine », explique la musicologue qui étudie les échanges entre les anciennes traditions musicales.

Une passion contagieuse

Yu se consacre corps et âme au pipa depuis son jeune âge. À 13 ans, elle remporte le concours d’entrée du Conservatoire central de musique à Beijing. Elle entre ensuite au Conservatoire de Chine à18 ans, avant de devenir professeur de musique à l’Université de Tsinghua à 22 ans. Le prodige s’installe f i nalement en Suisse en 1998, où elle s’efforce depuis de faire connaître le pipa à l’étranger. Et sa passion ne faiblit pas au f i l des ans.

« La puissance d’expression du pipa est très forte. La gamme des sentiments qu’il peut exprimer est vaste, notamment en raison du trémolo produit par les mains de l’artiste qui glissent de haut en bas, explique-t-elle. Pour jouer ce genre de musique, il faut être pur, car cette musique vient du cœur. L’artiste doit incarner la musique et investir tout son corps dans son jeu. »

Reconnue pour son expressivité innée et sa passion communicatrice sur scène, Yu a donné des concerts dans plus de 100 villes à travers le monde. Son récent passage au Maroc a été salué par le public et les critiques.

« Après mes concerts, des gens sont venus me demander le nombre de cordes de mon instrument. Quand je leur réponds que le pipa n’a que quatre cordes, ils sont étonnés et me disent que cet instrument peut exprimer à lui seul la gamme de tout un orchestre. »

Sa performance dans la cour intérieure blanche d’un riad – les habitations traditionnelles marocaines – a été décrite impressionnante par les spectateurs interrogés par le quotidien marocain Aujourd’hui le Maroc.

« Plusieurs Chinois me demandent pourquoi le son de mon pipa est si différent de ce qu’on l’on entend habituellement. Je crois c’est parce que je mets dans mon pipa et dans ma musique tous ces encouragements que je reçois », précise-t-elle.

S’abreuver aux sources

Yu s’était déjà produite au Maroc lors du Festival Mawazine de Rabat en 2004, et auparavant en Tunisie et au Sénégal. Lors de ces séjours sur le continent africain, c’est d’abord l’authenticité et l’enracinement des musiciens locaux qui lui ont laissé la plus forte impression.

« En Afrique, les musiciens ont parfaitement conservé leurs traditions musicales. On entend immédiatement que c’est leur style, leur manière inimitable de jouer et de nous parler à travers leur musique. »

Préserver les sources de la musique traditionnelle chinoise est une priorité pour l’artiste, qui se dit d’ailleurs préoccupée par la situation actuelle. « Il y a une tendance en Chine à vouloir à tout prix imiter l’étranger, or on ne peut pas importer des formes orchestrales étrangères qui vont à l’encontre des instruments traditionnels chinois », explique Yu.

Pour aider à préserver cet art, l’artiste organise des ateliers musicaux dans les écoles en Chine depuis 2013. Son message? Il faut savoir d’où l’on vient, pour savoir où l’on va.

« Il faut atteindre un certain niveau avant de pouvoir prétendre innover et créer. Surtout, il faut comprendre la logique interne et les racines de la musique traditionnelle, autrement on risque de s’égarer. »

D’où l’importance capitale que l’artiste accorde à ses séjours d’études chez les grands maîtres, notamment au sud de la Chine, pour y étudier l’opéra chinois. « La musique traditionnelle de la Chine du nord est puissante et masculine, alors que celle du sud est plus élégante. Il faut s’abreuver à ces différentes sources. »

Quant à savoir si l’artiste aimerait revenir en Afrique pour continuer à transmettre sa passion, il n’y a aucun doute. « Au moment où j’ai été invitée par le président du festival de Fès à prendre part à un autre évènement du genre, j’ai accepté tout de suite, sans même demander les conditions ! » Dit-elle en riant. CA

Pour vos commentaires : francoisdube@chinafrica.cn