Les mots pour le dire
2017-01-04LaChineencourageapprentissagedeslanguesafricainespourpromouvoirlacomprhensionmutuelleparSudeshnaSarkar
La Chine encourage l’apprentissage des langues africaines pour promouvoir la compréhension mutuelle par Sudeshna Sarkar
Les mots pour le dire
La Chine encourage l’apprentissage des langues africaines pour promouvoir la compréhension mutuelle par Sudeshna Sarkar
Le multilinguisme est très important, explique Sun Xiaomeng. En Chine, nous avons 56 groupes ethniques. En Afrique, il y a 54 États [reconnus] et la langue de chaque groupe représente des valeurs culturelles propres. Quand vous apprenez une langue, cela montre que vous les respectez, leur culture et leurs valeurs.
Sun Xiaomeng, directrice de l’École d'études asiatiques et africaines de l’ULEB
QUAND Sun Xiaomeng a quitté Zaria, une ville
située dans Ie nord du Nigéria, après avoir reçu son dipIôme de master de Ia céIèbre Université Ahmadu BeIIo, eIIe a fait ses adieux à un groupe de connaissances un peu inhabitueIIes : Ies marchands haoussas du marché de voisinage où eIIe avait I’habitude de faire ses empIettes durant son séjour de deux ans. « Ce fut une expérience émouvante, se souvient cette femme de 38 ans qui est maintenant directrice de I’ÉcoIe d'études asiatiques et africaines de I’Université des Langues étrangères de Beijing (ULEB). Quand je suis arrivée au Nigéria en 2003, j’étais Ia seuIe Chinoise de Ia viIIe et une curiosité sur Ie marché. Quand iIs m’ont entendu parIer haoussa, Ieur Iangue materneIIe, iIs ont été stupéfaits. IIs me demandaient où je I’avais apprise et pourquoi je parIais avec tant d’aisance. IIs me posaient sans cesse ces questions et de Ià, nous sommes devenus amis. »
Sun Xiaomeng avait entamé ses études de haoussa en 1996 à I’ULEB. Le haoussa est Ia lingua franca de I’Afrique de I’Ouest, parIée au Nigéria, Ia pIus grande économie africaine, mais aussi au Niger, au Soudan, au Tchad, au Ghana et au Togo. Une fois son dipIôme en poche, eIIe a obtenu une bourse du ConseiI des bourses de Chine pour améIiorer ses capacités Iinguistiques et s’immerger dans Ia cuIture ouest-africaine. EIIe a ensuite effectué des recherches aux côtés du professeur Li Anshan, spécia-Iiste renommé des études africaines, avant d’obtenir son doctorat du St. Anthony’s CoIIege à Oxford. EIIe prend maintenant sous son aiIe des étudiants chinois pour Ies aiguiIIer vers d’autres Iangues et Iittératures africaines.
Des langues au service de l’égalité
Un programme d’apprentissage des Iangues considérabIe est en cours en Chine, qui s’inscrit dans Ie cadre de I’initiative « une Ceinture et une Route » - Ia Ceinture économique de Ia Route de Ia Soie et Ia Route de Ia Soie maritime du XXIesiècIe - annoncée par Ie Président chinois Xi Jinping pour Ie déveIoppement et Ia prospérité en commun de I’Asie, de I’Afrique et de I’Europe. « Pour que I’initiative se dérouIe de manière fluide, iI est pIus important d’approfondir Ia compréhension mutueIIe entre ces pays pIutôt que de se concentrer simpIement sur un boom économique, expIiquet-eIIe. La dipIomatie pubIique est fondamentaIe à son succès et Ies Iangues jouent un rôIe très important pour ceIa. »
Avec Ia croissance rapide de I’économie chinoise et I’approfondissement de Ia présence chinoise en Afrique, un nombre croissant de Chinois sont dépIoyés dans Ies pays africains. « Nous sommes en retard quant à notre compréhension de I’Afrique, regrette Sun Xiaomeng. Si vous communiquez avec Ies Africains en utiIisant seuIement I’angIais, Ie français ou Ies autres Iangues imposées par Ies coIonisateurs, vous perpétuez I’hégémonie. En apprenant Ies Iangues IocaIes africaines, vous combIez I’espace qui existe entre présence et compréhension et dans Ie même temps, vous permettez aux Africains de préserver Ieur patrimoine et de conserver Ieurs vaIeurs cuItureIIes. »
En coIIaboration avec Ie ministère de I’Éducation, I’ULEB étend son programme de Iangues étrangères. D’ici à 2020, Ieur nombre passera de 70 actueIIement à 100. L’objectif est d’enseigner toutes Ies Iangues parIées dans Ies pays avec IesqueIs Ia Chine entretient des reIations dipIomatiques.
L’ÉcoIe d'études asiatiques et africaines de I’ULEB a été créée en 1961. Le swahiIi, Ia lingua franca d’Afrique de I’Est, a été I’une des cinq premières Iangues à y être enseignées. Vers Ia fin des années 1960, Ia Chine a signé un accord avec Ia Tanzanie et Ia Zambie pour Ies aider à construire Ie Tazara - Ia Iigne de chemin de fer Tanzanie-Zambie - une Iignede 1 860 km, Ia première construite depuis Ieur accession récente à I’indépendance. La demande en swahiIi était importante.
Sun Xiaomeng
Progressivement, Ie haoussa et I’arabe ont été ajoutés au programme de I’écoIe. Cette année, 7 nouveIIes Iangues africaines ont fait Ieur entrée : I’amharique, Ia Iangue officieIIe de I’Éthiopie, Ie tigrigna, parIé en Éthiopie et en Érythrée, I’afrikaans et Ie zouIou (en Afrique du Sud), Ie maIgache, Ie somaIi et Ie comorien. Au XVesiècIe, Ie navigateur chinois Zheng He avait atteint Ia Corne de I’Afrique et étabIi des contacts avec I’Afrique de I’Est. Six siècIes pIus tard, à partir du mois de septembre, 16 étudiants chinois de I’ULEB vont se rendre en Éthiopie, en Afrique du Sud, à Madagascar, en SomaIie et aux Comores pour y apprendre Ies Iangues et se famiIiariser avec Ia cuIture IocaIe, pour ensuite enseigner et effectuer de Ia recherche dans ces départements de Iangues nouveIIement créés.
Des explorateurs des temps modernes
II est bientôt 19 heures et Liu Hong (eIIe a souhaité conserver son anonymat) est encore à son bureau à Beijing, en train de consuIter attentivement un manueI dactyIographié. Cette jeune secrétaire de 27 ans apprend I’amharique. « Je voudrais progresser professionneIIement, avoue-t-eIIe pour expIiquer pourquoi eIIe apprend une Iangue difficiIe et quasi-inconnue en Chine, dont I’écriture diffère totaIement de I’aIphabet et des caractères chinois. L’apprentissage de I’amharique me donnera une compétence unique. Je pourrais aussi devenir enseignante d’amharique. »
Les jeunes Chinois sont encouragés à maîtriser pIusieurs Iangues. Madagascar, par exempIe, est une ancienne coIonie française et Ie français est sa seconde Iangue officieIIe : Ies étudiants qui choisissent d’apprendre Ie maIgache seront aussi envoyés à Paris pour y apprendre Ie maIgache et Ie français dans Ie cadre d’un accord entre I’ULEB et I’INALCO (Institut nationaI des Iangues et civiIisations orientaIes). « Le muItiIinguisme est très important, expIique Sun Xiaomeng. En Chine, nous avons 56 groupes ethniques. En Afrique, iI y a 54 États [reconnus] et Ia Iangue de chaque groupe représente des vaIeurs cuItureIIes propres. Quand vous apprenez une Iangue, ceIa montre que vous Ies respectez, Ieur cuIture et Ieurs vaIeurs. »
L’attitude des étudiants chinois à I’égard de I’apprentissage des Iangues étrangère et de I’Afrique change. Par Ie passé, I’apprentissage d’une Iangue étrangère était motivé par des considérations économiques et professionneIIes et Ia pIupart des étudiants choisissaient d’apprendre des Iangues parIées dans Ies pays déveIoppés. On constate actueIIement un méIange d’aventure, d’empathie et de patriotisme. « Une Iangue ouvre une fenêtre importante aux jeunes Chinois pour comprendre I’Afrique, souIigne Sun Xiaomeng. Ces 40 ou 50 dernières années, iI était rare de voir des Iangues africaines dans Ies écoIes de Iangues car I’attrait pour de nouveIIes Iangues était économique et Ies étudiants pensaient pIus à Ieur carrière. Maintenant, iIs sont enthousiasmés à I’idée d’aIIer en Afrique [pour d’autres raisons]. »
Ainsi, par exempIe, un étudiant a été séIectionné pour aIIer cette année à Mogadiscio, Ia capitaIe somaIienne, y apprendre Ie somaIi. La SomaIie est depuis Iongtemps victime des attaques des extrémistes, notamment ceux d’AI-Shabbaab. Le 28 février, cette organisation a posé une bombe dans un restaurant de Baidoa, tuant au moins 30 civiIs. Même si Ie gouvernement somaIien a assuré que Ies étudiants chinois seraient en sécurité, I’incertitude reste présente. Cet étudiant (qui souhaite rester anonyme pour des raisons de sécurité) est cependant résoIu. « Je sais par Ia téIévision et Ies fiIms ce qui se passe en SomaIie, a-t-iI dit à ses enseignants. Je veux néanmoins y aIIer. C’est mon devoir [nationaI] de Ie faire. » CA
✉ sarkarbjreview@outIook.com