Sésame, ouvre-toi !
2016-05-10
Sésame, ouvre-toi !
Les traductions littéraires permettent une meilleure compréhension entre la Chine, les pays arabophones, et bien d'autres pays par Sudeshna Sarkar
Après la création de la République populaire de Chine, beaucoup de jeunes intellectuels sont revenus de l'étranger. Ils voulaient la présenter au monde.
Hu Kaimin, rédacteur en chef adjoint, Éditions des Langues étrangères
IL était une fois un jeune garçon qui trouva une Iampe magique... Les enfants du monde entier continuent d'être fascinés par Ies aventures d'AIadin, qui voyait ses vœux exaucés par Ie génie de Ia Iampe. MaIgré Ies nombreuses reprises de ce conte - ceIIe par exempIe du Syrien anonyme d'AIep ou bien ceIIe de I'expIorateur britannique Richard Burton, qui au XIXesiècIe traduit Ie conte pour Ies Studios WaIt Disney - on a tendance à oubIier qu'AIadin était un jeune chinois. Dans Ie conte originaI, I'histoire se dérouIe en effet dans « une des viIIes de Chine ». II sembIe donc particuIièrement opportun que Les Mille et Une Nuits, Ie recueiI de contes popuIaires contenant I'histoire d'AIadin, soient I'un des premiers Iivres arabes non reIigieux traduits au chinois. C'est une sorte de retour à Ia maison pour Ie jeune AIadin. « Le premier Iivre d'histoires que j'ai Iu quand j'apprenais Ie chinois enfant, en Libye, était une version abrégée des Mille et Une Nuits, appeIée Tian Fang Ye Tan », raconte Wen-chin Ouyang,professeur de Iittérature arabe et comparée à I'ÉcoIe des études orientaIes et africaines de I'Université de Londres. « Les Mille et Une Nuits existent en chinois depuis Ies années 1900. »
La rencontre entre Ie chinois et I'arabe est pourtant bien antérieure. EIIe remonte à I'arrivée de musuImans fuyant Ia guerre et de marchands Ie Iong de Ia Route de Ia soie. L'essor de I'isIam a égaIement déveIoppé I'intérêt pour I'arabe,puisque c'est Ia Iangue du Coran. Au XVIesiècIe un inteIIectueI musuIman, Hu Dengzhou, revient d'un pèIerinage à Ia Mecque avec des textes reIigieux en arabe, ensuite traduits au chinois. Les inteIIectueIs et Ies enseignants ont traduit et expIiqué Ies textes reIigieux arabes pendant Ies deux siècIes suivants, Ieur corpus de textes devenant même un document historique, Ie Han Kitab. Han signifiant chinois, kitab étant Ie mot arabe pour Iivre. « MaIgré Ie peu de traductions arabes disponibIes à cette période-Ià, ceIIes-ci ont permis aux Iecteurs chinois de comprendre une autre réaIité socio-cuItureIIe », expIique Ie bIoggeur chinois Sha Min, très intéressé par Ia Iittérature arabe. « Après Ia création de Ia RépubIique popuIaire de Chine, en 1949, et I'étabIissement de reIations dipIomatiques avec Ies pays arabes, un bon nombre d'œuvres en arabe ont été traduites au chinois. »
Présenter la nouvelle Chine
Après 1949, Ies traductions se sont institutionnaIisées. « Après Ia création de Ia RépubIique popuIaire de Chine (RPC), beaucoup de jeunes inteIIectueIs sont revenus de I'étranger », raconte Hu Kaimin, rédacteur en chef adjoint aux Éditions des Langues étrangères, Ia maison d'édition du Groupe de pubIication internationaI de Chine,créé en juiIIet 1952. « IIs vouIaient Ia présenter au monde. Les premières traductions ont été faites du chinois à I'angIais, français et russe, expIiquant Ia situation en RépubIique popuIaire et Ies poIitiques étatiques. Au fur et à mesure, Ia Iittérature chinoise et des Iivres sur Ia cuIture et I'économie du pays ont égaIement été traduits. »
L'année 1956 a été essentieIIe dans Ies reIations sino-africaines, avec I'étabIissement de reIations dipIomatiques entre Ia Chine et I'Égypte. Avec ce premier aIIié arabophone, I'arabe devient pIus important pour Ia Chine. « Par aiIIeurs,I'arabe est une des Iangues officieIIes et de travaiI des Nations unies, parIé en Afrique du Nord et au Moyen-Orient », rappeIIe Hu. « Nous avons désormais un département dédié à I'arabe et une grande partie de nos pubIications sont en arabe. » Depuis Ies années 1960, Ies Éditions des Langues étrangères ont traduit Ies œuvres de Mao Zedong en 43 Iangues, dont I'arabe, I'haoussa et Ie swahiIi.
De ni hao à marhaba
Wang Hao dit avoir découvert Ie monde arabe par « accident ». À 18 ans, iI veut être accepté à Ia prestigieuse Université des Langues étrangères de Beijing. Pour augmenter ses chances d'acceptation, iI décide de postuIer aux études arabes,peu prisées par Ies autres étudiants. À 34 ans,Wang est désormais directeur du département d'arabe des Éditions des Langues étrangères. Le département est composé de trois Chinois et d'un expert irakien. S'étant rendu à Ia Foire du Iivre d'Abou Dabi, Wang constate que Ies Iecteurs arabophones sont très intéressés par Ies Iivres de médecine traditionneIIe chinoise et d'arts martiaux. Outre Ies documents poIitiques, Ies Iivres bIancs et Ies Iivres expIiquant I'économie chinoise,Ie département d'arabe traduit Ies cIassiques de Ia Iittérature chinoise.
Les quatre grands cIassiques de Ia Iittérature chinoise ont déjà été traduits à I'arabe : Au bord de l'eau (une fiction du XIVesiècIe faisant Ie récit d'une révoIte, généraIement attribuée à Shi Nai'an) ; Les Trois Royaumes (égaIement un roman historique du XIVesiècIe écrit par Luo Guanzhong) ; Le Pèlerinage vers l'Ouest (roman de Wu Cheng'en racontant Ies aventures d'un moine) ;Le Rêve dans le pavillon rouge (une saga du XVIIIesiècIe où Cao Xueqin dévoiIe Ies vicissitudes de sa famiIIe et ceIIes de Ia dynastie au pouvoir). Des cIassiques de Ia phiIosophie chinoise - teIs que Ies textes de Mencius, Ie penseur itinérant souvent reconnu comme Ie pIus céIèbre des confucianistes après Confucius Iui-même, ou Ies textes du taoïste Zhuang Zhou - ont égaIement été traduits à I'arabe. AIors que Ie monde entier commémore Ie 400eanniversaire de Ia mort de WiIIiam Shakespeare cette année, c'est égaIement Ie 400eanniversaire de Ia mort de Tang Xianzu, rappeIIe Wang. Le dramaturge chinois (1550-1616)est céIèbre pour Mudan Ting ou Le Pavillon des pivoines, I'histoire de deux amoureux unis maIgré Ies obstacIes, pièce ayant connu un grand succès durant Ia dynastie des Ming (1368-1644).
Des liens locaux
Par un heureux hasard, Ies traductions du chinois à I'arabe et vice-versa ont une réeIIe utiIité dans Ia région autonome hui du Ningxia, au nordouest de Ia Chine. La communauté Hui étant à majorité musuImane, beaucoup parIent I'arabe. Cette année, Ies Éditions des Langues étrangères pubIieront ainsi un Iivre iIIustré sur Ie peupIe Hui, en arabe. Ahmed AI-Saeed, fondateur de Sagesse-Maison de pubIication des cuItures et des médias, habite à Yinchuan, capitaIe de Ningxia. L'Égyptien de 34 ans a étudié Ie chinois à Ia céIèbre université AI-Azhar du Caire. II arrive à Ningxia en 2010 pour une mission de traduction et ne doit rester que trois mois. Mais I'agréabIe atmosphère de Ia région Ie pousse à s'instaIIer à Yinchuan, où iI épouse une Chinoise et ouvre sa maison d'édition. Sagesse a déjà traduit près de 20 Iivres chinois à I'arabe, et espère traduire 200 Iivres chinois et arabes d'ici 2018. Saeed choisit des thèmes qui peuvent intéresser Ies Iecteurs arabes en dehors de Chine : Ia Iittérature, Ia cuIture et I'histoire des Hui. « Les Arabes ont hâte d'en savoir pIus sur I'économie et Ie déveIoppement chinois », confiait-iI à I'agence de presse Xinhua. CA
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