Innover en Chine

Innover en Chine

Après un premier boom， les nouveaux entrepreneurs chinois doivent faire face à de grands défs par Jordyn Dahl

Beaucoup d'étudiants quittent l'université pour lancer leur propre entreprise. Créer sa start-up est une sorte de mode， les jeunes pensent que c'est cool. Ils ne voient pas les épreuves dans la création d'une start-up， alors beaucoup échouent.

Sino Shi， investisseur en capital-risque pour China Growth Capital

DES chercheurs de l'Université médicale de Guangzhou， dans Ia province du Guangdong au sud-est de Ia Chine， ont fait Ia Une des journaux au mois d'avriI après avoir pubIié un articIe scientifque présentant Ieur recherche visant à modifer Ies gènes d'embryons humains pour Ies rendre résistants au VIH. Une autre équipe scientifque chinoise avait modifé pour Ia première fois I'ADN de I'embryon humain en avriI 2015，suscitant un débat internationaI sur I'éthique de cette pratique scientifque. L'équipe， de I'Université Sun Yatsen de Guangzhou， avait aIors modifé un gène Iié à une maIadie du sang réduisant Ia production d'hémogIobine，une protéine contenant du fer dans Ies gIobuIes rouges.

La communauté scientifque occidentaIe se méfe des résuItats des chercheurs chinois. SeIon Christina Larson， journaIiste scientifque basée à Beijing， cette suspicion s'expIiquerait par Ia prépondérance des scientifques occidentaux dans Ies recherches sur I'ADN，dans des écoIes comme Ie MIT ou Harvard. Les Chinois apparaissant à Ieurs yeux comme des nouveaux venus dans Ie domaine.

Les talents chinois

Ce déveIoppement rapide du miIieu scientifque chinois peut s'expIiquer par Ies initiatives gouvernementaIes visant à accroître Ia recherche scientifque du pays et attirer des scientifques du monde entier. En 2008， Ia Chine Iance Ie « PIan des miIIe taIents » pour inciter Ies popuIations d'origine chinoise ou chinoises à venir travaiIIer ou étudier en Chine. Ce pIan est I'une des mesures du gouvernement pour Iutter contre Ia « fuite des cerveaux » - I'exode massif d'étudiants et professionneIs. Une étude de 2007 de I'Académie chinoise des sciences sociaIes a révéIé que sept Chinois sur dix ayant étudié à I'étranger entre 1978 et 2006 n'étaient pas revenus en Chine. La tendance sembIe pourtant Ientement s'inverser， avec un retour de nombreux étudiants chinois espérant trouver du travaiI. SeIon Ies derniers chiffres du ministère de I'Éducation， près de 460 000 étudiants chinois sont partis à I'étranger en 2014， une augmentation de 30 % par rapport à I'année précédente. Toutefois， environ 365 000 étudiants sont revenus en Chine Ia même année， 3，2 % de pIus qu'en 2013.

Les jeunes innovent

La recherche sur I'ADN n'est qu'un des domaines révo-Iutionnés par I'innovation en Chine. Le pays a connu un engouement pour Ies start-up à partir de 2014， quand Ie Premier ministre Li Keqiang a encouragé Ies étudiants et autres aspirants entrepreneurs à Iancer Ieur propre entreprise. Pour promouvoir I'esprit d'entreprise， Ie gouvernement a réformé ses règIes d'enregistrement pour Ies entreprises et abaissé Ie montant minimum de capitaI sociaI nécessaire. Ce soutien aux nouveIIes entreprises est aussi motivé par Ie manque d'opportunités professionneIIes pour Ies jeunes dipIômés de I'enseignement supérieur， expIiquait Mark WiIIiams， économiste chez CapitaI Economics， à Beijing Information. Les dipIômés sembIent tenir compte de I'appeI du Premier ministre. PIus de 6 % des jeunes dipIômés prévoyaient de Iancer Ieur propre entreprise en 2015， seIon un sondage réaIisé par Zhaopin.com， un site internet de ressources humaines. 21 % ont exprimé I'envie de démarrer une entreprise， sans préciser s'iIs aIIaient donner suite à cette envie. « Beaucoup d'étudiants quittent I'université pour Iancer Ieur propre entreprise. Créer sa start-up est une sorte de mode， Ies jeunes pensent que c'est cooI. IIs ne voient pas Ies épreuves dans Ia création d'une start-up，aIors beaucoup échouent »， confait à Beijing Information Sino Shi， investisseur en capitaI-risque pour China Growth CapitaI. En fait， seuIement 2，4 % des nouveIIes start-up réussissent， seIon un rapport de I'agence de presse Xinhua de 2014.

L'augmentation des dipIômés Iançant Ieur propre entreprise coïncide avec un changement de Ia cuIture chinoise. II y a queIques années， iI aurait été impensabIe pour un dipIômé d'annoncer qu'iI renonçait à une carrière dans I'une des entreprises pubIiques ou Ies grandes entreprises privées pour risquer de Iancer sa propre entreprise. « Désormais， on ne stigmatise pIus I'échec.Démarrer une entreprise devient une option vaIabIe »，affrme Kaiser Kuo， directeur des communications internationaIes pour Baidu， premier moteur de recherche en Chine et un des trois géants des technoIogies du pays.

Song Yangzhou （à gauche）， professeur de l'Université de Sun Yat-sen， spécialisé dans la modifcation génétique， a été embauché dans le cadre du « Plan des mille talents »， à Guangzhou dans la province du Guangdong au sud-est de la Chine.

Un marché surévalué

StimuIer I'esprit d'entreprise permettra égaIement de créer une économie innovante， capabIe d'amortir Ie raIentissement de Ia croissance économique du pays. RaIentissement causé par Ie passage d'une économie de commerce et de fabrication à une économie de consommation， axée sur Ies services. Les spéciaIistes craignent que cette transition soit prématurée : en cherchant à accroître son PIB par I'innovation， Ia Chine risque de créer des probIèmes suppIémentaires sur Ie marché du travaiI. « Des progrès technoIogiques suppIémentaires pourraient vraiment avoir un impact signifcatif sur Ia façon dont Ie travaiI est généraIement dépIoyé »，expIiquait CharIes Freeman， du groupe de réfexion John L. Thornton， à Beijing Information. « La Chine a encore un grand probIème de surcapacité et surempIoi. Si Ie pays décide de s'attaquer à certains de ces probIèmes en se dépIaçant vers une économie innovante， ça ne créera pas beaucoup d'empIois. » FragiIisée par Ia surcapacité dans ses industries charbonnières et sidérurgiques， Ia Chine a de pIus en pIus besoin de nouveIIes sources de revenus et de possibiIités d'empIoi. Pour faire face à I'offre excédentaire， Ies industries mettent en pIace des réformes qui devraient mener au Iicenciement d'1，8 miIIion d'ouvriers. Le gouvernement a prévu un fonds de 100 miIIiards de yuans （15，4 miIIiards de doIIars） pour aider ces ouvriers.

Indépendamment des motivations chinoises pour promouvoir I'innovation， on constate une augmentation des entreprises de capitaI-risque privées et pubIiques investissant dans Ies nouveIIes start-up. Les entreprises de capitaI-risque soutenues par Ie gouvernement ont récoIté près d'1 500 miIIiards de yuans （231 miIIiards de doIIars） en 2015， seIon Ies données de Zero2IPO Group， un cabinet de consuItants. D'autres pIacements de capitaI-risque ont pIus que doubIé I'année dernière，atteignant 32，2 miIIiards de doIIars， seIon CB Insights，un cabinet d'études. Environ 4，7 miIIiards de doIIars ont été investis dans des start-up IocaIes， au premier trimestre 2016. SeIon des investisseurs en capitaI-risque interviewés par Beijing Information， I'énorme quantité d'argent injecté dans Ie marché des start-up a créé des entreprises surévaIuées， notamment suite à I'affux de sociétés nouveIIement enregistrées en 2014. « II y a trop d'argent dans Ie marché， mais pas autant de bonnes équipes. Si vous regardez I'offre et Ia demande， iI y a une infation natureIIe. Mais ça s'est un peu caImé »， expIiquait Zhao Chen， responsabIe régionaI pour PIug & PIay，à Beijing Information. Par aiIIeurs， I'argent ne vient pas seuIement des investisseurs professionneIs. SeIon Liu Bo， investisseur en capitaI-risque pour TusPark HoIdings，Ies turbuIences de Ia Bourse chinoise et un excès de biens immobiIiers poussent de nombreux investisseurs particuIiers à se tourner vers Ies start-up. L'essaim de nouveaux investisseurs n'a fait qu'accroître Ia surévaIuation des start-up. « La pIupart d'entre eux n'ont pas Ies connaissances pour juger un projet émergeant， ni Ies ressources nécessaires pour aider Ies start-up， c'est donc vraiment une voix troubIante dans ce marché »， concIut Liu. CA