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Le pari chinois

2015-11-08

中国与非洲(法文版) 2015年8期

Le pari chinois

Le manque de réformes des institutions internationales comme la Banque mondiale (BM), le Fonds monétaire international (FMl)et la Banque asiatique de développement (BAD), en dépit de la contribution croissante de nouveaux acteurs dans l’économie mondiale et dans le système financier international, a conduit la Chine à prendre les choses en main. Hannah Edinger,directrice de Frontier Advisory, une entreprise de conseil en investissement basée en Afrique du Sud, examine le fonctionnement de deux banques de développement multilérales, la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (BAll) et la Nouvelle Banque de développement (NBD), et les bénéfices qu’elles pourront avoir pour l’Afrique. Voici son opinion.

LA Chine peut se targuer d'être la plus

grande économie au monde (ayant dépassé les États-Unis en 2014, selon le FMl) et est un partenaire commercial important, sinon le plus important, pour beaucoup d’autres économies, en termes commerciaux, financiers et d’investissement. Pourtant, sa place grandissante sur la scène économique internationale, ainsi que celle d’autres marchés émergents, ne se reflète pas dans la prise de décision des institutions financières internationales - ce qui est souvent perçu comme un désavantage pour les marchés émergents et en voie de développement.

Au lieu d’attendre que les choses changent, la Chine a rassemblé ses forces géopolitiques et financières, et tente de concurrencer le système actuel en créant sa propre plateforme. En réalité, elle a mis en place non pas une, mais deux banques multilatérales de développement - toutes deux basées en Chine et capables de tirer profit de l’expérience chinoise en termes de développement d’infrastructures.

L’une de ces deux nouvelles banques est la NBD, la première institution lancée conjointement par les cinq pays des BRlCS (Brésil, Russie, lnde,Chine et Afrique du Sud). La réunion inaugurale du bureau exécutif de la NBD a vu le jour en marge du septième sommet des BRlCS à Oufa, en juillet 2015. L’équipe dirigeante sera chargée de piloter la mise en route de la banque dans les mois à venir à Shanghai.

Chaque pays membre aura une part de 20 % dans la banque, et aucun n’aura de droit de véto. Possédée uniquement par des marchés émergents,la NBD financera des projets d’infrastructure et de développement durable dans les pays des BRlCS ainsi que dans leur région économique. L’établissement d’un centre régional africain de la banque à Johannesburg indique que les économies africaines pourront directement bénéficier d’opportunités de financement de la part de cette institution.

La deuxième institution, la BAll, a des membres beaucoup plus divers, même s’ils sont également pour la plupart des marchés émergents. Basée à Beijing, cette institution créée par la Chine intéresse de très nombreux pays. Aux dernières nouvelles, elle comptait 57 membres fondateurs, y compris tous les membres des BRlCS, ainsi qu’un grand nombre de pays développés comme le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Australie et la République de Corée.

En juin, 50 membres fondateurs ont signé les Articles d’Accord pour la mise en route de la banque. Cela rend non seulement la BAll très représentative,mais montre aussi l’intérêt des pays non asiatiques vis-à-vis du rôle croissant de la Chine dans l’économie internationale. Les économies émergentes,asiatiques ou non, devraient contribuer à environ 75 % du capital. L’actionnariat et les structures de vote constituent des différences clés entre la NBD et la BAll. La Chine devrait avoir une part de 26 % des droits de vote dans cette dernière, et elle en est le principal actionnaire, à 30 %, en accord avec la taille de son PlB. L’lnde et la Russie se situent respectivement à la deuxième et la troisième position.

Une autre différence clé est que la BAll prêteraen priorité à la région asiatique, sa mission étant de « promouvoir l’interconnexion et l’intégration économique » en Asie. On attend notamment de la banque qu’elle finance l’initiative chinoise de la Ceinture et la Route, un projet de long terme visant à redynamiser l’ancienne route de la soie. La route met en relation plus de 60 pays en Eurasie et au Moyen Orient et soutient l’objectif chinois de promotion de l’intégration financière et économique dans la région.

Les membres de la BAII sont essentiellement des marchés émergents

En tant que région ayant la croissance la plus rapide au monde, l’Asie présente de très nombreuses opportunités aux portes de la Chine. En investissant et développant des infrastructures dans des pays à bas et moyen revenus, la Chine aidera à réaliser des taux de croissance élevés et durables dans la région,dont elle bénéficiera à son tour. La BAll soutiendra en outre les efforts de la BM et de la BAD en comblant le trou financier estimé à 750 ou 800 milliards de dollars par an pour les infrastructures - environ huit fois plus qu’en Afrique.

Cela aidera la Chine à renouer des liens avec ses voisins et à affirmer sa légitimité en tant que prêteur international(en particulier dans des projets ou des secteurs considérés comme tabous ou trop risqués par les institutions traditionnelles), à créer de nouveaux marchés d’exportation pour ses entreprises, et à faire rayonner sa soft power auprès de ses voisins.

Si la BAll ne vise pas en priorité l’Afrique, il y aura certainement des retombées pour le continent,ainsi que pour les autres marchés émergents. Ceux-ci pourront notamment profiter des évolutions du paysage de la finance du développement et de l’investissement,et de sources de financement plus diversifiées.

Ces nouvelles banques apportent en outre une nouvelle perspective à la finance du développement, étant plus sensibles aux besoins et aux risques des pays dans lesquelles elles opèrent et auxquels elles prêtent. Les deux banques devraient offrir des procédures administratives facilitées, des coûts financiers moindres, et se concentrer sur les infrastructures dont les marchés émergents et en développement ont grand besoin.

Même si l’Afrique ne bénéficie pas directement de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures et de la Nouvelle Banque de développement, elle y trouvera sans aucun doute des bénéfices indirects. Etant donné les importants liens commerciaux entre la Chine et le continent,celui-ci bénéficiera certainement de prêts accrus et d’un usage plus répandu de la monnaie chinoise, ainsi que de marchés financiers chinois plus ouverts et qu’un accès moins cher aux capitaux. CA

Hannah Edinger

Directrice de Frontier Advisory, une entreprise de conseil en investissement basée en Afrique du Sud