Une foire pleine d'opportunités
2015-11-08SudeshnaSarkar
Une foire pleine d'opportunités
L'exposition de Kunming devient une porte vers le marché chinois pour les entrepreneurs africains par Sudeshna Sarkar
LE rythme irrésistible du tambour joué par Walter
Ochieng fait danser Li Haiyan, sa collègue chinoise. À son tour, elle aussi prend un tambour et commence à en jouer avec enthousiasme. De l’autre bout du monde, ces deux étrangères sont réunies à Kunming par la musique -et le commerce.
Ochieng et sa sœur Detty Oloo sont venus de Nairobi pour participer à la troisième Exposition Chine-Asie du Sud à Kunming, la capitale de la province du Yunnan,dans le sud-ouest de la Chine. La foire, qui se tient en juin pendant 5 jours, est l’un des événements majeurs de la province. Au-delà de l’Asie du Sud, elle est également devenue une porte d’entrée pour les entrepreneurs africains.
Plus de 20 000 hommes d’affaires et 3 000 entreprises, originaires de près de 70 pays et régions, y ont participé cette année. Les stands Africains, nombreux,attirent l’œil par leurs performances improvisées et par leurs produits colorés : artisanat en bois et en papier mâché, pierres semi-précieuses et bien sûr, tam-tams africains.
Dans un des stands, de jeunes hommes et femmes balançant leurs hanches au rythme de la musique,portent des objets en bois en équilibre sur leur tête. Dans un autre stand, Eunice Odeki, une Ghanéenne de 43 ans,montre ses produits cosmétiques à des badauds fascinés,prélevant une crème blanche d’une jarre et en badigeonnant son visage et ses mains.
De nouvelles stratégies
Loin du marasme des économies européennes et américaines, la Chine continue sa croissance rapide. Le FMl prévoyait qu’elle deviendrait la première économie du monde en 2014, produisant pour 17 600 milliards de dollars de biens et de services, contre 17 400 milliards pour les États-Unis. En conséquence, les entrepreneurs et marchands africains se pressent vers le marché chinois. Les accords bilatéraux entre gouvernements chinois et africains, la diaspora africaine dans les villes chinoises et les vols aériens de plus en plus nombreux entre la Chine et l’Afrique sont des manifestations de ce phénomène. L’exposition de Kunming, dans ce contexte, offre une porte d’entrée aux entrepreneurs africains vers le marché chinois.
« C’est l’une des meilleures foires », affirme Odeki,dont l’entreprise, Odeki Ghana, promeut ses produits « made in Ghana ». « Les autres foires chinoises comme la Foire de Guangzhou (dans le Guangdong) et la Foire de Xiamen (dans le Fujian) sont centrées sur les échanges d’entreprises à entreprises, mais la foire de Kunming est plus centrée sur la vente au détail ».
Ce qu’Odeki préfère dans l’exposition de Kunming est sa sécurité. L’événement fait la fierté de la province, et des membres de la société civile se joignent aux autorités pour assurer son succès. Des centaines de volontaires aident le personnel de sécurité, aident les participants à se repérer dans la foire et offrent une aide linguistique. « Je me sens en sécurité, explique Odeki. Mes produits ne craignent rien ».
Le manque de sécurité dans son propre pays a contraint l’Egyptien Mohamed Elmorshdy à quitter Alexandrie pour trouver refuge à Beijing. À 35 ans, il possède une entreprise, Egypt Lotus, qui vend des produits artisanaux égyptiens en Chine, notamment des peintures sur parchemin et des pierres de malachite.
« Kunming est en grand marché en soi, explique-t-il. Je participe à la foire pour trouver de nouvelles opportunités commerciales. Avec les problèmes de l’économie égyptienne, les entreprises doivent se tourner vers l’extérieur. Pour nous, obtenir un visa européen ou américain n’est pas facile. Ces marchés ne nous sont pas ouverts. En Chine, en revanche, obtenir le visa est plus facile. En outre, les salaires sont bons et la population a un pouvoir d’achat élevé. »
Pour encourager les petites et moyennes entreprises, les droits de douane sont réduits sur les produits importés pour l’exposition. Beaucoup de vendeurs qui n’ont pas de point de vente fixe profitent de l’occasion pour importer un grand stock de marchandises, qu’ils stockent ensuite en attendant la prochaine foire. « La foire de Kunming est importante pour la promotion de mes produits », affirme Zacchaeus Tusubira, Ougandais et propriétaire de l’entreprise Ebenezer United, enregistrée à Kampala, qui vend des pierres semi-précieuses et des tam-tams africains. « Parfois,nous n’entrons pas dans nos frais, mais nous devons être présents à la foire pour promouvoir nos produits. »
Les vendeurs sont à la recherche de distributeurs ou de partenaires. S’ils n’en trouvent pas, les entrepreneurs comme Tusubira parviennent quand même à rentrer dans leurs frais en achetant des vêtements et des produits électroniques à Shenzhen et en les vendant de retour au pays.
ÉCONOMIE
Faits & chiffres
» L'exposition de marchandises de pays d'Asie du Sud est devenue l'Exposition Chine-Asie du Sud en 2012. La foire est organisée par le ministère chinois du Commerce et le gouvernement populaire du Yunnan.
» La foire se tient au Centre international de conférences et d'exposition de Dianchi à Kunming. Cette année, l'exposition en intérieur s'étendait sur 120 000 mètres carrés, soit la taille de 23 terrains de football.
» Le premier jour de l'exposition, le chiffre l'affaire a été de 25,19 milliards de dollars, en augmentation de 19,8 % par rapport à l'année dernière. Des accords ont été signés pour une valeur de 126 milliards de dollars au cours des cinq jours.
Parler la même langue
Le marché chinois commence à être familier aux entrepreneurs africains. Pascal K. Ezein est venu d’Accra en 2008 pour apprendre le chinois à l’université du Yunnan. ll est tombé amoureux du pays et d’une jeune femme chinoise, avec laquelle il s’est marié en 2010. Outre son entreprise à Accra, il a également fondé une entreprise en Chine pour y vendre des produits africains. Agé de 33 ans, Ezein parle couramment chinois et peut négocier facilement avec les acheteurs.
Pamela Malewo, Tanzanienne et propriétaire de Karibu Arts, est arrivée plus récemment. L’exposition de juin était son deuxième voyage en Chine. Mais elle sait déjà compter en chinois, ce qui est très important pour son commerce. Lorsqu’on lui demande les prix de ses produits, elle les énumère en chinois. Quant à elle,la Zambienne Célestine Chilambo, dont l’entreprise,Magna General Trading, a trois stands dans la foire, a recruté des interprètes chinois pour l’événement. Elle a également un petit tableau avec le nom chinois des pierres semi-précieuses qu’elle vend.
Business sans frontières
Airichael, l’entreprise de la Chinoise Lin Wenqin, vend des produits de santé naturels, issus de la médecine traditionnelle africaine. Elle expose des rangées de jarres contenant des graines de « l’arbre magique » africain, le Moringa. Les graines sont censées contenir des compléments de vitamine, améliorer la qualité du sommeil et guérir plus de 300 maladies.
Enock Azu, originaire du Ghana, vend en Chine des chocolats produits au Kazakhstan. Dans cette foire qui réunit des acheteurs et des vendeurs du monde entier,les frontières s’effacent et le profit mutuel est la seule chose qui compte. « C’est le commerce », résume Azu,âgée de 24 ans. CA