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Mens sana in corpore sano

2022-02-19parLIXIAOYU

中国与非洲(法文版) 2022年2期

par LI XIAOYU

Un programme chinois de cantine scolaire contribue à lutter contre la sous-alimentation en Afrique

Bénéficiaires du programme de cantine scolaire « Lunch for Children ».

Il y a trois ans de cela, Isabelle Brivian regardait les autres enfants courir pour aller à l’école, alors qu’elle restait à la maison pour s’occuper de ses frères et sœurs. Il aura seulement fallu 30 cents par jour pour permettre à la jeune Kényane d’intégrer la cohorte des élèves de Mathare - un quartier pauvre de Nairobi, la capitale du Kenya. Car désormais, la distribution de repas quotidiens incite les parents à inscrire leurs enfants à l’école et encourage ces derniers à y rester.

En mars 2017, le programme de cantine scolaire « Lunch for Children » a été lancé conjointement par Deng Fei, philanthrope chinois, la Société de la Croix-Rouge chinoise et la Fondation du bien-être social de Chine. Au total, 1 103 élèves, répartis dans cinq écoles primaires de Mathare avaient pu en bénéficier quotidiennement. Depuis, le programme n’a cessé de prendre de l’ampleur jusqu’à prendre en charge plus de 6 000 enfants, issus de 23 écoles au Kenya, en Éthiopie, en Tanzanie, au Nigeria, au Malawi et en Ouganda.

Les enseignants s’accordent à dire que la distribution des repas réduit l’absentéisme. Les résultats scolaires des enfants sont meilleurs, et le taux d’abandon scolaire est en baisse. Les retombées positives du programme s’étendent également dans les foyers pauvres, supprimant ainsi une source importante de stress pour les parents.

La malnutrition constitue, en effet, une préoccupation majeure sur le continent africain. Le dernier rapport annuel de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), intituléL’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2021, indique que sur 768 millions de personnes sous-alimentées dans le monde en 2020, plus du tiers, soit 282 millions, vivent en Afrique. Ce qui représente 21 % de sa population. En septembre 2021, l’Agence de développement de l’UA a encouragé une position commune africaine, à la veille du Sommet de l’ONU sur les systèmes alimentaires. La nutrition et l’alimentation scolaire figurent en tête des cinq pistes proposées afin d’assurer un accès équitable et abordable à la nourriture. À cet égard, l’enjeu est de taille pour le programme chinois, puisqu’il engage une initiative concrète.

Le taux d’abandon scolaire est en baisse. Les retombées positives du programme s’étendent également dans les foyers pauvres, supprimant ainsi une source importante de stress pour les parents.

Un dispositif efficace

Mis en œuvre en Chine depuis 2011, le dispositif est déployé dans 1 555 écoles à travers le pays, et a permis de récolter 833 millions de yuans (131,3 millions de dollars), bénéficiant à 380 000 enfants, jusqu’au mois de septembre 2021. Un succès qui a incité le Conseil des affaires d’État à mettre en place un large programme national de nutrition pour les élèves des zones rurales, en octobre 2011. Depuis, le gouvernement central y consacre chaque année plus de 16 milliards de yuans (2,5 milliards de dollars).

« Le bien-être public est sans frontières », affirme d’ailleurs M. Deng. C’est à partir de ce postulat que son programme a été étendu à l’Afrique. Quant à l’exécution du projet, c’est Yin Binbin qui s’est vu confier la mission, sur la base de son expérience. En effet, le jeune bénévole chinois a cofondé la Dream Building Service Association, ONG créée au Kenya en 2014, et qui travaille sur l’éducation de la jeunesse, la sous-alimentation chez les enfants, et la pauvreté. Grâce à son organisation, trois écoles à Mathare ont pu être restaurées entre 2014 et 2018.

Les fonds proviennent de donateurs individuels, mais aussi d’organisations et de fondations chinoises. Le programme dispose également d’une propre fondation aux États-Unis pour le financement de l’étranger. À l’instar de ce qui existe en Chine, toutes les écoles bénéficiaires ont ouvert un compte sur les réseaux sociaux, comme Facebook et Twitter, pour publier régulièrement des informations liées au programme.

Sur le terrain, l’équipe veille à ce que le riz, les fèves, le blé, les produits laitiers, et les autres ingrédients des repas servis aux élèves, soient achetés auprès des agriculteurs locaux. Cela permet de réduire la malnutrition, tout en fournissant aux exploitants l’occasion de vendre leur production. Pour accroître la viabilité du projet, les parents sont aussi appelés à jouer un rôle actif dans le suivi et l’évaluation.

De nouveaux défis à relever

Toujours selon le rapport du FAO, l’insécurité alimentaire et la malnutrition n’ont fait que grandir en raison de la pandémie de COVID-19, mais également des mesures qui ont été prises pour l’endiguer. Par rapport à 2019, environ 46 millions de personnes de plus ont été touchées par la faim en Afrique en 2020. Face à la fermeture de nombreuses écoles suivant la crise sanitaire, les équipes du programme ont décidé de continuer à fournir des repas aux élèves. Habituellement, les règles exigent que les enfants se rassemblent et prennent leurs repas sur place. COVID oblige, l’équipe a pu apporter des modifications temporaires. De juillet à novembre 2020, 5 361 colis alimentaires de sept kilos chacun, ont été distribués dans huit écoles de Mathare. Avec la réouverture progressive des établissements scolaires, le programme a repris la fourniture de repas sur place dans le quartier, à partir d’octobre 2020. Malgré l’incertitude liée à la pandémie, l’équipe a su faire preuve d’une grande capacité d’adaptation pour assurer le fonctionnement normal du projet.

Enquête sur le programme « Lunch for Children », menée par des bénévoles chinois, en 2019.

Si les conditions le permettent, le projet permettra d’assurer les repas dans 50 écoles en 2022, avec une dépense annuelle estimée à 5 millions de yuans (786 500 dollars), et qui pourrait atteindre les 10 millions d’ici 2023, répartis sur 100 écoles. Pourtant, le manque de financement risque d’assombrir les perspectives. Selon Shi Zhihong, professeur au Centre d’études du Soudan relevant de l’Université de Yangzhou et observateur du projet, le programme nécessite un soutien urgent, que ce soit en termes de fonds purs, ou de visibilité pour mobiliser davantage de ressources. « Ces dernières années, le projet a attiré une attention grandissante auprès des universitaires et des ressortissants chinois en Afrique. Mais c’est loin d’être suffisant », confie-t-il àCHINAFRIQUE. Il encourage notamment les chambres de commerce et les entreprises chinoises, de même que les organisations caritatives, à s’y investir davantage. Les étudiants chinois et le personnel des Instituts Confucius sur le continent sont également appelés à intégrer l’équipe de bénévoles.

Bien sûr, le projet chinois a démarré relativement tard, et s’effectue encore à petite échelle, comparé aux programmes d’alimentation scolaire mis en œuvre par les organisations internationales comme l’ONU. Il a pourtant l’avantage d’avoir mis en place un modèle d’exploitation fiable, efficace et reproductible, souligne l’universitaire chinois, qui espère que ce projet pourra réaliser son plein potentiel dans un futur proche. CA