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Des Bohémiens et de leur musique en Hongrie:une tentative avortée de justification d’une école nationale de musique hongroise

2020-03-23RolandScheiff

Roland Scheiff

Abstract:Franz Liszt lived in Paris for much of his youth before reconnecting with his native Hungary to the point of offering a musical epic of the Hungarian nation:the Hungarian Rhapsodies S244.For fear of causing misunderstanding by this original work,he wishes to write an explanatory preface which turns into a much more substantial work:Des Bohémiens et de leur musique en Hongrie.The work aroused an outcry in Hungary over the attribution of Hungarian musical heritage sources to Gypsies alone and marks the end of the composer's claims to become the founder of a Hungarian music school.The article aims to review in the center of the questioning the discourse aiming to confer a nationalizing aura to a musical work.

Key words:Franz Liszt; nationalism; cultural mediation; Rhapsodies hongroises; Des Bohémiens et de leur musique en Hongrie

Introduction

Connu avant tout pour son œuvre musicale et sa virtuosité pianistique,Franz Liszt (1811-1886) ambitionne,sa vie durant,d’être plus qu’un simple interprète et prend conscience assez rapidement d’un rôle de première importance devant incomber aux artistes de sa génération dans la société moderne①Damien Ehrhardt.«Liszt,médiateur entre la France et l’Allemagne.Vers une nouvelle théorie du champ et une histoire transculturelle de la musique».Études Germaniques,2008,251(3):513..Ce sentiment le pousse à s’exprimer par écrit à plusieurs reprises au cours de son existence tant pour rendre compte de sa conception de la fonction de l’artiste que pour rendre plus explicite son œuvre musicale quand il le juge nécessaire.

Le musicien hongrois habite Paris,presque sans interruption de 1823 à 1835,et doit à cette ville un climat propice à sa construction intellectuelle et à la formation de sa pensée artistique②Léon Guichard.«Liszt et la littérature française».Revue de Musicologie,1970,56 (1):3..En tant que creuset d’une effervescence artistique et intellectuelle,la capitale française réunit en son sein une partie conséquente de l’élite artistique et littéraire européenne③Ibid. p.4..Se familiarisant avec la langue et la littérature françaises,Liszt entretient également des relations directes avec le monde littéraire parisien qui exercera dès lors une influence certaine dans sa conception de l’art et de l’artiste④Malou Haine.«Franz Liszt à Paris (1823-1835):De l’enfant prodige à l’artiste compositeur».Malou Haine et Nicolas Dufetel (dir.).Liszt et la France.Musique,culture et société dans l’Europe du XIXe siècle.Paris:VRIN,2012,p.366..

Bien que vivant loin de son pays natal pendant toutes ces années,Liszt renoue avec lui vers la fin de la décennie 1830.Si ses œuvres de jeunesse ne recèlent que peu de traces de la Hongrie,l’année 1838 marque un tournant décisif dans la vie du jeune musicien⑤Mária Eckhardt.«Franz Liszt médiateur entre la culture française et la culture hongroise».Malou Haine et Nicolas Dufetel (dir.).Liszt et la France.Musique,culture et société dans l’Europe du XIXe siècle.Paris:VRIN,2012,p.121..En mars de cette année surviennent de grandes inondations ravageant la ville de Pest,inondations poussant l’artiste à entamer un voyage de retour l’année suivante à l’issue duquel il se positionne comme ambassadeur d’un pays soucieux d’indépendance culturelle,voire politique⑥Ibid..Dans ce contexte,il compose des partitions dont la teneur hongroise se fait de plus en plus ressentir⑦Ibid. p.123..Un des points culminants de ces multiples références à la Hongrie peut être trouvé,sans conteste,dans ses quinze premièresRhapsodies hongroisesS244,éditées entre 1851 et 1853⑧Bruno Moysan.Liszt (1811-1886).Quintin:Editions Jean-Paul Gisserot,1999,p.80.,censées incarner une épopée musicale de la nation hongroise.Afin d’expliquer ce cycle inédit à un public occidental,il souhaite rédiger une préface explicative qui se transformera en un ouvrage beaucoup plus volumineux:Des Bohémiens et de leur musique en Hongrie.Tout d’abord publié en français à Paris au cours de l’année 1859,le livre sera traduit en allemand et en hongrois deux ans plus tard⑨Klára Hamburger.«Franz Liszt:1811-1886».Ben Arnold (éd.).The Liszt Companion.Londres:Greenwood Press,2002,p.12..

S’il est certain que ses nombreuses lectures et ses amitiés entretenues avec les intellectuels de son temps lui permettent de disposer d’une base de réflexion solide ainsi que d’un large bagage culturel,la paternité des articles et livres signés de son nom⑩Entre autres:De la situation des Artistes et de leur Condition dans la Société (1835),Lettres d’un bachelier ès musique (1837-1841),Frédéric Chopin (1852),Des Bohémiens et de leurs musique en Hongrie (1859/1881).pose cependant question⑪Serge Gut.Liszt.Paris:Éditions de Fallois/L’Âge d’Homme,1989,p.277..En effet,il est possible de constater à plusieurs reprises des demandes émanant de Liszt à propos d’une aide extérieure quant à la rédaction de ses écrits.C’est le cas notamment pour sa préface explicative:

J’aurais bien une autre commission à vous donner,mais bien plus délicate,et qui vous coûterait 3 ou 4 matinées peut-être,et j’avoue que je n’ose pas trop à moins que vous ne m’encouragiez un peu.Il s’agit d’une préface ou Post-face [sic] à mesRhapsodieshongroises,pour laquelle je vous donnerai naturellement un certain nombre de Notes [sic] et d’indications.Je tiens extrêmement à ce travail,et il est absolument nécessaire que lesensprofond etintimede cette série de Compositions [sic] soit éloquemment développé au Public [sic].⑫Lettre du 17 juillet 1847 de Franz Liszt à Marie d’Agoult,dans Serge Gut et Jacqueline Bellas. Franz Liszt.Marie d’Agoult.Correspondance.Nouvelle édition revue,augmentée et annotée,Paris:Fayard,2001,p.1178.La demande restera lettre morte.

De même,la nécessité d’un ouvrage explicatif relatif à sesRhapsodies hongroisesne doit pas laisser indifférent.En effet,pourquoi le compositeur a-t-il éprouvé le besoin de justifier cette épopée et pour quelles raisons ladite préface est-elle devenue un livre à part entière ? Enfin,la réception dudit ouvrage et ses conséquences peuvent,elles aussi,être matière à interrogation.

Afin de répondre à ces questions,la paternité de l’œuvre livresque du musicien sera tout d’abord étudiée afin de comprendre son mode opératoire.Cette question résolue,le but,la genèse et la réception de sonDes Bohémiensseront,à leur tour,questionnés dans le but d’offrir une meilleure compréhension des intentions de son auteur tout en proposant une nouvelle compréhension du phénomène de l’intégration d’une musique ou d’un compositeur dans un courant national.

1 Paternité des ouvrages littéraires

Trois grandes études ont été menées respectivement par Émile Haraszti,Léon Guichard et Serge Gut à propos de la paternité de l’œuvre livresque attribuée au pianiste hongrois.Bien que le travail fourni par les trois chercheurs soit sérieux et documenté,les conclusions avancées par Haraszti et Guichard sont sans doute quelque peu trop extrêmes pour être acceptées.Selon Haraszti,Liszt ne serait en aucun cas un écrivain ou un penseur mais un mystificateur utilisé par les deux femmes de sa vie:la comtesse Marie d’Agoult (1805-1876) et la princesse Carolyne von Sayn-Wittgenstein (1819-1887)⑬Voir:Émile Haraszti.«Franz Liszt écrivain et penseur.Histoire d’une mystification».Revue de Musicologie,1943,22 (2):19-28 ; Émile Haraszti,«Franz Liszt écrivain et penseur.Histoire d’une mystification (suite et fin)».Revue de Musicologie,1944 (23):12-24..Guichard,de son côté,plaide pour une collaboration dans la totalité des écrits du musicien,mais toujours sous sa tutelle⑭Voir:Léon Guichard.«Liszt et la littérature française».Revue de Musicologie,1970,56 (1):3-34..Gut,s’il ne clôt définitivement le débat,réduit le champ des possibilités en proposant une voie nuancée bien plus convaincante puisqu’il insiste sur le fait que la situation doit être jugée article par article et qu’il rappelle l’existence de certains autographes de la main de Liszt dont les douze pages devant servir à sa collaboratrice Marie d’Agoult dans la rédaction de sonDe la situation des Artistes et de leur condition dans la Société⑮Serge Gut.Liszt.Op.cit.,p.280..

Il est vrai que l’éducation intellectuelle du musicien fut assez rudimentaire⑯Son instruction s’arrête à l’âge de neuf ans pour qu’il puisse se concentrer exclusivement sur la pratique de son instrument de prédilection (Serge Gut.Franz Liszt.Les éléments du langage musical. Thèse présentée devant l’université de Poitiers le 28 octobre 1972,Lille:Université de Lille,1977,p.34-35).,manque qui demeurera un complexe pour lui⑰Mária Eckhardt.«Franz Liszt médiateur entre la culture française et la culture hongroise».Malou Haine et Nicolas Dufetel (dir.).Liszt et la France.Op.cit.,p.120..

Plusieurs témoignages viennent cependant contredire l’idée d’un Liszt inculte ; par exemple,celui de Madame Auguste Boissier-de son vrai nom Caroline Boissier Butini (1786-1836)-,dont la fille Valérie fut une élève du pianiste hongrois entre fin 1831 et début 1832⑱Léon Guichard.Op.cit.,p.16.:

Déjà à l’heure qu’il est,sa conversation est plus nourrie et traduit plus de connaissances que celle d’une foule d’hommes qui ont fait leurs études.Il cite à propos une quantité de choses—il a beaucoup lu,bien lu et tout retenu.Il m’a dit qu’ayant longtemps feuilleté des livres sans fruits,il s’était mis à lire autrement,à relire souvent ce qui le frappait,à comparer des ouvrages entre eux et qu’enfin il croyait s’y prendre utilement.En littérature et en musique c’est le même homme⑲Auguste Boissier.Liszt pédagogue.Leçons de piano données par Liszt à Mademoiselle Valérie Boissier à Paris en 1832 [1923].Paris:Honoré Champion,1976,p.60..

Autre fait certain,la quasi totalité des écrits du pianiste se répartissent en deux périodes:une première s’étalant de 1835 à 1841,date à laquelle une cessation de la production d’articles ainsi qu’un relâchement de la relation entre Liszt et Marie d’Agoult sont constatés ; une deuxième entre 1849 et 1860,période pendant laquelle la relation entre le compositeur et la princesse von Sayn-Wittgenstein est effective⑳Charles Suttoni.«Liszt’s Writtings and Correspondences».Ben Arnold (éd.).The Liszt Companion.Londres:Greenwood Press,2002,p.29..

Si les différents spécialistes divergent à propos de la nature des interventions des deux femmes dans l’œuvre livresque du musicien,tous s’entendent pour dire qu’elles eurent une influence non négligeable sur leur amant et qu’elles voulurent en faire un écrivain autant qu’un penseur.Tous s’accordent enfin pour souligner globalement les effets positifs de la collaboration Liszt-d’Agoult et les effets néfastes de la seconde㉑Klára Hamburger.Op.cit.,p.11..

La relation Liszt-d’Agoult est déterminante pour le couple qui travaille en harmonie㉒Léon Guichard.Op.cit.,p.18..Outre des encouragements mutuels bien compréhensibles,les amants se répartissent les tâches lors de la rédaction d’articles et d’ouvrages devant paraître sous le nom du compositeur.La méthode de travail est globalement la suivante:la comtesse rédige les textes sous le nom de Liszt à partir de données précises que lui fournit le compositeur㉓Selon Serge Gut,il est possible de trouver dans leur correspondance des demandes émanant de la part du compositeur pour que Marie d’Agoult termine ou reformule ses pensées autour d’un canevas précis donné par Liszt lui-même.Il est à rajouter que la comtesse conservait tout de même d’une grande liberté de rédaction (Serge Gut.Liszt.Op.cit.,p.278)..À partir de 1839,les prémices d’une rupture entre les deux amants commencent à poindre et sept ans plus tard,la séparation sera complète㉔Émile Haraszti.Op.cit.,p.16..

Le 14 février 1847,la princesse von Sayn-Wittgenstein entend Liszt pour la première fois㉕Donna Di Grazia.«Liszt and Carolyne Sayn-Wittgenstein:New Documents on the Wedding That Wasn’t».19th-Century Music.1988,12 (2):149..Suite à cette rencontre,le musicien hongrois demeure,de la mi-octobre 1847 à la mi-janvier de l’année suivante,dans la maison des Wittgenstein ; en février 1848,la princesse le suivra à Weimar㉖Christophe Hardy et Pierre-Antoine Hure.Franz Liszt.Paris:Fayard,2003,p.84..Elle s’occupera de la deuxième période littéraire du pianiste en se proclamant sa rédactrice en titre ; désormais,c’est elle qui développera les thèmes que lui fournira son amant,dont son fameuxDes Bohémiens et de leur musique en Hongrie㉗Alan Walker,«Liszt Franz,§14:Liszt as author and editor».Oxford Music Online.Grove Music Online.http:/www.oxfordmusiconline.com/subscriber/article/grove/music/48265 (Page consultée le 18 septembre 2019).Toutefois,la collaboration entre les deux nouveaux amants ne semble pas aussi fructueuse que la précédente.En cause,l’habillage stylistique lourd et quelquefois confus de la princesse ainsi que sa tendance à développer considérablement les idées premières du compositeur㉘Serge Gut.Op.cit.,p.41..

2 Des Bohémiens et de leur musique en Hongrie

Vers la fin des années 1840,Liszt souhaite rédiger une petite préface explicative au sujet de sesRhapsodies hongroises; il se tourne dans un premier temps vers Marie d’Agoult pour lui demander une aide dans l’écriture de son projet—demande qui restera lettre morte.Ce désir explicatif s’explique par sa peur de susciter l’incompréhension avec ce nouvel opus pianistique dont le matériau folklorique de base occupait,à cette date,une ampleur sans précédent㉙Alan Walker.Franz Liszt.Tome 1.1811-1886,traduit de l’anglais par Hélène Pasquier,Paris:Fayard,1990,p.858.:

Ceci fait,nous ne nous dissimulions point qu’unetelleépopée courait grand risque de rester peu comprise et encore moins goûtée du monde civilisé au milieu duquel nous comptions l’introduire (…).Dans la crainte qu’elle [la musique bohémienne],si immensément populaire dans son pays,ne restât par trop étrangère aux habitudes d’esprit et d’oreilles des autres nations,nous crûmes qu’il serait bon d’accompagner de quelques mots explicatifs cette épopée,sui generis.Nous voulions la faire précéder d’une préface㉚Franz Liszt.Des Bohémiens et de leur musique en Hongrie.Paris:A.Bourdilliat et Cie éditeurs,1859,p.345..

S’il paraît compliqué d’affirmer clairement la langue dans laquelle ladite préface dut être écrite,il est cependant possible d’avancer raisonnablement que celle-ci ne fut pas destinée à ses compatriotes.Bien que né en Hongrie,Liszt ne parle en effet pas le hongrois ; sa langue maternelle est l’allemand et sa langue de formation est le français㉛Peter Jost.«Des stéréotypes nationaux dans la critique lisztienne».Études Germaniques,2008,251 (3):441..De plus,en demandant à Marie d’Agoult une aide dans l’écriture,Liszt laisse entendre,au vu de la collaboration antérieure des deux amants,qu'il pourrait vouloir voir cette préface écrite en français.Enfin,selon son propre témoignage,la raison d’être de ce travail explicatif résulte de la peur que son travail ne soit pas compris ni «goûté du monde civilisé».Liszt entend donc endosser un rôle de médiateur culturel㉜Damien Ehrhardt.«Liszt,figure de la médiation et de l’interculturalité».Études Germaniques,2008,251 (3):423.qui non seulement présente des produits musicaux tirés du terroir hongrois mais tient à les expliciter de peur qu’ils soient mal compris par un public étranger à ce monde hongrois.

2.1 De la préface au livre

Ce qui ne devait être qu’une petite préface explicative deviendra,sous le contrôle de la princesse von Sayn-Wittgenstein,un livre entier rédigé en langue française avant d’être traduit en allemand et en hongrois.

Cet ouvrage montre toute la fascination du compositeur pour le monde tzigane et sa musique,l’artiste allant jusqu’à attribuer à ces nomades la paternité seule de la musique traditionnelle hongroise㉝«Eux seuls [les Bohémiens] ont interprété l’art en artiste ; si les bergers ont redit sur leurs chalumeaux,si les pâtres ont siffloté sur leurs pipeaux,si les métiviers ont chanté en chœurs les mêmes motifs,les Bohémiens seuls leur ont donné leur valeur d’art,leur illustration et leur renommée,par leur exécution,par le sentiment qu’ils y ont infondu.Mais,sans les Hongrais [sic],que fût devenu l’artiste bohémien ? Ne sont-ce pas les Hongrais[sic] seuls qui ont laissé la paix aux Bohémiens ? […] Ayant l’intuition du sentiment,ils ont respecté le type,et aimé l’art bohémien.[…] L’art bohémien appartient donc aux Hongrais [sic] comme un enfant à sa mère,car,sans eux,il n’eût pas existé.C’est eux qui leur ont donné l’air l’espace,le jour,le rayon doré,le sourire ami,la larme sympathique,l’acclamation réverbératrice,la rosée nourrissante,le souffle fertilisant qu’il faut à l’épanouissement et à la glorification de tout art» (Franz Liszt.Des Bohémiens et de leur musique en Hongrie.Op.cit.,p.284-285)..Le thème principal du livre est qu’il n’existe pas de musique hongroise à proprement parler mais de la musique jouée par des Tziganes présentés par le compositeur comme les rhapsodes d’une antique épopée musicale㉞Ibid.p.12-17..Incapables,selon Liszt,de représenter parfaitement leur passé au moyen d’une épopée nationale devant faire le récit des événements décisifs et des sentiments collectifs,base d’une identité nationale commune,les Tziganes auraient tout de même des passions collectives particulières qu’ils exprimeraient dans leur pratique de la musique purement instrumentale㉟Margaret Miner.«Dionysos parmi les Bohémiens.Un parcours baudelairien».Europe.Revue littéraire mensuelle,1992 (70):46..

La position que s’attribue Liszt est intéressante à plus d’un titre et révélatrice de l’époque.Les Tziganes,ne disposant pas eux-mêmes,selon les dires de l’artiste,de la capacité de proposer cette fameuse épopée nationale,se verront remplacés par le compositeur qui endossera le rôle du rhapsode de la nation hongroise:

De ce nouveau point de vue,nous aperçûmes sans peine que la poésie qui abonde dans la musique bohémienne et s’y détache,telles que des odes,des dithyrambes,des élégies,des ballades,des idylles,des ghazelles,des distiques,des chants martiaux,funèbres,amoureux et bachiques,pouvaient se rassembler en un corps homogène,en une œuvre complète,divisée de sorte que chaque chant soit à la fois total et partie,susceptible d’être séparé du reste,jugé à part et indépendamment de l’ensemble,tout en demeurant lié au reste par l’identité du style,l’analogie de l’inspiration et l’unité de la forme.Les fragments de musique bohémienne que nous avions déjà fait isolément paraître subirent un nouvel examen ; ils furent révisés,refondus,réunis à d’autres dans l’intention de former un corps d’ouvrage,qui,ainsi cimenté,offre une œuvre correspondante,à peu près,à ce que nous nous croyons permis de considérer comme une épopée bohémienne㊱Franz Liszt .Op.cit.,p.344-345..

Dans le contexte du développement des écoles nationales,l’utilisation du folklore,comme matériau de base dans l’élaboration d’une œuvre savante,peut revêtir une importance de premier plan en ce sens qu’il serait un vecteur identitaire de première force dont le rôle est de créer des liens entre une nation présente et son passé lointain présumé㊲Roland Scheiff.Du nationalisme en musique.Etude des mouvements nationaux musicaux en Belgique dans leur formation et leur réception par la presse artistique et littéraire belge entre 1871 et 1914.Thèse défendue pour l’obtention du titre de Docteur en Histoire,art et archéologie de l’UCL,Louvain-la-Neuve,2018,p.167..Perçu comme un véritable trésor de la nation,il renvoie une double image de pureté:d’une part,par rapport aux éléments étrangers considérés comme impurs à la nation ; d’autre part,par rapport à un art musical savant censé avoir perdu cette pureté㊳Alban Ramaut.«Présence du répertoire et (ou) représentation du peuple dans la musique,la littérature et les arts:la période 1770-1870».Musurgia.Analyse et Pratique Musicales,2002,9 (1),p.25 et 28..La citation seule d’un matériau folklorique n’est cependant pas suffisante pour revêtir une œuvre artistique d’une aura nationalisante.Pour ce faire,le compositeur devra nécessairement lui accorder une place de grande ampleur au sein de sa composition㊴Didier Francfort.Le Chant des Nations.Musiques et cultures en Europe.1870-1914.Paris:Hachette,2004,p.213.,au risque,dans le cas contraire,de tomber dans le pittoresque㊵Roland Scheiff.Op.cit.,p.167..Enfin,pour qu’une œuvre obtienne un statut national,il faut qu’elle soit présentée comme telle et,surtout,acceptée comme telle㊶Ibid. p.168..

Franz Liszt présente donc,dans son ouvrage,le travail qui fut le sien dans l’élaboration de son cycle de musique hongroise.Fait intéressant,alors qu’il avait déjà,par le passé,publié un grand nombre de mélodies hongroises㊷Mária Eckhardt.Op.cit.,p.123.,il ressent pour la première fois le besoin d’expliquer cette musique présentée comme mal connue en Europe occidentale.

Le titre deRhapsodies hongroisesn’est pas choisi au hasard ; son choix est explicité par Liszt dans son ouvrage:

Par le motRhapsodie,nous avons voulu désigner l’élément fantastiquementépiqueque nous avons cru y reconnaître.

(…)

En outre,nous avons appelé ces Rhapsodies Hongraises [sic],parce qu’il n’eût pas été juste de séparer dans l’avenir ce qui ne l’avait point été dans le passé.Les Magyars ont adopté les Bohémiens pour musiciens nationaux ; ils se sont identifiés aux enthousiasmes fiers et guerriers,comme aux poignantes tristesses,qu’ils savent si bien dépeindre.㊸Franz Liszt.Des Bohémiens et de leur musique en Hongrie.Nouvelle édition,Leipzig:Breitkopf et Haertel,1881,p.537.

Et l’auteur de préciser que si «ces fragmens [sic] ne narrent point de faits (…) les oreilles qui savent entendre,surprendront l’expression de certains états de l’âme dans lesquels se résume l’idéal d’une nation㊹Ibid.».

Liszt assume donc le côté national de son œuvre,notamment par son titre,par la structure même de son cycle et des matériaux utilisés ou encore par son livre explicatif plus tardif.Mais si le cycle pianistique fut bien reçu selon les dires de l’auteur lui-même㊺«Les Rhapsodies Hongraises [sic] furent un succès,pour parler le jargon du métier.Elles s’expliquèrent d’elles-mêmes et gagnèrent ellesmêmes leur cause» (Franz Liszt.Op.cit.,p.535-536).,il en fut tout autrement pour sonDes Bohémienscensé expliquer ledit cycle.

2.2 Réception de l’ouvrage

La publication du livre provoque une vive polémique en Hongrie㊻Jonathan Bellman.«The Hungarian Gypsies and the Poetics of Exclusion».Jonathan Bellman (éd.).The Exotic in Western Music.Boston:Northeastern University Press,1998,p.98.du fait de la dépossession des Hongrois-plus précisément desMagyars㊼Peuple originaire des montagnes de l’Oural,les Magyars sont considérés par les Hongrois comme le peuple fondateur de la Hongrie (Tamás-de leur patrimoine musical au profit des musiciens tziganes,devenus,sous la plume du compositeur,les seuls musiciens de la Hongrie㊽Béla Bartók.«Gypsy Music or Hungarian Music ?».The Musical Quarterly,1947,33 (2):241..Liszt défend son point de vue concernant cette«épopée tzigane» même si cette thèse sera très mal reçue en Hongrie㊾Il faudra attendre la fin de sa vie pour qu’il se rétracte [Émile HARASZTI,«Un romantique déguisé en Tzigane (fin)».Revue Belge de Musicologie/Belgisch Tijdscrift voor Muziekwetenschap,1953 (7):71].:

Le bruit fait au sujet de mon volume sur les Bohémiens,m’a fait ressentir que j’étais bien plus véritablement hongrois que les Magyaromanes,mes antagonistes,car la loyauté est un des traits distinctifs de notre caractère national.Or,je le demande,est-il loyal de voler ceux que nous avons protégés ? Bihari,Lakota,Cosermark,Boka et vingt autres Bohémiens n’ont-ils pas laissé une masse de compositions signées de leur nom et qui se sont implantées dans le cœur de nos souvenirs ? Pourquoi donc ne pas rendre aux Bohémiens,ce qui est aux Bohémiens,tout en conservant aux Hongrois le droit et leur bien㊿Lettre du 14 janvier 1860 de Franz Liszt au Baron Antoine Augusz dans Franz Liszt.Selected Letters. Oxford:Clarendon Press,1998,p.492-494.?

La méconnaissance de l’histoire hongroise et le non respect orthographique des noms hongrois accentuent les sentiments négatifs à l’égard de l’ouvrage[51]Klára Hamburger.Op.cit.,p.12..Le compositeur sera dès lors pris en grippe par une partie de la classe intellectuelle hongroise au point que,bien des années plus tard,le rapatriement de ses cendres en Hongrie fera débat au parlement hongrois.Non seulement la presse hongroise s’empare de l’affaire mais plusieurs personnalités intellectuelles hongroises prennent position contre le livre avec comme principaux reproches les erreurs d’ordre ethnographique.Ainsi,Samuel Brassai (1797-1897) souligne la dangerosité de l’ouvrage de par son manque de rigueur scientifique entraînant un risque de propagation «d’idées reçues» à propos des Tziganes[52]Alan Walker.Op.cit.,p.865..

La polémique,si vive en Hongrie,n’eut toutefois pas de retentissement européen.Le XIXe siècle artistique-

Szönyei et Júlia Lévai.«Hungary».John Sherped,David Horn et Dave Laing (éd.).Continuum encyclopedia of Popular Music of the World.Volume III.Europe.New-York:Continuum,2005,p.24).en particulier littéraire-voit l’émergence de la construction de la «Figure bohémienne»,archétype de la liberté face aux exigences internes du mode de vie européen[53]Ian Hancock.«Les Roms dans l’Europe contemporaine:les exclus de l’intérieur».Tumultes,2003 (2):83..Le Bohémien[54]Il est à noter que le qualificatif de «Bohémien» est une désignation possible des Tziganes.est alors associé à une certaine dynamique artistique et médiatique qui le fait apparaître comme un symbole,non corrompu par la civilisation,d’un «Âge d’or» antérieur aux révolutions agricoles et industrielles[55]Ian Hancock.Op.cit.,p.81..La figure romantique du Bohémien est noble et son traitement en paria de la société pourra être utilisé comme métaphore de la perception du statut de l’artiste[56]Sarga Moussa.Op.cit.,p.225..Charles Baudelaire (1821-1867) prit notamment connaissance de l’ouvrage et fut marqué par ce bohémianisme présenté et développé par Liszt[57]Barbara Bohac.«Baudelaire et Liszt:le génie de la rhapsodie».Romantisme,2011,151 (1):88..

Les différentes polémiques hongroises ne furent pourtant pas un frein à une deuxième édition de l’ouvrage en 1881 ; l’édition fut considérablement augmentée par la princesse von Say-Wittgenstein,l’ouvrage passant de 348 à 538 pages.Au contraire de la précédente,cette nouvelle édition déclenche une véritable tempête dans la presse européenne en raison de l’antisémitisme diffusé dans le chapitre intitulé «Les Israélites»[58]Alan Walker.Op.cit. (Page consultée le 18 septembre 2019)..

Ce chapitre,existant déjà dans la première édition de l’ouvrage,fut très largement développé par la princesse.Si dans les deux éditions,le lecteur se trouve en présence d’éléments indiscutablement antisémites,c’est,semble-t-il,l’ajout d’une «solution» par la princesse concernant les populations juives appelées,de ses vœux,à se rendre en Palestine,qui fut à l’origine de la polémique[59]Alan Walker.Franz Liszt.Tome 3.The Final Years,1861-1886,New York:Cornell University Press,1996,p.408-409.:

S’ils ne faisaient pas de mal aux chrétiens,les chrétiens auraient-ils un intérêt quelconque à leur rendre leur patrie ? Mais,comme il est dans la nature des choses qu’il fasse du mal aux pays qui les hébergent,il est dans la nécessité du destin que,pour se libérer de ce mal,les chrétiens songent à leur donner une patrie.Or,comme ils n’accepteraient à un compte une autre patrie que la leur,il faudra bien qu’on leur rende leur Palestine,leur Jérusalem,leur Temple ![60]Franz Liszt.Op.cit.,p.90.

Conclusion

L’ouvrage écrit sous le nom de Franz Liszt est intéressant à plus d’un titre.Artiste soucieux d’expliquer sa vision et sa compréhension de l’art,le compositeur se sent obligé d’affirmer sa position non seulement par son œuvre mais également au moyen de sa parole.En véritable ambassadeur culturel de son pays natal,il propose une épopée nationale d’une ampleur inédite basée sur un matériau folklorique tzigane.Inquiet quant à la bonne réception de son projet,il souhaite rédiger une préface explicative censée guider l’auditeur dans son écoute.

Plus à l’aise avec les notes que les mots,Liszt s’accompagne d’une aide extérieure afin de mettre par écrit ses idées ; il trouve cette aide en la personne de la princesse Carolyne von Sayn-Wittgenstein.Le livre publié déclenche une véritable polémique dans sa terre natale,polémique causée principalement par l’attribution erronée des sources du patrimoine musical hongrois aux Tziganes.

Le livre est,il est vrai,entaché d’erreurs ethnomusicologiques et anthropologiques.De même,le ton du livre,empli de fantasmes romantiques et de paternalisme,est loin de correspondre aux exigences scientifiques actuelles.Nonobstant ces faiblesses,il peut se révéler utile comme outil de première main puisqu’il nous renseigne tant sur la vision de l’artiste—vision partagée par une large part de ses pairs contemporains—que sur des éléments autobiographiques particuliers à l’enfance du compositeur[61]Alan Walker.Franz Liszt.Tome 1.1811-1886.Op.cit.,p.353..

En outre,la justification même de son œuvre musicale renseigne beaucoup sur l’importance du discours accompagnant une œuvre censée être revêtue d’une aura nationalisante.Celui-ci prend alors une importance pouvant dépasser celle de l’œuvre musicale en ce sens qu’il doit impérativement être accepté pour que l’œuvre puisse jouir de ce statut national.LesRhapsodiesdu compositeur,nommément «hongroises»,ne déclenchent aucune querelle ; il faut attendre la publication duDes Bohémiens,expliquant la raison d’être de cesRhapsodies,pour que Liszt soit critiqué en Hongrie.

Liszt échoue donc dans la mission qu’il considère comme sienne:être le fondateur d’une école nationale de musique hongroise.Il peut paraître tentant de reconnaître dans cet échec la conséquence de cette nonreconnaissance du musicien comme compositeur de la nation.Cette opinion doit cependant être plus que nuancée.En effet,le non-aboutissement de cette entreprise est causé avant tout par l’affirmation par un large public,en réaction aux thèses avancées par Liszt,de l’impossibilité de reconnaître cesRhapsodiescomme épopée nationale en raison d’un matériau associé aux Tziganes et jugé impur.La réalisation artistique n’est qu’une concrétisation matérielle d’un choix idéologique et c’est bien le discours l’accompagnant qui attribue la caractérisation nationale d’une œuvre musicale.Les composantes présentées comme nationales de l’œuvre ne sont acceptées ou rejetées qu’au moyen d’un discours extérieur qu’il soit antérieur ou postérieur à la création musicale.Autrement dit,la raison invoquée—la matériau impur utilisé—pour écarter Liszt comme compositeur national est moins importante que le fait en lui-même de ne pas avoir choisi la voie qu’il proposait.

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