Les rails du développement
2018-06-14parGitongaNjeru
par Gitonga Njeru
Après une année en opération, le SGR Mombasa-Nairobi a permis d’améliorer la vie de la population et de créer des milliers d’emplois
Les employées kényanes du chemin de fer Mombasa-Nairobi en pleine formation.
Le SGR Mombasa-Nairobi a permis de créer des milliers d’emplois depuis le début de ses opérations.
Jackline Nzula est une jeune femme de 33 ans habitant à Nairobi. Cette mère de deux enfants avait l’habitude de prendre le bus deux fois par mois pour se rendre de Nairobi à Mombasa, afin de rendre visite à ses proches et de faire des affaires.
Autrefois, l’aller simple par la route entre la capitale du Kenya et sa deuxième plus grande ville sur la côte lui prenait entre sept et neuf heures. C’était avant que le train SGR (pour Standard Gauge Railway, du nom de l’écartement standard des rails) soit achevé et que le service passagers de ce train soit inauguré le 31 mai 2017. Il faut désormais à Jackline près de deux fois moins de temps pour parcourir cette distance de 480 km.
« Cela signifie que les affaires sont faites plus rapidement et que l’économie se développe. Il n’est plus nécessaire de louer un endroit où passer la nuit et d’achever ses négociations le lendemain,tout peut être fait le même jour »,explique-t-elle.
Jackline est impliquée dans plusieurs entreprises commerciales.En tant que vendeuse de fruits à petite échelle, elle achète des noix de coco à un prix moindre pour les revendre à Nairobi avec un proflt de 39 %.
Elle vend également du poisson dans la capitale kényane : « J’achète du poisson sur la côte et je le revends avec une bonne marge à Nairobi. Tous les proflts que je réalise se font le même jour et mes produits restent frais », ajoute-t-elle.
Avant que la ligne ferroviaire ne soit construite, Jackline devait vendre ses produits à prix négociés, car elle ne pouvait les garder frais à cause du temps important de transport. Grâce à la nouvelle ligne ferroviaire, elle réalise aujourd’hui un proflt journalier quatre fois supérieur à ce qu’elle gagnait auparavant.
« En moyenne, je gagne 2 000 shillings kényans (20 dollars) par semaine, mais avant que la ligne ferroviaire ne soit construite, je gagnais juste 500 shillings (5 dollars) par semaine », explique-t-elle. La nouvelle ligne ferroviaire ne l’aide pas seulement dans son activité, mais lui permet également de rendre plus facilement visite à ses proches sur la côte avec sa famille.
5,2 milliards de dollars
La valeur des marchandises qui ont transité par la ligne Mombasa-Nairobi
176000
Nombre d’emplois créés depuis la mise en service de la ligne ferroviaire
Créateur d’emplois
De nombreuses compagnies de bus longue distance commencent à diminuer leurs tarifs, car de plus en plus de personnes utilisent le SGR Mombasa-Nairobi, notamment les touristes.
D’après James Macharia, le ministre des Transports, des Infrastructures, du Logement et du Développement urbain, le SGR Mombasa-Nairobi a permis de créer des milliers d’emplois depuis le début de ses opérations.
« Alors que l’économie continue de croître, plus de 176 000 emplois directs et indirects ont été créés depuis que la ligne ferroviaire a débuté ses opérations commerciales il y a un an, explique-t-il.Par ailleurs, 19 000 personnes supplémentaires ont travaillé sur le projet SGR avant que celui-ci ne soit achevé, 8 000 autres ont travaillé pour des sous-traitants et je suis heureux de pouvoir dire que la plupart sont restés comme employés permanents. »
Pour l’économiste kényan Harris Mule, si la corruption au Kenya est traitée de manière effective au cours des prochaines années, le chemin de fer sera un générateur d’emplois certain : « Il est important de gérer la corruption de manière effective. Il s’agit de la meilleure façon de réaliser des bénéfices économiques, au moins un million d’emplois peuvent être créés.Les autoentreprises et les startups vont apparaître et différentes industries pourront émerger », explique celui qui a précédemment servi au sein du gouvernement, en tant que secrétaire permanent du ministère des Finances.
Harris Mule, qui est également consultant pour de nombreuses universités et think-tanks internationaux, estime que plus de 5,2 milliards de dollars en valeur de marchandises ont déjà transité par la ligne Mombasa-Nairobi, créant de nombreux emplois indirects.
D’après Julius Muia, le directeur général de l’agence gouvernementale Kenya Vision 2030 Delivery Secretariat, fondée en 2012 pour superviser l’industrialisation du Kenya d’ici 2030, « les professionnels kényans ont été exposés à des opportunités nouvelles et excitantes à différents endroits sur la ligne reliant Mombasa à Nairobi. »
Ainsi, des emplois techniques supplémentaires continuent d’être créés, alors que les besoins pour les travaux futurs de maintenance sur la nouvelle ligne modernisée continuent d’augmenter. Ceux-ci incluent la réparation et la maintenance régulières des locomotives,des wagons, des wagons de fret et des systèmes de signaux installés.
Alors que les activistes afflrment que le chemin de fer surélevé à travers les parcs naturels affectera les itinéraires de migration et les sites de reproduction, certains de ces passages sous les rails surélevés atteignent par endroit jusqu’à 10 m de hauteur, permettant aux animaux de circuler librement.
Préoccupations environnementales
Le Kenya est un pays béni par une faune et une flore sauvage abondante. Le principal défl de cette nouvelle ligne ferroviaire a donc été sans surprise les actions en justice des activistes environnementaux visant à empêcher sa construction.
« Même après que des études probantes de faisabilité et d’évaluation de l’impact environnemental ont été réalisées, de nombreux activistes ont continué à saisir le tribunal pour s’opposer à ce projet historique. Cela a fait dérailler le calendrier de construction d’autres lignes », explique James Macharia.
Selon lui, l’ancienne ligne ferroviaire, dont le tracé suivait le même trajet, était davantage une menace pour la faune et la flore sauvage, notamment pour les éléphants, que la ligne actuelle.
« Pour cette nouvelle ligne Mombasa-Nairobi, huit passages ont été construits pour relier les deux Tsavos (parcs nationaux de Tsavo East et Tsavo West). Le Kenya Wildlife Service a réalisé des études pour déterminer l’efficacité de ces passages en tant que nouvelles routes migratoires pour les éléphants et plusieurs éléphants ont été équipés d’un transmetteur GPS. À ce jour,rien ne montre que les itinéraires de migrations ont été interrompus », explique-t-il.
Alors que les activistes affirment que le chemin de fer surélevé à travers les parcs naturels affectera les itinéraires de migration et les sites de reproduction, James Macharia souligne que certains de ces passages sous les rails surélevés atteignent par endroit jusqu’à 10 m de hauteur, permettant aux animaux de circuler librement.D’après le recensement effectué l’année dernière par le Kenya Wildlife Service, les parcs nationaux de Tsavo East et Tsavo West abritent près de 50 % des 13 000 éléphants que compte le Kenya. CA