Afrique,mon amour
2018-03-09parGeLijun
par Ge Lijun
Lorsqu’elle pose les pieds en Afrique pour la première fois, Feng Yu n’a que 22 ans. Nous sommes en 2007, mais le coup de foudre est immédiat.Onze ans plus tard, cette romance lui aura fait découvrir la vie dans six pays du continent.Retour sur une histoire de simplicité et d’ouverture…
« Si tu as l’occasion de vivre en Afrique,ta vision du monde va changer et ton expérience de la vie sera complètement différente de celle des autres. »Comme une prédiction, le conseil de l’ancien est resté gravé dans l’esprit de la jeune femme, qui travaille aujourd’hui pour une ambassade africaine à Beijing. En 2007,avec un diplôme de français en poche et beaucoup de détermination, elle prend donc la décision de s’expatrier en République du Congo, en qualité d’interprète. À l’époque, elle n’a que 22 ans, et les obstacles qu’elle doit surmonter sont nombreux… Mais rassurée par ses amis africains en Chine, elle tient bon. Une expérience extraordinaire l’attend.
À Rome, il faut vivre comme les Romains
Malgré tous ses préparatifs, Feng passe sa première nuit africaine à pleurer. Le changement est trop radical. Et sa famille,ses amis et son pays lui semblent désormais bien loin. Mais les jours passent, et une opportunité unique se présente à elle lorsqu’il s’agit de se rendre dans un village au milieu de la forêt. Aucun de ses collègues ne souhaite y aller mais Feng, la plus jeune employée, saisit sa chance. La tribu,coupée du monde, vit encore à la manière traditionnelle. Aucun étranger n’y avait encore mis les pieds et le premier contact est intense. Elle loge chez le chef du village,une case modeste, sans fenêtre et, bien sûr, sans électricité. Et lorsque la lampe à pétrole s’éteint, Feng est plongée dans une obscurité totale. « J’avais peur, mais je ne pouvais pas m’enfuir ! », s’exclame-t-elle en riant. Pendant la journée, elle constate que le chant et la danse occupent une place majeure dans la vie des villageois. Les enfants, eux, rient aux éclats en courant pieds nus. Peu à peu, Feng se laisse happer par cette atmosphère et ses premières inquiétudes fi nissent par disparaitre. Elle rejoint spontanément les enfants pour se joindre à la danse. « Je ne comprenais pas les paroles des chants, mais la mélodie me rendait heureuse », se souvient-elle.
Feng réalise alors une chose fondamentale : le bonheur, souvent, n’est pas affaire de moyens. Dans ce petit village perdu au cœur de la forêt, il n’y a pas de smartphones ou de télévision, mais les gens sont heureux et cela est resté gravé dans la mémoire de la jeune Chinoise, qui con fi e, nostalgique :« j’aimerais y retourner un jour. Il fait beau tous les jours, la vie est simple et j’apprenais aux enfants à écrire. C’est ma dé fi nition du bonheur. »
Au bout de quelques mois, une nouvelle opportunité professionnelle se présente au Congo Kinshasa, avant de tenter sa chance en Algérie, toujours comme interprète. Son périple africain durera trois ans et demi au total, avant qu’elle ne fi nisse par rentrer en Chine. Là, elle trouve un poste au sein d’une ambassade africaine, comme un lien avec le continent de son cœur. Durant les quatre années qui suivent, de 2010 à 2014, Feng se rend deux fois en Mauritanie, et deux fois à Madagascar. La magie africaine fait effet. En 2015, Feng se voit offrir un poste d’interprète et d’assistante au sein d’une entreprise de construction au Gabon. La jeune femme n’hésite pas un instant : le continent africain est désormais sa seconde maison, et elle passe d’ailleurs la majeure partie de son temps avec ses amis africains, plutôt qu’avec les expatriés chinois.« Je suis contente comme ça, tout simplement », explique-t-elle.
La sérénité est une conquête
Un an après son arrivée au Gabon, le pays s’apprête à élire son Président. La tension est palpable. Au sein de son compagnie, tout le monde est sur le qui-vive et la sécurité est une priorité absolue. Feng, comme les autres, est inquiète et reste suspendue à la radio pour connaitre les dernières évolutions de la situation politique. Beaucoup de ses collègues gabonais restent cloîtrés chez eux et la tiennent secrètement informée du lieu et du moment où se produiront les troubles. Les rumeurs vont vite et s’avèrent souvent exactes. Certains d’entre eux, à l’inverse, n’osent plus rentrer et demeurent dans l’entreprise en espérant être protégés. « Tout à coup, une solidarité se forme. On ne distingue pas si tu es Chinois ou Gabonais, on a juste besoin de s’entraider et on le fait. » Et d’ajouter : « peu importe la couleur de peau, nous sommes avant tout des êtres humains. »
Un enseignement qu’elle tire de sa longue expérience, même si Feng s’attarde rarement sur les aventures, parfois surprenantes, qu’elle a vécues. Comme cette fois,à Kinshasa, où elle manque de justesse d’être éjectée d’un taxi, après que celui-ci ait perdu sa portière dans un virage.
Mais ces désagréments ne l’empêchent pas de poursuivre ses pérégrinations. À l’instar de la barrière de la langue. « La langue n’est pas une difficulté ! Lorsque l’on veut vraiment communiquer, on se comprend », souligne-t-elle. À Madagascar, rares sont ceux qui parlent français.Peu importe : Feng s’exprime par gestes,et même avec des dessins dans le sable.
Quant à son pays africain favori ? « La Mauritanie ! », répond-elle sans hésiter.« C’est un peu paradoxal car il n’y a rien à faire. Quand j’y étais, il n’y avait pas de loisirs, pas de wifi, pas de bar… C’est le silence total ! La première fois, j’ai cru devenir folle ! » Mais cette tranquille monotonie, faite de pêche à la ligne et de longues discussions avec ses amis mauritaniens le soir, lui manque beaucoup, une fois plongée dans le déchaînement urbain de Beijing.« Les conditions sur place me permettent de revenir à une simplicité que l’homme a presque oublié. C’est un retour aux sources complet. » Les Mauritaniens font également preuve d’une « gentillesse in fi nie ». Comme ce moment où son véhicule se trouve ensablé au milieu du désert du Sahara et que des Touaregs, vêtus de leurs longues djellabas blanches s’arrêtent pour lui venir en aide.Il est déjà tard et la nuit est tombée depuis longtemps. Pourtant, les hommes s’en vont aussi silencieusement qu’ils sont apparus,simplement, tranquillement. Une image que Feng conserve encore en mémoire :des chameaux marchant tranquillement au bord de la mer ; des Touaregs en djellabas blanches qui fl ottent au vent, qui viennent et puis qui disparaissent...
« Dans mon cœur, l’Afrique et les Africains sont naturels et d’une grande simplicité.Malgré les difficultés, ils ne perdent jamais espoir. Tout cela m’apaise et me permet de prendre un certain recul sur les choses.La beauté de la vie est présente partout :c’est ce que m’a appris l’Afrique », conclut la jeune femme. CA
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