Zhou Enlai et l’amitié sino-africaine
2018-03-09parWuZexian
par Wu Zexian
En commémoration du 120eanniversaire de la naissance de Zhou Enlai
Le 2 janvier 1964, quand le Premier ministre chinois Zhou Enlai était en visite en Albanie, une nouvelle est venue d’Accra, la capitale du Ghana :le Président ghanéen, Kwame Nkrumah,avait été attaqué et blessé à l’extérieur de son bureau ! Zhou Enlai avait prévu de se rendre au Ghana dans moins de dix jours.
Malgré une telle situation, il a insisté pour la visite comme prévu en disant qu’« il devient plus nécessaire de visiter le Ghana dans ce contexte, parce que l’ami véritable est l’ami des heures difficiles ». Par ailleurs, compte tenu de la sécurité du Président Nkrumah,Zhou Enlai a proposé de supprimer toute espèce d’étiquette et d’avoir les réunions dans la résidence présidentielle. Le défunt Premier ministre chinois Zhou Enlai est l’un des dirigeants les plus respectés en Chine. Le 1eroctobre 1949, le jour où la fondation de la République populaire de Chine a été proclamée, Zhou Enlai a été nommé Premier ministre et ministre des Affaires étrangères. Il a cumulé les deux fonctions pendant neuf ans et est resté le véritable patron de la diplomatie chinoise jusqu’à la fi n de sa vie en 1976. À l’occasion du 120eanniversaire de sa naissance, nous rendons hommage à ses contributions à l’amitié entre la Chine et l’Afrique.
Ouvrir un nouveau chapitre dans les annales des relations sino-africaines
Après la guerre de Corée, la Chine nouvelle a commencé à tisser davantage de liens avec les pays d’Asie et d’Afrique dont la plupart venaient d’acquérir l’indépendance. C’est dans ce contexte que Zhou Enlai a proposé les Cinq principes de coexistence paci fi que.
Guidée par ces principes, la Chine nouvelle a participé en avril 1955 à la Conférence de Bandung. Le chef de la délégation chinoise était Zhou Enlai. C’était la première occasion pour la Chine de se montrer devant beaucoup de pays qui avaient connu le même sort qu’elle dans l’histoire contemporaine mais qui ne la connaissaient pas vraiment.Certains pays étaient donc septiques quant aux intentions de la Chine. D’ailleurs, des divergences de vue sont apparues au cours des interventions des représentants des pays participants qui n’adoptaient pas les mêmes systèmes politiques. Face à une telle situation, Zhou Enlai a improvisé son discours avec des propos rassembleurs :
« La délégation chinoise souhaite voir des convergences de vue et non divergences. »
« Pays d’Asie et d’Afriques, unissons-nous et travaillons ensemble pour le succès de notre conférence ! »
Son discours improvisé qui n’a duré que 18 minutes a été longuement et chaleureusement applaudi, et a donné une impulsion importante pour faire avancer la conférence.À la fi n, la Conférence de Bandung a ouvert la voie de la solidarité et de la coopération entre les pays d’Asie et d’Afrique.Après Bandung, la diplomatie chinoise s’est activée davantage en direction des pays d’Asie et d’Afrique. À la fi n de l’année 1963 et au début de 1964, Zhou Enlai a effectué une visite dans quatre pays de l’Afrique du Nord et six pays de l’Afrique sub-saharienne. Au Caire,la première étape de cette tournée, il a tenu une conférence de presse et a déclaré: « Le but de ma visite en Afrique, c’est de promouvoir l’amitié et la coopération entre la Chine et les pays africains. Nous voulons les connaître davantage et apprendre davantage auprès d’eux ! »
Cette tournée a déclenché un nouvel élan dans les relations diplomatiques entre la Chine et les pays africains.
Soutenir concrètement le développement des pays africains
Au-delà de l’établissement des relations diplomatiques avec des pays africains, la Chine a aidé de façon concrète la libération et le développement de ces pays. Des années 1950 jusqu’à 1976, l’année de sa disparition, les aides chinoises accordées aux 55 pays en développement se sont élevées à 3,75 milliards de dollars.
Le plus grand projet réalisé dans ce cadre était la construction du chemin de fer Tanzanie-Zambie, long de 1 860,5 km. Lorsque le Président tanzanien Nyerere en visite à Beijing en février 1965 a demandé à la Chine d’aider les deux pays à réaliser ce projet, Zhou Enlai a tout de suite donné une réponse favorable approuvée par le Président Mao.
C’était un geste très important pour soutenir le mouvement d’indépendance des pays africains. Au mois de juin de la même année, Zhou Enlai a visité la Tanzanie et a discuté encore de ce projet avec Nyerere,annonçant l’envoi immédiat de l’équipe de prospection sur le terrain. Lors d’un meeting organisé à Dar es Salam, il a tenu ces propos : « Les peuples africains qui ont été durant plusieurs siècles réduits en esclavage,opprimés et humiliés, sont désormais debout ! Ils veulent résolument rester maîtres de leur propre destin. L’Afrique appartient aux peuples africains ! L’Afrique doit devenir indépendante et libre ! »
En juin 1967, à l’occasion de la visite du Président Zambien Kaunda en Chine, l’accord tripartite sur la construction de cette ligne ferroviaire Tanzanie-Zambie a été singé. L’ouvrage qui a nécessité 5 ans de travail préalable et 5 ans de travaux, s’est accompli en 1975, désenclavant ainsi la Zambie et a entrainé comme prévu le développement des régions traversées. Au total, la Chine a envoyé plus de 50 000 ingénieurs, techniciens et ouvriers qualifi és sur le chantier. À un moment donné,plus de 15 000 chinois y travaillaient. 66 entre eux ont perdu leur vie au cours de ces travaux très durs.
Poursuivre l’amitié sino-africaine
Du passé à aujourd’hui, les principes que Zhou Enlai a sans cesse réaffirmés demeurent toujours pierre angulaire de la diplomatie chinoise malgré l’évolution du temps et de l’environnement international.
Durant toutes ces années allant des années 1950 jusqu’à nos jours, la Chine n’a jamais cessé d’accorder ses aides aux pays en développement dont le montant s’élève à plus de 60 milliards de dollars au total aujourd’hui. Ces aides ont permis de réaliser plus de 5 000 projets d’infrastructures dans les pays béné fi ciaires. Rien qu’en Afrique,plus d’un millier de projets ont été réalisés dans ce cadre.
Quant aux chemins de fer, après la ligne Tanzanie-Zambie, la Chine a aidé ces dernières années l’Éthiopie et le Djibouti, puis le Kenya à construire deux autres lignes : le 5 octobre 2016, le chemin de fer Addis-Abéba Djibouti est entré en service, ce qui réduit le temps de transport des marchandises de huit jours environ à une dizaine d’heures,désenclavant complètement l’Éthiopie et pro fi te énormément aussi à Djibouti ; le 31 mai 2017, le chemin de fer Mombasa-Nairobi au Kenya, long de 480 km, a été à son tour mis en service.
La Chine garde toujours une tradition datant de 1963 : celle d’envoyer des missions médicales en Afrique. Aujourd’hui, on compte 43 missions médicales chinoises dans 42 pays africains. Plus d’un millier de médecins chinois travaillent en permanence sur le terrain, et au total, plus de 280 millions de patients locaux ont été soignés durant toutes ces décennies.
Pour soutenir les missions onusiennes de maintien de la paix, plus de 2 500 casques bleus chinois sont déployés dans des zones de con fl its, principalement en Afrique.
Cette année, la 7eConférence du Forum sur la Coopération sino-africaine qui sera aussi le troisième sommet des dirigeants chinois et africains aura lieu. Ce sera l’occasion de faire le bilan des coopérations menées dans ce cadre depuis la dernière conférence organisé fi n 2015 à Johannesburg, et de décider les projets de coopération à réaliser pour les trois ans à venir. CA
*L’auteur est I’ancien ambassadeur de Chine en RépubIique démocratique du Congo.