Wu Tong et l’ensemble de la Route de la Soie célèbrent la musique du monde
2017-07-05ZHANGHUImembredeladaction
ZHANG HUI, membre de la rédaction
Wu Tong et l’ensemble de la Route de la Soie célèbrent la musique du monde
ZHANG HUI, membre de la rédaction
Wu Tong joue du sheng
À la recherche de la singulière beauté du monde et des êtres, l’ensemble de la Route de la Soie transcende les frontières et les genres pour nous offrir une musique absolument unique qui fascine et rend hommage à la richesse du monde.
Si les cinq trophées rafl és par la chanteuse Adèle et la prestation éblouissante de Beyoncé interprétant un medley de 5 morceaux ont marqué les esprits du public occidental de la 59ecérémonie des Grammy awards, les amateurs de musique chinois ont quant à eux savouré la victoire de Wu Tong de l’ensemble de la Route de la Soie qui s’est vu décerner le prix de meilleure musique du monde pour l’album Sing Me Home. Et de deux Grammys pour Wu !
« Je suis heureux, même si ce n’est pas une grosse surprise, de recevoir le prix parce que cela signifie que de plus en plus de gens vont apprécier la beauté singulière et la richesse culturelle de notre musique », déclare Wu Tong à La Chine au présent. Et d’ajouter, « Depuis sa création il y a 18 ans, l’ensemble a entrepris de rapprocher des cultures différentes à travers la musique dans l’espoir que cela aiderait les gens de nationalités et de systèmes de valeurs différents à se respecter et à mieux se comprendre les uns les autres. C’est cela, pour moi, le vrai sens de ‘‘Meilleure musique du monde’’. »
Évoquant le Grammy qu’il a gagné en 2010 – le premier jamais remis à un artiste chinois, Wu raconte : « Celui-là, c’était une surprise. Je n’aurais jamais imaginé que Yo-Yo insèrerait Happiness, un morceau clairement chinois reposant sur la gammepentatonique chinoise, dans son album Yo-Yo Ma & Friends : Songs of Joy and Peace. Il a remporté le prix d’album de musique Classique Crossover. »
Faire disparaître les dissensions
Ces dernières années, la communauté internationale a accueilli avec enthousiasme l’initiative chinoise des Nouvelles Routes de la Soie. Le projet coïncide avec les espoirs de coopération, d’échanges et de développement nourris par de nombreux pays. Dès 1998, conscient de l’importance des échanges et du métissage dans le domaine musical, Yo-Yo Ma, inspiré par les cultures et traditions ancestrales de pays situés le long de l’antique Route de la Soie, décida de former un groupe constitué de compositeurs et d’artistes venus du monde entier. Son but, comme indiqué sur le site Internet du groupe de musique, était « d’étudier comment l’art pouvait contribuer à l’entente internationale ».
Wu Tong a résumé la mission de l’ensemble en ces termes : « faire disparaître les dissensions grâce à la musique. » Membre fondateur de l’ensemble, Wu Tong fut invité à rejoindre celui-ci en 1999 après une conférence qu’il a donnée à l’université de Michigan et il fit une tournée aux États-Unis. Wu enrichissait alors sa prestation par des explications sur l’histoire des 16 instruments à vent chinois qu’il jouait durant le spectacle.
Au sein de l’ensemble, Wu joue à la fois le rôle de compositeur, de vocaliste, de musicien jonglant entre différents instruments de musique traditionnels chinois, et de chanteur.
« Nous créons un genre de musique hybride qui mixe des styles variés allant de la musique folklorique traditionnelle de divers pays à la musique classique, moderne ou encore populaire. En plus de jouer d’un instrument, nous chantons, dansons et faisons du rap. Nous ne nous sommes jamais cantonnés à un style défini. Notre ensemble a construit un espace de liberté où chaque musicien s’exprime librement. J’introduis des éléments chinois dans notre musique que ce soit du rock, de la musique folklorique traditionnelle ou même de l’opéra régional », explique Wu.
La réussite de l’ensemble, comme on peut s’y attendre, doit beaucoup à son fondateur et directeur artistique Yo-Yo Ma. Ma a invité des musiciens de renommée mondiale originaires des quatre coins du monde à créer et adapter de la musique pour l’ensemble.
Yo-Yo Ma fait aussi tout son possible pour que règne au sein de l’ensemble un climat de liberté dans lequel les musiciens peuvent exprimer leurs idées. « C’est un maestro. Il est peut-être un peu dogmatique mais ça ne pose pas de problème. Car il est toujours à l’écoute. Pendant les réunions, il a tendance à rester silencieux pour donner aux autres la chance de dire ce qu’ils pensent. On se sent valorisé et on a l’impression de faire partie intégrante de l’équipe. Sa dévotion envers la musique est admirable, de même que sa capacité à rester calme dans les situations de stress. Yo-Yo est un ami et un mentor pour moi », déclare Wu.
Une vidéo, intitulée en chinois Yo-Yo Ma bluffé par le face-à-face entre le joueur de sheng (un instrument à vent) chinois Wu Tong et le batteur indien, s’est propagée sur le net. « C’était un parfait exemple d’improvisation musicale et aussi de confiance », commente Wu.
Cela s’est passé lors d’un concert à Boston qui commémorait le 15eanniversaire de la création de l’ensemble. « Quand le spectacle s’est terminé, le public en voulait encore et demandait un rappel. Mais à ce moment, je n’ai pas eu envie de jouer un morceau de sheng traditionnel parce que je ressentais le besoin d’offrir au public quelque chose de nouveau. Donc j’ai improvisé cette mélodie sur mon Sheng. Inspiré par cet air, notre percussionniste indien Sandeep Das s’est joint à moi dans cette performance improvisée », explique Wu. C’est très rare dans un spectacle de musique classique de voir un joueur se joindre spontanément à l’ensemble parce que généralement, on s’en tient aux partitions. « Mais pour nous, la musique‘‘ad libitum’’ est bienvenue. Improviser un morceau sur scène, c’est taquiner le public en le prenant par surprise et se tenir mutuellement en alerte. »
En se familiarisant avec l’ensemble de la Route de la Soie, les gens ont été de plus en plus fascinés par les sons insolites et parfois invraisemblables qu’il créait. « Les musiques folkloriques chinoises et indiennes se prêtent bien au mélange. La musique traditionnelle iranienne et la musique classique européenne sont également très complémentaires. Nous rendons possibles ces mélanges musicaux qui semblent apparemment impossibles », déclare Wu.
Sortant régulièrement de nouveaux albums et effectuant souvent des tournées internationales, l’ensemble voit son nombre de fans augmenter. Les gens ne sont pas seulement attirés par cette musique unique, ils entrevoient aussi une possibilité de communiquer avec des cultures étrangères qui transcende cette musique. Le Vancouver Sun a parlé de l’ensemble comme « l’un des grands ensembles du XXIesiècle » et le Boston Globe comme un « laboratoire musical itinérant sans cloisons ».
Sing Me Home, l’album lauréat des Grammy awards, propose des œuvres de compositeurs externes à l’ensemble et qui viennent de pays et régions variés, notamment Inde, Asie centrale et Afrique. Wu
Au sein de l’ensemble, Wu joue à la fois le rôle de compositeur, de vocaliste, de musicien jonglant entre différents instruments de musique traditionnels chinois, et de chanteur.explique : « Chaque nation a sa propre interprétation du mot ‘‘home’’. La chanson Going Home que je chante recrée une mélodie nostalgique d’une pièce symphonique de Dvorak. ‘‘home’’ y est interprété comme un refuge pour l’âme. La diversité des interprétations du mot ‘‘home’’ permet à chacun d’en trouver une à laquelle il peut s’identifier. »
Ma, qui a déjà reçu 17 Grammys, a écrit sur son site Internet : « Depuis le tout début, l’ensemble de la Route de la Soie parle de départ et d’explorations, de nouvelles rencontres et de retours. La musique composée, arrangée et jouée par les membres de l’ensemble et par nos amis dans Sing Me Home rend hommage à la culture en tant qu’elle favorise les rencontres, les connexions, et la création de quelque chose de nouveau. »
« En plus d’exprimer une reconnaissance pour les efforts que nous avons fournis ces 18 dernières années, je pense que le Grammy refl ète peut-être aussi l’état d’esprit du jury au milieu de cette mondialisation intensifi ée qui suscite encore des réactions de repli et d’isolement culturel parmi certaines nations », déclare Wu.
Un musicien hybride
La plupart des Chinois connaissent Wu Tong comme vocaliste du groupe de rock Lunhui (samsara). Le groupe a fait parler de lui grâce à sa célèbre chanson The Flames of Yangzhou Road au début des années 1990 alors que Wu n’était encore qu’un étudiant qui se spécialisait dans les instruments à vent folkloriques chinois au Conservatoire central de musique.
Wu fut le premier musicien chinois à combiner le rock et la musique folklorique chinoise en intégrant le sheng dans des morceaux rock. The Flames of Yangzhou Road est une adaptation d’un célèbre poème datant de 1205. Wu explique : « Je voulais souligner grâce au rock la masculinité fondamentale et l’héroïsme des anciens généraux qui imprègnent le poème de la dynastie des Song (960-1279). Il y a vraiment une affinité entre le poème et la musique rock car le rock évoque la toute-puissance, la grandeur et l’animosité du combat. Mes œuvres suivantes comme Man Jiang Hong sont également empreintes d’une atmosphère militaire. »
Mais s’il a acquis sa notoriété grâce au rock, Wu a aussi interprété des chansons folkloriques sur la scène du gala de Nouvel An chinois à la CCTV.
« Je n’aime pas être enfermé dans un style spécifique », assure Wu. Un jour, il a déclaré : « Les gens rencontrent plein de paysages fascinants au cours de leur vie. Il y une multitude de fleurs splendides, toutes plus belles les unes que les autres. Pourquoi devrions-nous n’en admirer qu’une seule et ignorer les autres ? Ce que j’aime, c’est le naturel. » C’est exactement pareil pour la musique.
Après avoir rejoint l’ensemble de la Route de la Soie, captivé comme il était par le sheng, nombreux sont ceux qui ont pensé qu’il renoncerait un jour au rock. Et puis en janvier 2016, la nouvelle version de The Flames of Yangzhou Road est sortie.
« Je n’ai jamais dit que je laissais tomber le rock et je n’ai jamais considéré que certains styles de musique n’étaient pas pour moi. Je pense qu’on peut introduire des éléments de musique folklorique dans la musique rock et vice versa. Le rock ne dénote pas forcément le cynisme ou la rébellion. Je crois qu’il peut être positif et radieux voire même tendre. J’ai trouvé dans le rock une liberté et une personnalité mais aussi une certaine puissance », confie Wu.
Faire connaître la musique chinoise sur la scène internationale
La carrière de Wu est étroitement associée au sheng, instrument à vent traditionnel chinois. Wu est né dans une ancienne et illustre famille de musiciens folkloriques chinois. Il a commencé à
Wu fut le premier musicien chinois à combinerle rock et la musique folklorique chinoise en intégrant le sheng dans des morceaux rock.apprendre le sheng avec son père à l’âge de cinq ans.
Wu Tong
« Au début, je jouais avec un adorable petit sheng que mon grand-père m’avait offert. Six mois plus tard, mon père le remplaça par un plus gros qu’il avait fabriqué en bois de rose. Cet instrument est très lourd, avec ses 21 tuyaux et tubes de métal. Le porter pendant plus de quatre heures par jour, c’est une vraie torture pour un enfant de six ans. »
À l’âge de 12 ans, Wu commença vraiment à apprécier le sheng. « Après avoir dépassé le stade laborieux de débutant, j’ai fini par maitriser toutes les compétences de base du sheng et j’arrivais à jouer des mélodies et des chansons agréables. J’ai même remporté le 1erprix d’une compétition nationale. »
Plus tard, Wu s’est inscrit à l’école secondaire rattachée au Conservatoire central de musique, puis au Conservatoire lui-même, se spécialisant dans la musique folklorique traditionnelle chinoise. « J’avais été classé parmi les trois premiers de ma classe. Techniquement, le sheng n’avait plus aucun mystère pour moi et j’ai commencé à prendre conscience d’un sentiment d’insatisfaction grandissant. En fait, à cette époque-là, je n’avais pas encore réussi à appréhender la véritable beauté du sheng parce qu’il me manquait les enseignements fondamentaux de la vie.
L’histoire du sheng peut être retracée jusqu’à la période pré-Qin (XXIesiècle–221 av. J. C) où il avait un rôle important dans la musique de cour.
Wu raconte comment étudiant il s’était tourné vers le rock à la recherche d’un nouveau mode d’expression musicale. Il résume ainsi sa vie musicale : une addition continue jusqu’à l’âge de 40 ans, puis une soustraction. Avant ses 40 ans, Wu n’avait qu’une obsession : découvrir différentes formes d’expression musicale, y compris des instruments. Puis un jour, il tomba sur L’ode au sheng de Pan Yue (247-300) de la dynastie des Jin (266-420), qui parlait de l’esthétique du sheng.
« Il célèbre le sheng, un instrument merveilleux parce qu’il produit un son qui est franc sans être dur et qui peut être mélodieux et chantant sans être trop fleuri. L’ode met en évidence la beauté du sheng dans son essentielle simplicité. C’est alors que j’ai compris ce à côté de quoi j’étais passé avec le sheng et d’où venait ma frustration. Ceci m’a conduit à mieux jouer de cet instrument et à en apprécier la beauté », confie Wu.
L’ensemble de La Route de la Soie
À partir de ce moment et pendant à peu près deux ans, Wu déclina toutes les propositions de concert qui lui étaient faites et il se consacra à la lecture et à l’étude méticuleuse de livres anciens qui faisaient allusion au sheng. Il se donna pour mission de retracer l’évolution du sheng et d’en saisir l’essence spirituelle.
« Le son du sheng est harmonieux mais simple. Son essence spirituelle réside dans l’harmonie entre les être humains et la nature. Cependant, des différences sur les partitions rendent difficile l’adaptation de la musique ancienne aux sons nouveaux. Même si les gens essaient de recréer d’anciennes œuvres de musique classique comme High Mountains and Flowing Waters, ce ne sont rien d’autre que des répliques modernes sur la base de suppositions. Ainsi, lorsque j’interprète des œuvres classiques sur mon sheng, je me focalise simplement sur son âme et j’essaie de produire un son qui refl ète l’harmonie entre l’homme et la nature. Mais pour ce faire, je dois d’abord trouver la paix intérieure et alors seulement j’arrive à sortir un son harmonieux qui pourrait apporter aux gens un peu de réconfort », déclare Wu.
Ces dernières années, Wu s’est interrogé sur la façon de promouvoir la musique traditionnelle chinoise avec l’ensemble de la Route de la Soie. « Je pense que le plus important, c’est d’oser rester soi-même. On ne surpasse pas les autres en les imitant. Le jour où tu seras capable de dévoiler ta beauté singulière, les autres commenceront à t’apprécier. Notre culture est empreinte de tant de sagesse et d’œuvres d’art qui sont encore à découvrir. Si on pouvait s’en servir dans notre musique et nos paroles, cela nous aiderait à façonner notre beauté singulière et notre raffinement. Alors, récolter des récompenses internationales deviendra très facile », conclut Wu.
« Le son du sshheenngg est harmonieux mais simple. Son essence spirituelle réside dans l’harmonie entre les être humains et la nature... »
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