Le Musée du Palais impérial fait peau neuve
2017-07-05SHIXUN
SHI XUN
Le Musée du Palais impérial fait peau neuve
SHI XUN
Vue de la Cité interdite au printemps
Désireux de transmettre l’héritage culturel chinois avant tout aux nouvelles générations, le musée exposant les trésors de la Cité interdite n’hésite plus à exploiter les nouveaux médias pour séduire un public plus large.
Le 12 février dernier, la salle de conférence du Musée du Palais impérial, au nord-ouest de la Cité interdite, était comble. La conférence « Huit expressions de la Cité interdite » présentée par Shan Jixiang, conservateur de ce musée, a eu un tel succès que les 350 billets mis en vente sur Internet ont tous été achetés dans les heures qui ont suivi. Les organisateurs ont été contraints d’ajouter 150 places debout pour répondre à la demande.
En 2016, le musée a accueilli un total de 16 millions de personnes, établissant ainsi un record historique, tandis que les ventes de ses produits dérivés ont rapporté un milliard de yuans de chiffre d’affaires.
Bientôt parmi les grands musées
Le Musée du Palais impérial abrite une collection d’environ 1,8 million de pièces. Pourtant, il n’a pas toujours fait bonne impression auprès des visiteurs par le passé, une réputation dont il aimerait se défaire.
« Le musée vante ses pavillons magnifiques, mais la plupart sont fermés au public ; ses riches collections, mais la plupart reposent en entrepôt ; ses foules de visiteurs, affirmant qu’il est le musée le plus fréquenté au monde, mais ceux-ci ne voient qu’une infime partie du palais, arrivant par l’entrée principale puis marchant directement vers la porte opposée. En effet, difficile de prétendre qu’il s’agit d’un musée dans l’air du temps », avoue Shan Jixiang, sixième conservateur qu’a connu ce musée.
À son arrivée en 2012, le Musée du Palais impérial ne présentait au public que 0,6 % de ses trésors, alors que ce chiffre peut atteindre 10 %, voire plus de 20 %, dans les musées de renommée mondiale. À l’époque, seulement 30 % de la superficie de la salle Yangxin était accessible, ce qui contraignait le public à admirer cette salle derrière des vitrines, sans pouvoir y entrer. En hiver, les visiteurs, sans le vouloir, créaient de la buée sur ces vitres, puis devaient passer leurs mains dessus pour pouvoir voir quelque chose. « Cela nous attristait, car nous n’avions pas le sentiment de mériter notre titre de musée », se rappelle Shan Jixiang. Avant d’ajouter : « Les maisons alignées sur la place de la porte Duanmen étaient louées à des sociétés extérieures, mais celles-ci y organisaient des expositions médiocres en imposant un prix d’entrée de 20 yuans. Parmi elles, des expositions décevantes sur les eunuques, les dames de cour, l’impératrice Wu Zetian ou encore les instruments de torture de l’époque, qui ont discrédité le Musée du Palais impérial aux yeux des visiteurs. »
Après son entrée de fonction, Shan Jixiang a entrepris une série de transformations : des travaux majeurs pour restaurer et préserver l’intégralité du musée, l’éclairage de six salles de la Cité interdite (la salle Taihe, la salle Zhonghe, la salle Baohe, la salle Qianqing, la salle Jiaotai et la salle Kunning) ; la limitation du nombre des visiteurs via l’impression d’un billet d’entrée nominatif ; l’entretien des extérieurs pour garantir une visite dans des conditions optimales ; l’élargissement progressif de l’espace visitable ; l’établissement d’une zone dédiée à la restauration des reliques ; la création de produits dérivés ; la construction d’un centre de services aux visiteurs...
Les produits dérivés, en particulier, retiennent l’attention des touristes. Des écouteurs en forme de collier de perles, des marque-page représentant l’empereur Yongzheng en train de pêcher, des éventails avec une citation d’un empereur que l’on pourrait traduire par « Eh oui ! Sa majesté est comme elle est ! », ou encore des étiquettes indiquant « Voyage sur ordre impérial »… Ces articles ne passent pas inaperçus et plaisent particulièrement aux jeunes.
Le Musée du Palais impérial a créé son propre compte Taobao, qui lui sert de plateforme pour la vente en ligne de ses produits créatifs. Sur ce compte, des personnages tels que concubines impériales et mandarins se font les porte-parole du musée, des publicités vivantes qui boostent les ventes. En 2016, 800 000 internautes ont passé commande sur cette boutique virtuelle.
Le 28 septembre 2015, le pavillon d’exposition et de vente des produits dérivés du Musée du Palais impérial a ouvert ses portes au nord-est du jardin impérial. C’est « la dernière salle d’exposition » du musée que traversent les visiteurs, l’occasion pour eux de repartir avec toutes sortes de souvenirs.
Scène du documentaire Masters in Forbidden City au Musée du Palais Impérial
Pour répondre à la demande des différents publics, ce pavillon se divise en huit zones thématiques : celles consacrées à la soie, aux parures, à la vie à la cour, aux sculptures et gravures sur bois, aux céramiques, sans oublier le stand de photographies, le hall d’exposition et la librairie. Parmi lesproduits qui y sont vendus se trouvent un grand nombre d’articles d’usage courant, par exemple, des coques de téléphone portable, des marque-page, des sacoches d’ordinateur, des tapis de souris, des clés USB, des rubans adhésifs, des montures de lunettes en titane, des montres, des savons et même des couettes en soie pour l’été ou pour l’hiver. En résumé, que des articles utiles au quotidien.
Les nouveaux médias pour présenter les collections
Le 8 mars dernier, l’application « Le Musée du Palais impérial au quotidien » mettait en avant, avec un son de cloche derrière, un portrait réalisé par le peintre You Qiu de la dynastie des Ming (1368-1644), Lady Hong Fu. Etant donné que la Journée internationale des femmes tombe également ce jour-là, les recommandations portaient sur les objets précieux chéris par les femmes : un bracelet en perles de corail avec le symbole de la longévité sous la dynastie des Qing (1644-1911), un accessoire en jade, etc., sont présentés en ligne. Depuis sa mise en ligne, cette application a été applaudie pour sa conception intuitive et son bon goût. Chaque jour, l’application présente une pièce de la collection du musée, couplée à une description détaillée. Beaucoup d’internautes ont pris l’habitude de consulter cette application lorsqu’ils attendent le bus, font la queue ou prennent le métro.
《1984》被公认为是对集权主义最形象的描述。小说中的大洋国就像是一座恐怖的全景敞视监狱,所有党员都处在官方的监视当中,每一个房间的墙壁上都安有电子屏幕,窃听器可能随处都在,思想警察也可能藏匿在任何一个地方……它让我们看到了一个时时都在被监视的全景敞视社会。
En 2015, l’entreprise américaine Apple a dressé un classement des 30 meilleures applications chinoises gratuites parmi les milliers qui existent. Dans les applications sélectionnées, 3 portaient sur la Cité interdite. L’application « Le Banquet nocturne de Han Xizai » a été désignée vainqueur dans la catégorie iPad, pour avoir réussi le pari d’intégrer éducation, art et technologie dans une expérience à la fois auditive, visuelle et tactile. « Aujourd’hui, à l’heure où les sources d’informations se multiplient, les journées ordinaires de la population sont de plus en plus “fragmentées”. Comment faire pour que les gens consacrent plus de temps à la culture et s’en trouvent imperceptiblement influencés ? C’est une question que l’industrie culturelle doit se poser sans relâche », affirme Shan Jixiang.
Des élèves fabriquent des objets d’art artisanaux au Centre de formation du musée.
L’application « Le Banquet nocturne de Han Xizai » a créé une expérience inédite en imaginant que l’utilisateur entreprend une visite nocturne à la bougie. Cette idée fait tout le charme de l’application. Quand l’utilisateur touche l’écran, une icône en forme de chandelle apparaît. En déplaçant cette icône avec son doigt, l’internaute peut voir au fur et à mesure la présentation des personnages ancestraux, leurs trésors et leur histoire. Au fil de sa progression, il peut tomber sur des joueurs de pipa (guitare chinoise à 4 cordes) ou des danseurs traditionnels, ce qui permet de plonger l’utilisateur dans une atmosphère artistique animée.
Derrière toute application innovante se cache une équipe jeune, dynamique, avec d’excellentes idées et une certaine fougue pour traverser de nouvelles voies. Selon Li Qiong, responsable de l’application « Le Banquet nocturne de Han Xizai », les médias interactifs permettent aux utilisateurs de découvrir l’histoire autrement. Les nouveaux médias peuvent aussi diffuser des informations profondes et complètes. La « convivialité » d’un support n’est pas le signe d’informations superficielles, mais plutôt d’une exigence plus élevé des consommateurs. Il faut attacher de l’importance aux détails et les intégrer à un contenu structuré.
Dans l’application « Une journée de l’empereur » destinée aux enfants, ceuxci peuvent suivre l’empereur sur une carte interactive pour découvrir comme il occupait son temps dans la Cité interdite. Les jeunes internautes acquièrent des connaissances historiques au fur et à mesure qu’ils accomplissent les diverses « missions », comme « vérifier qu’un breuvage n’est pas empoisonné au moyen d’un ustensile en argent », « transpercer d’une fl èche une feuille de peuplier loin de 100 pas », « se maquiller comme à l’époque de l’empereur »… Chacun de ces petits jeux peuvent être terminés en seulement quelques minutes. Vous pouvez en faire le tour en une heure environ. Mais à vrai dire, l’équipe de conception s’est penché bien plus longtemps sur cette application…
« Il nous a fallu plus d’un an pour créer cette application, de l’idée originale à la mise en ligne. À chaque phase de création, nous passions au crible tous les détails : nous faisions des impressions écran pour avoir une idée du rendu visuel, nous parcourions des documents pour vérifier le contenu, nous consultions des experts et relisions plusieurs fois les informations pour s’assurer de ne laisser aucune erreur. Ce travail était nécessaire pour transmettre en toute légitimité la culture de la Cité interdite aux enfants », explique LiuNingxing, concepteur en chef d’« Une journée de l’empereur ».
Shan Jixiang explique que cette belle application a pu voir le jour parce que ses collègues, passionnés par la Cité interdite, se sentaient investis de cette mission de diffuser la culture traditionnelle chinoise. « Sa beauté en toute saison, son architecture incroyable, sa collection de fine qualité, ainsi que tous les récits et légendes qui entourent la Cité interdite font désormais partie de notre quotidien. »
D’après Liu Ningxing, c’est tous les jours qu’il faut apprendre l’histoire de la Cité interdite et sa culture traditionnelle pour les comprendre profondément. Audelà de leurs cours obligatoires, les jeunes doivent enrichir leurs connaissances en discutant avec des spécialistes, en ouvrant des livres et en effectuant des recherches sur Internet. De plus, la Cité interdite ancienne doit se mettre à la page, en prêtant attention aux intérêts de la génération Internet et aux nouvelles tendances dans l’industrie de nouveaux médias, et en s’inspirant des expériences réussies des musées nationaux et étrangers.
Le 6 juillet 2016, la société chinoise Tencent et le Musée du Palais impérial ont annoncé la signature de leur partenariat à long terme. « Le Musée du Palais impérial est comme une gigantesque base de données, dont la plupart des valeurs n’ont pas encore été découvertes », indique Ma Huateng, président de Tencent. Les deux parties ont décidé d’organiser conjointement un concours d’innovation en ligne sur le concept « Internet + culture traditionnelle », en espérant que cette initiative incitera les jeunes à proposer au musée des idées novatrices pour son exposition sur la Toile.
Pour commencer leur coopération, les deux parties vont travailler à l’élaboration d’un pack d’émojis spéciale Cité interdite et de jeux mobiles. En 2017, le musée lancera, avec l’aide de Tencent, un grand jeu vidéo inspiré de l’univers de la Cité interdite. À l’avenir, les deux parties devraient orienter leur collaboration vers la création de textes littéraires, de dessins animés et de micro-films.
Prêt pour les six siècles à venir
« La vente de créations culturelles permet d’augmenter nos revenus, ce qui est important à nos yeux puisque une grande part de cet argent est réinvesti dans la recherche et l’éducation », précise Shan Jixiang.
L’année dernière, le musée a organisé 28 000 manifestations culturelles, dont plusieurs dizaines se sont déroulées dans des établissements scolaires ou des quartiers résidentiels. Les cours pratiques sur la Cité interdite affichent toujours complets. Les enfants qui y vont s’amusent à créer des colliers de perles, à peindre les robes impériales, à décorer des assiettes et à imaginer des nouveaux vêtements pour l’empereur et son épouse. Toutes ces activités sont proposées gratuitement. Les enfants viennent les mains vides, puis repartent avec leurs créations et une expérience enrichissante.
« La plupart des revenus générés par la distribution de produits dérivés servent à financer des actions destinées aux enfants. Nous sommes très favorables à ce que les plus jeunes grandissent en ayant connaissance de l’héritage culturel de leur pays pour pouvoir le transmettre à leur tour une fois adultes », raconte Shan Jixiang.
« Auparavant, nous étions fiers de présenter le Musée du Palais impérial à grand renfort de chiffres impressionnants. Mais aujourd’hui, nous savons que le plus important est le lien qui raccorde ces ressources culturelles au quotidien du peuple. Il faut donner aux visiteurs l’envie de se documenter à loisir sur les trésors de la Cité interdite : tel est l’objet le plus précieux. En ce sens, il est de la responsabilité du Musée du Palais impérial d’être toujours plus proche de la société », présente Shan Jixiang.
Actuellement, la communauté internationale des musées a revu la définition des fonctions d’un musée. Auparavant, le premier rôle d’un musée consistait en la préservation des collections ; venaient en deuxième la recherche et en troisième la transmission du patrimoine. Désormais, la fonction primordiale porte sur l’éducation.
« Il y a une volonté à ce que l’éducation entre dans le quotidien de la population. Les technologies numériques qui présentent le musée ou encore l’application qui chaque jour met en lumière une relique répondent à cet objectif. Les résultats des recherches que nous menons sur les vestiges ne doivent pas apparaître uniquement dans des revues spécialisées. En vertu de l’âme du musée, il est de notre devoir de partager la richesse culturelle des collections avec le grand public », commente Shan Jixiang.
De nos jours, la majorité des jeunes reconnaît le sens culturel que revêt la Cité interdite. En 2016, un documentaire Masters in Forbidden City, qui relatait le travail des conservateurs-restaurateurs au Musée du Palais impérial, a fait des millions de vues sur Internet, au grand étonnement du personnel lui-même, qui pensait que cette production au sujet bien spécifique et au rythme lent ne capterait l’attention que des personnes âgées ou entre deux âges. Contre toute attente, une foule de jeunes dans la vingtaine ont adoré ce documentaire. Il a conduit 15 000 demandeurs d’emploi à s’inscrire cette année au concours d’entrée pour devenir restaurateurs du patrimoine culturel du Musée du Palais impérial.
La Cité interdite a été construite en 1420, sous le règne de l’empereur Yongle de la dynastie des Ming. Dans seulement trois ans, elle célèbrera donc son 600eanniversaire, qui marquera le lancement d’un ensemble de travaux, surnommé « La Cité interdite en paix ». Ces travaux regroupent des tâches de rénovation des architectures et de construction d’infrastructures, de restauration du patrimoine culturel et de protection des vestiges culturels, afin de prévenir les risques menaçant les collections, les bâtiments et les visiteurs (par exemple, incendie, cambriolage, tremblement de terre, vieillissement naturel des pièces).
Par ailleurs, en 2020, pour laisser la Cité interdite demeurer en paix, environ la moitié du personnel, soit 750 employés (y compris Shan Jixiang) déménageront leur bureau pour travailler hors de ses murs. Le service scientifique et technologique ainsi que le service chargé de la protection du patrimoine, lequel doit chaque jour travailler à l’entretien des reliques culturelles, seront les seuls à rester sur place.
« Nous espérons qu’en ce 600eanniversaire de la Cité interdite, le musée apparaîtra au public sous son meilleur jour et dans son intégralité, prêt à résister à l’épreuve du temps pour encore six nouveaux siècles », conclut Shan Jixiang.
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