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L’homme à la barre de l’AIIB

2017-07-05RUYA

今日中国·法文版 2017年5期

RU YA

L’homme à la barre de l’AIIB

RU YA

Jin Liqun, gouverneur de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (AIIB), a annoncé le 25 mars, lors de l’assemblée générale de la réunion annuelle 2017 du Forum asiatique de Boao, l’adhésion de 15 nouveaux pays environ à son instance cette année, et les membres de celle-ci serait entre 85 et 90 pays.

Il a souligné que les objectifs de l’AIIB ne se limitaient pas aux investissements visant à construire une ligne ferroviaire ou une centrale électrique dans tel ou tel pays, mais que la banque favoriserait les projets d’infrastructures qui profiteraient aux populations.

Le gouverneur, âgé de 67 ans, portait une chemise à la française lors de la première réunion annuelle de l’AIIB qui s’est tenue le 25 juin 2016. Cette réunion est destinée à faire le tour du fonctionnement, de la gestion, des projets d’investissement et du décompte des nouveaux adhérents au conseil d’administration depuis la création de la banque. Les normes internationales, la gestion transparente et l’idée de l’avantage réciproque : l’AIIB a prouvé à ceux qui en doutaient encore qu’elle n’est pas le valet de la Chine et ne cherche pas à affaiblir ou à marginaliser la Banque mondiale.

Diplomatie financière

Jin Liqun a gagné ses galons de diplomate de la finance en 2015, lorsqu’il a engrangé les candidatures à l’adhésion de plusieurs pays européens. Comme l’a exprimé le quotidien britannique Financial Times, M. Jin, chargé de la lourde responsabilité de préparer la fondation de l’AIIB, a fait le tour des différents pays européens ces derniers mois pour convaincre leurs représentants de rejoindre son conseil d’administration. Courtois et expérimenté, Jin Liqun parle couramment l’anglais et maîtrise assez bien le français, et il a l’habitude de traiter avec les autorités occidentales. Les Britanniques le trouvent pro-britannique car il aime citer Shakespeare dans les conversations qu’il a avec eux ; il sait affirmer aux Français à quel point il est passionné de culture française, sans oublier de révéler aux Allemands son attachement à la rigueur typique de ce pays. Son habileté pour naviguer parmi les membres de l’UE est légendaire à Beijing et les anecdotes qui l’illustrent y font le tour des administrations.

Le gouverneur a fait la preuve de sa largeur d’esprit et de sa tolérance vis-à-vis des États-Unis qui hésitaient à adhérer à la nouvelle banque internationale, en fournissant aux journalistes américains de sa connaissance de multiples occasions de lui poser leurs questions. Son but est de montrer que l’AIIB n’est pas un monstre, mais bien un établissement encore jeune et prêt à coopérer avec les autres instances financières internationales. Au sujet de la liste des premiers projets, l’AIIB a mis en place un fonds de coopération à la Banque asiatique de développement que cette dernière emploiera au financement de projets. M. Jin a su ménager les Américains, qu’il se trouve à Washington ou à New York, en expliquant qu’il comprend parfaitement que différents pays aient besoin de délais différents pour définir leurs politiques, et il a pris bonne note des propos positifs tenus par des hommes politiques américains au sujet de l’AIIB.

M. Jin a le chic de régler les problèmes épineux sur une note humoristique. « Celui qui veut monter un nouveau commerce doit écouter l’avis des consommateurs et non celui des deux boutiquiers déjà établis », a-t-il glissé en réponse à la question qui lui était posée, à savoir « Pourquoi la Chine souhaite-t-elle fonder une nouvelle banque internationale, alors que la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement existent déjà ? ». À la personne qui lui demandait si les États-Unis reviendront sur leur décision d’adhérer à l’AIIB, il répondit ainsi : « Vous me faites trop d’honneur. Ne me demandez pas de prendre la décision à la place des États-Unis. » Une réponse qui a soulevé des éclats de rire dans l’assistance.

Amateur de littérature et gouverneur de banque internationale

Passionné de littérature et fort d’une solide culture littéraire, le gouverneur aime parsemer ses échanges avec ses collègues et amis étrangers de vers de Shakespeare et du poète britannique Andrew Marwell. Lors de sa rencontre avec Steve Howard, président de Global Foundation (Australie), il a comparé son interlocuteur au défricheur du roman australien The Tree of Man, un ouvrage de l’écrivain Patrick White qu’il avait à l’époque voulu traduire en chinois. Il possède également une certaine expérience de la traduction de l’anglais, puisqu’il fut chargé par exemple d’annoter et de réviser Le Recueil de la poésie britannique, un ouvrage rédigé sous la direction de son maître Wang Zuoliang, puis de conduire la traduction en chinois de The House of Morgan, best-seller de Ron Chernow. Ce fanatique de la littérature classique et de la philosophie chinoise collectionne toutes les versions du Rêve dans le pavillon rouge.

Ce goût pour l’anglais et la littérature avait conduit Jin Liqun à viser une carrière dans la recherche académique. Il était l’un des premiers étudiants de la classe de Master d’anglais de l’Institut des langues étrangères de Beijing (Université des langues étrangères de Beijing aujourd’hui) où il a suivi les cours des maîtres de l’enseignement d’anglais Wang Zuoliang et Xu Guozhang. À son ancien élève qui lui demandait une recommandation pour travailler au ministère des Finances, Xu Guozhang a demandé à Jin Liqun de bien y réfl échir : « Notre pays pourrait bien se contenter de 100 spécialistes de la littérature britannique, maisles experts financiers nous font défaut. Je suis sûr que tu feras une belle carrière. » C’est ainsi que Jin Liqun choisit de se lancer dans une carrière aux Finances.

Peu après son entrée au ministère, Jin Liqun a été envoyé suivre une formation à la Banque mondiale, et après son retour en Chine, il a été affecté au département des affaires financières extérieures pour s’occuper des projets de la Banque mondiale d’assistance à la Chine. Il fut chargé successivement de la préparation et des négociations liées aux projets d’infrastructures de routes, de chemin de fer, de ports, de la production, de la transmission et de la transformation de l’électricité, puis à des projets d’irrigation agricole. En 1987, Jin Liqun est retourné aux États-Unis pour se perfectionner en science économique à l’université de Boston en tant que chercheur. Suite à quoi il a successivement assumé les fonctions d’administrateur adjoint exécutif chinois de la Banque mondiale, puis de directeur général du département de la Banque mondiale auprès du ministère des Finances et enfin de vice-ministre des Finances. Durant ce dernier mandat, il a participé à une série de réformes d’importance dans le secteur financier, avant d’occuper des postes importants à la Banque asiatique de développement puis au Groupe Banque mondiale et à la Global Environment Facility (GEF).

En 2003, à l’âge de 54 ans, il a été nommé vice-gouverneur de la Banque asiatique de développement, le premier Chinois à occuper ce poste depuis la création en 1965 de cette banque de coopération multilatérale. Conformément à la pratique traditionnelle de cette banque, l’un des quatre vice-gouverneurs doit être japonais ou américain, puisque ces deux pays sont les actionnaires principaux de la banque, le second doit venir d’Europe, les deux postes restants se partageant entre les candidats originaires d’Asie. Il est à noter qu’aucun Chinois n’avait été élu à ce poste en une vingtaine d’années.

Chargé des affaires liées à l’Asie du Sud et à la région du Mékong à la Banque asiatique de développement, M. Jin a œuvré à promouvoir la construction d’infrastructures en Asie du Sud. Il a écrit plus tard plusieurs articles et raconté des anecdotes très intéressantes sur cette expérience. Lorsque la Banque asiatique de développement a rencontré des difficultés, concernant le crédit accordé au Cambodge, il s’est rendu en avion à Phnom Penh pour s’entretenir personnellement avec le premier ministre Hun Sen. Le premier ministre cambodgien est très méticuleux dans sa manière de réfl échir même s’il parle très fort, révèle-t-il ainsi. M. Jin a aussi visité le chantier du projet d’une grande centrale hydro-électrique au Laos situé dans une zone montagneuse inaccessible qu’il a mis trois jours à atteindre, pour pouvoir parler aux agriculteurs locaux. À cette occasion, il s’installa dans des auberges rurales situées non loin du chantier.

Très apprécié de ses collègues de la Banque asiatique de développement, M. Jin fut salué dans les termes suivants lorsqu’il quitta l’établissement en 2008 : « un travailleur assidu au comportement souple et aux succès remarquables ». Durant les six années suivantes, il a travaillé successivement à China Investment Corporation puis à China International Capital Corporation Limited. En octobre 2014, il a quitté son poste à la China International Capital Corporation Limited qu’il cumulait depuis plusieurs mois avec ses fonctions de chef du groupe de préparation de l’AIIB. Il a alors commencé à travailler à plein temps aux préparatifs de l’AIIB.

Jin Liqun, président de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (AIIB), donne sa première conférence de presse après sa prise de fonction, le 17 janvier 2016.

L’ennemi juré des problèmes épineux

Selon les estimations de la Banque asiatique de développement, les besoins d’investissement dans les infrastructures en Asie se montent à 730 milliards de dollars par an jusqu’en 2020, un volume que les établissements multilatéraux internationaux tels que la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement n’ont pas les moyens de satisfaire. C’est pourquoi l’AIIB a été officiellement fondée le 24 octobre 2014 avec à sa tête Jin Liqun.

Un célèbre forum politique et économique international s’est empressé d’annoncer que la Chine cherche véritablement à mener à bien le développement de l’AIIB, la preuve en étant la nomination de ce spécialiste chevronné comme gouverneur de la banque. Selon le New York Times, la Chine est désireuse de prouver au monde sa capacité à diriger un établissement multilatéral respecté de tous, tout en prenant toutes les précautions pour éviter la politisation de l’AIIB. C’est ainsi que Jin Liqun, fort de son expérience à la Banque mondiale et à la Banque asiatique de développement, possède tous les contacts en Orient comme en Occident nécessaires pour remplir ce rôle. Ennemi juré des problèmes épineux, il est réputé pour ne jamais céder devant les difficultés.

M. Jin a donné satisfaction, du moins jusqu’à présent. Les 57 membres fondateurs de l’AIIB représentent les cinq continents ; la banque vient d’approuver l’adhésion de 13 nouveaux membres, dont Hong Kong, le Canada et la Belgique, avant de considérer la participation de 15 nouveaux pays, et la liste n’est pas encore bouclée.

Ainsi que le souligne M. Jin, il n’y a que des gagnants dans le processus de la globalisation économique. La différence étant que différentes parties en bénéficient à des degrés divers. L’accroissement des investissements dans les infrastructures et l’amélioration de l’interconnexion permettront à un plus grand nombre de personnes de profiter de la mondialisation économique. Améliorer la connectivité, telle est la vision partagée par tous les membres de l’AIIB.