Une pionnière des relations sino-africaines
2015-11-08SudeshnaSarkar
Une pionnière des relations sino-africaines
L'une des pionnières chinoises dans l'apprentissage du swahili, Chen Lianying,a gagné les cœurs d'Afrique avec ses émissions de radio par Sudeshna Sarkar
EllES ne connaissent peut-être pas son visage,mais des centaines de personnes peuvent reconnaître instantanément le nom de Chen Lianying, et plus encore sa voix enjouée.
Dans les pays africains où l'on parle cette langue,Chen, une Chinoise de 68 ans originaire de Suzhou dans l'est de la Chine, est considérée comme « la voix » du swahili, grâce à son engagement de presque cinq décennies pour diffuser la langue en Chine et présenter la Chine au monde à travers le prisme du swahili.
« Cela s'est avéré très utile quand j'allais faire le marché à Dar es Salaam », dit-elle en riant, assise dans le studio de Radio Chine lnternational (CRl) à Beijing. « Comme je parlais swahili, je pouvais négocier. Les marchands tanzaniens me regardaient avec étonnement et certains d'entre eux me disaient : ‘Je connais votre voix. Vous êtes la dame de l'émission Sanduku La Barua.' Et j'obtenais un rabais. »
Pendant plus de 30 ans, Chen a présenté son émission en swahili, interagissant avec les auditeurs africains qui souhaitaient en savoir plus sur la Chine - son culture,son économie, ses sports. Elle répondait à leurs lettres et a même aidé à faire passer des annonces officielles dans certains endroits de l'Afrique rurale où on n'avait pas encore le téléphone.
À l'école, Chen a appris le russe en première langue,mais le destin avait prévu autre chose pour elle. En 1965,quand elle a rejoint l'lnstitut de Radiodiffusion de Beijing,(aujourd'hui devenu l'Université de Communication de Chine), le gouvernement chinois a monté un projet pour aider à construire un long chemin de fer entre la Tanzanie et la Zambie, afin de stimuler l'économie de ces pays. L'accent a été mis sur l'apprentissage du swahili,car des interprètes Chinois étaient indispensables pour permettre aux équipes d'ingénieurs, de techniciens et de travailleurs qui travaillaient sur le plus grand projet d'aide étrangère chinoise de l'époque à communiquer entre eux. La décision de Chen était prise.
C'était une mission difficile dans les années 1960. « ll y avait deux classes, chacune de 20 étudiants », se souvient-elle. « Les professeurs venaient d'Afrique. Comme il n'y avait pas de livre, ils distribuaient des leçons improvisées tapées à la machine. »
Les gens étaient contents que quelqu'un venant d'un « grand pays » comme la Chine aient entendu parler du langage d'un « petit pays ». Cela a permis de nouer des amitiés.
Chen Lianying, Ancienne présentatrice radio de CRI
Après cinq ans d'études, même si on n'avait pas réclamé sa présence en Afrique, elle a trouvé du travail au département de radiodiffusion d'Afrique et d'Asie Orientale de CRl (appelé à l'époque Radio Beijing). « Au début, les émissions en swahili étaient brèves et peu nombreuses, explique-t-elle. Par la suite, des émissions plus longues et plus spécialisées ont été créées. » Les émissions étaient diffusées dans les pays d'Afrique de l'Est et du Sud, comme la Tanzanie ou le Kenya.
Puis a été créée l'émission Sanduku La Barua (ce qui signifie « club drôle »), qui est vite passée de 10 à 16 minutes après que les auditeurs se sont plaints qu'elle était trop courte.
« Cette émission est devenue une marque de fabrique », explique Fadhili Mpunji, le collègue tanzanien de Chen. « Les gens ont vite associé le nom de Chen avec son émission. Encore maintenant des auditeurs se souviennent d'elle et demandent : ‘où est Mama Chen ?' »
L'émission était très appréciée car elle liait les gens,les faisaient interagir, les aidait à communiquer et à échanger leurs idées, ajoute Chen. Un jour, CRl a sélectionné un auditeur pour visiter la Chine, mais il vivait dans un endroit reculé où il n'avait pas le téléphone. Donc nous avons annoncé sa sélection à la radio. Lapersonne en question n'a pas entendu l'annonce, mais ses amis l'ont informé et il a pu contacter l'ambassade pour commencer les procédures de visa. La 4eConférence mondiale des Femmes qui s'est tenue à Beijing en septembre 1995 a été un jalon dans sa carrière. Les membres de gouvernements et d'institutions du monde entier se sont réunis pour adopter la Déclaration de Beijing et le Programme d'Action, s'engageant à « faire avancer l'égalité, le développement et la paix pour toutes les femmes du monde, dans l'intérêt de l'humanité toute entière ».
Chen Lianying,la « voix » du swahili en Chine,contribue depuis plus de 30 ans au rapprochement avec l’Afrique
Chen a écrit une série d'articles en swahili sur la question des femmes, et a présenté des émissions où étaient invitées des femmes africaines et chinoises pour échanger leurs points de vue sur les principaux problèmes des femmes. En 2013, l'émission spéciale La Voix des Femmes, que Chen et ses collègues avaient préparée pour la Journée internationale de la Femme, a gagné le premier prix du CRl pour les émissions spéciales. L'émission rassemblait des femmes ayant réussi une brillante carrière professionnelle, et qui affirmaient qu'il est mieux pour une femme d'être indépendante financièrement que de dépendre de son mari.
En 2011, quand la série télévisée très populaire Doudou et ses belles-mères a été doublée en swahili et diffusée en Afrique, Chen a occupé les fonctions de traductrice, éditrice de la traduction et directrice du doublage, et elle a même fait la voix de l'un des personnages. Bien qu'officiellement à la retraite depuis 2010, Chen s'est vu demander de rester à CRl jusqu'à 2013. À partir de 2015, elle continuera de venir régulièrement pour aider à former la nouvelle équipe.
ll est d'autant plus important pour les Chinois d'apprendre le swahili que le commerce sino-africain est florissant et que Beijing cherche à resserrer les liens avec le continent africain. Pour faciliter l'apprentissage du swahili, Chen a écrit il y a quatre ans un livre intitulé Conversation quotidienne en swahili. « J'espérais que ce livre aide les Chinois qui veulent s'installer ou travailler en Tanzanie », dit-elle. Distribué par Amazon, le livre a suscité de très nombreuses questions, notamment concernant la prononciation des mots. Chen a répondu à toutes les questions qui lui étaient adressées par ses lecteurs,joignant à ses mails un court enregistrement audio.
Au cours de sa longue carrière à CRl, Chen a visité la Tanzanie, le Kenya, le Zimbabwe et l'Afrique du Sud. En 1990, lorsque le CRl l'a envoyée en Tanzanie pour améliorer ses compétences linguistiques, elle a participé aux émissions de Radio Tanzanie, ce qui a accru sa popularité. Sa totale maîtrise du swahili lui valait l'admiration des auditeurs, où qu'elle soit. « Les gens étaient contents que quelqu'un venant d'un ‘grand pays' comme la Chine aient entendu parler du langage d'un ‘petit pays', se rappelle-t-elle. Cela a permis de nouer des amitiés ».
Le rôle qu'a joué Chen dans le rapprochement entre la Chine et l'Afrique a été formellement reconnu il y a trois ans, lorsque l'Association d'Amitié entre les peuples chinois et africain, en partenariat avec les ambassades africaines à Beijing ainsi que les internautes, ont voté pour elle parmi les « Dix personnes qui ont joué un rôle majeur dans l'approfondissement de la relation sino-africaine ». CA