APP下载

La croissance africaine à l’épreuve de la baisse du cours du pétrole

2015-11-08

中国与非洲(法文版) 2015年1期

La croissance africaine à l’épreuve de la baisse du cours du pétrole

Hannah Edinger

Kira McDonald

Ce qui constituait la base du récit sur l’« émergence de l’Afrique » a été de plus en plus mis à l’épreuve ces derniers mois. Les préoccupations sécuritaires, la crise d’Ebola en Afrique de l’ouest et le conflit en Libye ont été certaines des difficultés que l’Afrique a rencontrées. Elles ont testé sa capacité de réponse à des événements qui peuvent mettre à mal la croissance économique de ces dernières années. L’impact de la baisse du cours du pétrole pourrait asséner un nouveau coup dans la région, notamment pour les pays exportateurs de pétrole. Hannah Edinger, la directrice du cabinet de conseil Frontier Advisory et l’analyste Kira McDonald dissèquent pour nous les répercussions de la chute du cours du pétrole sur les pays africains.

DEpulS le mois de juin 2014, le prix du baril de Brent a baissé de 40 % pour atteindre 65 dollars le 9 décembre en raison de la surproduction (estimée à 700 mille barils par jour). La mauvaise nouvelle pour les producteurs africains de pétrole,actuels ou futurs, c'est que cette situation est entre autre le résultat d'une baisse de la consommation de pétrole, partiellement due aux investissements dans l'efficacité énergétique, de la diversification des sources énergétiques des principaux pays consommateurs, d'un ralentissement de la croissance mondiale et de l'atonie de la demande. L'Union européenne a par exemple fixé des objectifs stricts en termes d'efficacité énergétique et a inclus davantage d'énergies renouvelables dans son mix énergétique. Les États-Unis, premier pays consommateur de pétrole et d'autres énergies, a commencé à diversifier ses sources d'énergie et pourrait devenir un pays exportateur net d'énergie avec le développement de l'exploitation du gaz de schiste. Enfin, avec le ralentissement de la demande mondiale, la demande chinoise en matières premières n'a pas évolué.

La tendance baissière du prix du pétrole ne devrait pas se stabiliser à courte échéance. On estime que le cours du brut devrait osciller entre 55 et 60 dollars le baril à court/moyen terme, même si Bloomberg anticipe une remontée début 2015 aux alentours de 85 à 90 dollars.

Après un pic à 147 dollars en 2008, le baril a oscillé au-dessus de la barre des 100 dollars depuis 2011 et cette baisse a eu des effets cumulatifs positifs pout les pays importateurs de pétrole en termes de ralentissement de l'inflation et de réduction des coûts de production et de transport. Les répercussions sont cependant graves pour les pays qui ont fondé leur stratégie d'investissement et de diversification économique sur la rente pétrolière.

Au moins 12 pays africains producteurs de pétrole sont directement concernés par le biais des exportations et des revenus en devises, et une trentaine d'autres environ ont déjà mis en place des projets d'exploration et d'investissements dans des gisements pétroliers et gaziers. En fait, l'agence Reuters faisait savoir récemment que les déconvenues économiques concernant ces projets, dues à la baisse du prix du pétrole, excédaient le coût économique de l'épidémie d'Ebola. D'autres estiment que 50 % de ces projets seront sans suite ou différés si le baril passe sous la barre des 70 dollars.

La baisse du cours du pétrole se répercute fortement sur les finances, les dépenses publiques et enfin sur la stabilité financière des pays producteurs. Dans 9 des 12 pays africains exportateurs nets de pétrole, les revenus qu'ils en tirent représentent 90 % des recettes d'exportation. Des pays comme l'Algérie, l'Angola,le Tchad, la Guinée équatoriale, le Gabon,la Libye, le Nigéria et la République du Congo tirent plus de 50 % de leurs recettes budgétaires totales de la production et de l'exportation du pétrole et sont donc fortement dépendants du pétrole pour financer le fisc et accroître les revenus en devises. L'impact d'un cours du pétrole bas se fait déjà durement ressentir dans ces économies. D'après les chiffres du Business Monitor International (BMl), les cours permettant d'atteindre le seuil de rentabilité après impôts dans les principaux pays producteurs de pétrole sont 30 à50 % plus élevés que ceux du pétrole sur le marché, qui est à 65 dollars le baril (par exemple, 124 dollars au Nigéria, 94 dollars en Angola, 107 dollars en Algérie et 106 dollars en Libye).

La baisse du prix du pétrole a des répercussions considérables sur le budget, les dépenses publiques et à terme sur la stabilité financière des pays producteurs. Dans 9 des 12 pays exportateurs nets de brut, le pétrole représente plus de 90 % des recettes d'exportation.

Hannah Edinger, Directrice du cabinet de conseil Frontier Advisory et l’analyste Kira McDonald

Les répercussions sont désastreuses au Nigéria, la première économie africaine et deuxième producteur de brut du continent.

Confronté à l'effondrement de ses réserves en devises pour défendre sa monnaie, le pays a vu l'équivalent de 40 milliards de dollars de sa production en valeur dollar fondre alors que le naira (la monnaie du pays dont le cours est indexé à 0,006 dollar) perdait 8 % de sa valeur. Le pétrole et les produits dérivés du pétrole constituent 91 % des exportations du Nigéria. Alors que le budget national pour 2014 a été élaboré sur la base d'un baril à 77,50 dollars, il sera nécessaire de procéder à des révisions réalistes pour boucler le budget 2015 vu la tendance baissière des cours du pétrole. Le pays doit organiser des élections législatives en février 2015 et les dépenses publiques ne seront pas revues à la baisse,ce qui signifie que le budget va continuer à subir des pressions importantes.

L'Angola, où le pétrole et les produits dérivés du pétrole représentent 99 % des exportations, a connu les mêmes déconvenues avec la dépréciation de 4 % du kwanza (la monnaie du pays valant 0,0099 dollar) entre septembre et début décembre 2014. Avec un budget élaboré sur la base d'un baril à un peu moins de 100 dollars, Luanda avait prévu des projets de construction d'infrastructures qui sont maintenant dans les tiroirs.

Comme le Nigéria et l'Angola importent la grande majorité de leurs biens de consommation et produits alimentaires et dépendent du carburant pour la production d'électricité hors-réseau et les générateurs privés, la dépréciation monétaire ne fait qu'aggraver la situation. Le coût des produits importés augmente, risquant de susciter des troubles sociaux et politiques. À ce dernier point s'ajoutent les risques de coupes dans le budget social. Des pays comme la République du Soudan, le Gabon et le Nigéria sont menacés si le cours du baril passe à 60 dollars. L'Angola, le Tchad et la Guinée équatoriale font également face à des risques graves, selon des esti-mations du BMl.

Le prix bas du baril se répercute aussi sur les financements disponibles pour des projets de construction d'infrastructures de grande envergure. Les pays devront donc trouver des sources de financement alternatives et s'endetter un peu plus sur les marchés internationaux, voire, dans certains cas, avoir recours à la spéculation ou à des plans de sauvetage financier si le cours du baril reste aussi bas.

La faiblesse du cours du baril va aussi entraîner une baisse du taux de production dans la plupart des pays africains exportateurs de pétrole. En Guinée équatoriale,c'est une situation particulièrement dangereuse, dans la mesure où le pays n'a pas encore entamé sa diversification hors du pétrole et du gaz. Les conséquences pourraient être graves pour les pays (et parfois leurs voisins) qui comptaient sur la manne pétrolière pour diversifier leur tissu économique.

Si la tendance persiste, la baisse des marges bénéficiaires et des flux d'investissements directs étrangers dans le secteur pétrolier pourrait susciter la réticence des investisseurs dans le secteur, sachant que ces derniers sont déjà souvent confrontés à un environnement difficile en termes d'exploitation et d'incertitudes réglementaires. Le cours du gaz naturel liquéfié(GNL) étant calculé en fonction du cours du pétrole, les pays producteurs de GNL comme le Mozambique et la Tanzanie pourraient aussi connaître des difficultés.

Les pays importateurs de pétrole vont certainement se réjouir de cette accalmie,sachant que le prix bas du baril va améliorer la balance des paiements et les coûts d'exploitation. Le Sénégal, la Tanzanie, le Zimbabwe et le Kenya affichent un déficit important de leur balance commerciale, en raison de la facture pétrolière et devraient donc bénéficier de la baisse du cours du baril. L'Afrique du Sud devrait aussi y gagner, si on y ajoute un rythme d'inflation plus lent et la baisse du coût des transports. La banque centrale du pays subira ainsi moins de pression pour relever les taux d'intérêt afin de donner un coup de fouet à la croissance. En théorie, cela devrait donc stimuler la croissance, mais l'impact sera limité à quelques pays, compte tenu d'un certain nombre de facteurs. Cela dépendra de la rapidité avec laquelle la baisse du cours du baril se transmettra aux prix à la consommation ainsi que de l'impact de la baisse actuelle des prix mondiaux des autres matières premières,qui sont générateurs d'importants revenus en devises. CA