Leçon de coopération
2015-11-08
Leçon de coopération
En 2014, lors du 55eanniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et le Soudan, une délégation de haut niveau de l'éducation soudanaise, dirigée par Sumaia Mohamed Ahmed Abukashawa, ministre soudanaise de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, a visité la Chine sur invitation du ministère chinois de l'Éducation. Au cours de sa visite de quatre jours, qui a débuté le 24 novembre, la ministre a partagé son point de vue avec CHINAFRIQUE sur les échanges et la coopération sino-soudanais en matière d'éducation.
CHINAFRIQUE : Comment la Chine et le Soudan coopèrent-ils dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique ?
Sumaia Mohamed Ahmed Abukashawa : nous avons une relation de coopération dans différents domaines. Des liens officiels existent en termes de bourses et d'aides, en particulier dans les domaines de formation professionnelle et de l'éducation. La coopération est également liée aux relations culturelles entre les deux pays, notamment en ce qui concerne l'apprentissage de la langue des deux côtés. Au cours des dernières années, la coopération est devenue plus large et plus élaborée. Nous avons des programmes d'échange d'étudiants, en particulier ceux qui se préparent à suivre un master ou un doctorat dans des domaines comme l'éducation, les sciences appliquées, la médecine, l'ingénierie, la physique ou encore l'agriculture. Nous avons aussi des étudiants chinois au Soudan dans le cadre de programmes d'échange, soit pour des formations courtes, soit pour des études universitaires dans divers domaines.
l'université de Khartoum a mis en place en 2010 une relation de partenariat avec l'université chinoise de Yangzhou dans le cadre du plan de coopération 20 + 20 entre les universités chinoises et africaines. D'après vous, dans quels domaines nos universités devraientelles coopérer ?
ll y a de nombreux domaines où les universités peuvent coopérer, mais le plus important est la recherche conjointe. Quand ils bénéficient de programmes de recherche ou d'enseignement communs, des professeurs d'universités chinoises viennent enseigner des sujets spécifiques au Soudan et vice versa. Les universités ont généralement des programmes d'échange entre le personnel éducatif des deux pays. Le personnel peut ainsi découvrir une autre organisation et une autre culture, il peut acquérir de l'expérience et la transmettre dans son pays. Et cela fonctionne généralement dans les deux sens.
Nous souhaitons augmenter le nombre du personnel impliqué dans les programmes d'échange. Nous espérons que davantage de professeurs chinois puissent venir enseigner au Soudan. Pendant longtemps,tous les enseignants étrangers venaient de pays [économiquement] avancés. Maintenant, nous sommes également ouverts à l'Asie et en particulier à la Chine. Par exemple, nous avons un lnstitut Confucius à l'Université de Khartoum. La plupart des enseignants chinois viennent y enseigner la langue chinoise. L'lnstitut est ouvert à d'autres universités et communautés. Les personnes qui souhaitent apprendre le Chinois sont également bien accueillies. Dans le futur, nous espérons avoir plus de collaboration sur les sciences appliquées.
Ayant résidé en Chine, ils [les étudiants soudanais] en connaissent la culture et la population. Quand ils reviennent dans leur pays, ils en sont comme des ambassadeurs.
Sumaia Mohamed Ahmed Abukashawa, Ministre soudanaise de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique
Les banques commerciales du Soudan allouent de 7 à 14 % du microfinancement pour des projets à microéchelle
Quel rôle les étudiants soudanais peuventils jouer dans leur pays après avoir bénéficié de bourses en Chine ?
Tout d'abord, ils jouent un rôle de pont culturel, afin d'établir de meilleures relations avec la Chine. Ayant résidé en Chine, ils en connaissent la culture et la population. Quand ils reviennent dans leur pays, ils en sont comme des ambassadeurs. Deuxièmement, ils ont la possibilité de mettre en œuvre ce qu'ils ont appris en Chine. lci, ilsont mené des recherches dans leurs disciplines respectives, renforcé leur expérience de l'enseignement et développé de nombreuses compétences. Quand ils reviennent au pays, ils vont enseigner et transmettre ce qu'ils ont appris à leurs élèves et collègues, tout en adaptant ces compétences en fonction des besoins spécifiques du Soudan. lls ramènent un peu de saveur chinoise dans leur université soudanaise. En outre, certains membres du personnel conservent toujours un lien avec la Chine à travers des recherches conjointes, des publications conjointes d'articles et des visites mutuelles. Nous envisageons également de mettre en place une association pour réunir les anciens étudiants qui ont obtenu leur diplôme en Chine, afin qu'ils puissent partager leurs expériences et échanger des idées.
Sumaia Mohamed Ahmed Abukashawa,ministre soudanaise de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique
Qu'est-ce qui est fait pour aider les diplômés soudanais à trouver un emploi ?
Tout d'abord, 2015 est l'année de l'emploi. Notre ministère a l'intention de travailler avec le ministère du Travail afin d'obtenir plus d'opportunités d'emploi pour les diplômés. ll y aura une stratégie spécifique et plus d'emplois seront créés pour les étudiants en agriculture, science vétérinaire, sciences humaines et arts en général.
Deuxièmement, le gouvernement a également lancé un système de micro-crédit pour les étudiants diplômés. Les banques commerciales du Soudan allouent généralement de 7 à 14 % du microfinancement pour des projets à micro-échelle en direction des étudiants diplômés. Notre politique est d'encourager les diplômés à ne pas dépendre de l'emploi gouvernemental. Le secteur privé est une autre direction que peuvent prendre les diplômés.
En termes d'opportunités d'éducation,comment l'égalité des sexes est-elle réalisée au Soudan ?
Dans l'éducation supérieure, les femmes sont plus nombreuses que les hommes. En 2014, le taux d'entrée à l'université était de 52 % pour les femmes, contre 48 % pour les hommes. C'était le cas tout au long des 10 dernières années. Dans nos universités, les 100 meilleurs étudiants sont en majorité des femmes. En médecine,environ 80 % des étudiants sont des femmes, alors que dans la science, environ 70 à 75 % sont des femmes. Et ce dans l'ensemble du pays. Au Soudan, la société est très ouverte aux femmes. Si vous avez un équilibre entre les sexes en termes d'éducation, vous retrouverez cet équilibre dans le marché de l'emploi, puis dans la prise de décision et dans de nombreux autres domaines.
Quels sont les défis auxquels fait face l'enseignement supérieur au Soudan ? Est-ce que la coopération éducative entre la Chine et le Soudan peut répondre à ces défis ?
Le financement est le défi numéro un. Avec plus de financement, nous pourrions ouvrir davantage d'universités et accepter plus d'étudiants, et nous pourrions créer davantage d'emploi pour le personnel. La situation financière du pays est donc un facteur limitant. Même si la situation est désormais meilleure, nous souhaitons toujours l'améliorer.
Le deuxième défi est la migration du personnel qualifié vers d'autres pays. Nous ne pouvons pas rivaliser en termes de salaire, mais nous avons essayé de résoudre ce problème. En 2012, nous avons changé le droit du travail pour exempter le personnel d'université de la retraite obligatoire. L'âge de la retraite était de 60 ans, mais il est maintenant de 65 ans. Nous avons également augmenté la rémunération du personnel et les bénéfices liés à ces emplois afin de les inciter à rester. Grâce à notre coopération éducative avec la Chine, nous avons plus de personnel formé et ils obtiennent des diplômes de master et de doctorat grâce à des bourses en Chine.
Comment voyez-vous les perspectives d'avenir de la coopération ?
Je m'attends à plus de relations culturelles en termes de coopération de recherche, et à plus de liens interpersonnels. La Chine a construit le Friendship Hall à Khartoum, et nos acrobates sont formés par des Chinois à Khartoum. La contribution est plus visible [grâce à des relations économiques] dans les champs de pétrole, avec la construction de pipelines. Les Chinois sont plus nombreux à venir au Soudan travailler dans la construction. Je m'attends à plus de coopération dans l'enseignement supérieur, car nous proposons que certaines universités chinoises puissent établir des antennes à Khartoum. Nous aurons plus de programmes d'échange linguistique, plus de bourses des deux côtés, et une collaboration de recherche plus avancée dans les sciences et les humanités. CA