Propulser la croissance
2015-11-08NusaTuki
Propulser la croissance
Des accords de plusieurs milliards de dollars des entreprises chinoises pour construire des chemins de fer en Tanzanie pourraient servir d'exemple pour le futur de la coopération sino-africaine. par Nuša Tuki
LES relations de la Chine avec la Tanzanie
remontent aux années 1960, quand des entreprises de construction chinoises ont développé ce qui est désormais connu comme le projet phare de la Chine en Afrique, le chemin de fer Tanzanie - Zambie. Le but de ce chemin de fer était de fournir à la Zambie une route alternative vers l’Afrique du Sud frappée par l’apartheid,facilitant ainsi l’exportation de biens et améliorant la liaison entre la Zambie et la Tanzanie.
En mai, les autorités tanzaniennes ont annoncé qu’un consortium d’entreprises de chemin de fer chinoises,conduites par China Railway Materials (CRM), avait obtenu un contrat de 7,46 milliards de dollars pour construire un chemin de fer à voie standard de 2 561 kilomètres connectant la porte de Dar es-Salaam avec les voisins enclavés de la Tanzanie.
Par ailleurs, le groupe d’ingénierie China Railway No.2 a obtenu un contrat pour construire un chemin de fer de 1 000 kilomètres reliant des projets miniers de charbon et de fer dans le sud au port de Mtwara, une région où ont été découvertes d’immenses réserves de gaz naturel offshore. Les projets miniers sont d’ailleurs menés par un groupe chinois. En outre, la China National Petroleum Corp. avait déjà construit un gazoduc de 500 kilomètres reliant Mtwara et Dar es-Salaam.
Ces projets font partie d’un réseau de transport et d’énergie transrégional plus vaste incluant des partenaires chinois, et dont le projet le plus important est le projet de transport éthiopien du port de Lamu au Soudan du Sud (LAPSSET).
Ces projets ont de grandes conséquences pour l’Afrique de l’Est, non seulement en termes de transport et de commerce intra-régionaux, mais aussi de compétition intra-régionale, ce qui permettra d’accélérer la croissance économique.
Détails du projet
Le ministre tanzanien du Transport a déclaré en mai au Parlement que le consortium conduit par le CRM construirait un chemin de fer à voie standard depuis Dar es-Salaam jusqu’à la frontière ouest. Même si les routes précises du chemin de fer ne sont pas encore connues,la principale route sera le corridor central entre le port de Dar es-Salaam et le futur port en eau profonde de Bagamovo, dont le principal investisseur est l’entreprise chinoise Merchants Holdings lnternational.
Le chemin de fer couvrira en outre le pont terrestre entre le lac Tanganyika et le lac Victoria, s’étendant sur les ports de Musoma, Mwanza et Kigoma, jusqu’aux pays voisins d’Ouganda, du Rwanda et du Burundi. 10 % du projet de 9 milliards de dollars seront levés par le CRM,tandis que le reste proviendra de prêts de banques commerciales, selon le conseiller financier Rothschild.
Implications régionales
Ce projet arrive à un moment où la Tanzanie, ainsi que le Kenya et le Mozambique voisins, aspirent au titre de centre régional de transport. Au Kenya comme au Mozambique, les infrastructures se développent rapidement, le Kenya étant le point de départ du projet LAPSSET.
Le point fort du Mozambique réside dans le corridor de développement Maputo, connectant la capitale Maputo aux provinces sud-africaines de Gauteng et de Mpumalanga, et offrant au Swaziland une route alternative vers le port sud-africain de Durban. Le projet peut se vanter du titre d’« initiative d’interconnexion régionale la plus réussie d’Afrique sub-saharienne ».
Ce n’était donc pas une surprise que la Tanzanie ait annoncé en mars qu’elle projetait de dépenser 14,2 milliards de dollars en nouveaux réseaux ferrés dans les cinq prochaines années, financés par des prêts commerciaux.Les ambitions de la Tanzanie de devenir le prochain hub de transport régional de l’Afrique de l’Est, conditionnées par la vitesse de la construction, permettront non seulement de concurrencer le Kenya, mais donneront en outre à la Tanzanie une opportunité de signer des accords pour s’emparer du marché d’exportation de minerais. Outre la Tanzanie, cette infrastructure de transport sera utile à beaucoup d’économies enclavées d’Afrique centrale.
La découverte récente de pétrole au Kenya et de réserves de gaz en Tanzanie ont augmenté le potentiel de ces deux pays. Certains disent que dans les deux prochaines années, des réserves de plus de 2 milliards de mètres carrés de gaz naturel seront découvertes en Tanzanie. Cela contribuera à la croissance tanzanienne,qui pourrait devenir l’une des économies à la croissance la plus rapide au monde, avec des projets d’infrastructures de transport et d’énergie de 19 milliards de dollars pour les gazoducs.
La Tanzanie rénovera en outre 10 aéroports dans l’année financière, afin de suivre la croissance du trafic de passagers et commercial, de plus de 20 % par an. Selon les autorités des aéroports de Tanzanie, 5 millions de passagers et 28 000 tonnes de biens sont passés par ses aéroports en 2013. Cela prouve l’importance que la Tanzanie attache à développer ses aéroports pour devenir un hub de transport essentiel en Afrique de l’Est.
Alors que la compétitivité intra-régionale s’accroît,des politiques économiques nécessaires, destinées à dynamiser la croissance du PlB et à faciliter le commerce, suivront. En plus d’augmenter les déplacements et d’améliorer la connectivité des différents lieux, ces projets pourront stimuler la croissance économique.
La Tanzanie prévoit de dépenser 14,2 milliards de dollars en nouveaux réseaux ferrés dans les cinq prochaines années
De larges retombées
La réalisation de l’importance stratégique de l’Afrique de l’Est dans les infrastructures de transport a, dans les dernières années, contribué à accroître les investissements,à la fois depuis la Chine et depuis les secteurs privés et publics nationaux.
Diversifier et augmenter les réseaux de transport permettra une meilleure inter-connectivité et compétitivité régionales, contribuant au développement économique et social de l’Afrique de l’Est. Ce projet, combiné à l’engagement chinois d’aider l’Afrique à développer les trois principaux réseaux de transport que sont les chemins de fer, les routes et l’aviation régionale, constitue un bon exemple de ce à quoi ressembleront les futures coopérations sino-africaines sur le continent. CA
(L'auteur est analyste et chercheur au Centre pour les études chinoises (CEC) à l'Université de Stellenbosch. Source : CEC)