Parlement Panafricain
2015-11-08MessiBala
Parlement Panafricain
l'Afrique est fère de parler d'une seule voix par Messi Bala
ENTAMÉE le 5 octobre, la première session de la quatrième législature de cette institution s'est clôturée le 17 octobre 2015 à Midrand en Afrique du Sud. Une occasion pour les 270 députés d'aborder plusieurs sujets d'intérêt commun à 54 pays africains.
Nombre de parlementaires ont positivement apprécié la conduite des travaux et les innovations au Parlement Panafricain (PAP), présidé par un Camerounais, Roger Nkodo Dang, depuis mai 2015. Six séances plénières auront été nécessaires pour aborder tous les sujets inscrits à l'ordre du jour pendant deux semaines. En bonne place compte la participation prochaine du continent africain au Sommet de Paris sur les changements climatiques,la COP21.
L'ancien ministre d'État français chargé de l'Environnement, Jean-Louis Borloo, est venu solliciter le soutien des députés africains pour la mise en place urgente d'une agence d'électrifcation sur le continent. Après avoir fait le tour de plusieurs pays où il a rencontré 52 chefs d'États africains, Jean-Louis Borloo a, le 6 octobre, expliqué son projet « Énergie pour l'Afrique » et ses enjeux. « Je suis venu vous demander de mettre les pays développés devant leurs responsabilités durant le prochain sommet de Paris sur le climat. Prenez la parole, abordez un seul sujet, ne lâchez rien. Nous voulons du concret pour janvier 2016. Un projet unique additionnel à l'aide au développement. Une agence pour fnancer l'électrifcation de l'Afrique et gérée par les Africains », a-t-il martelé. Cette proposition a suscité un vif débat et des questions de plus d'une trentaine de parlementaires sur l'intérêt du promoteur de cette idée.
À chaque fois que l'Afrique est allée à une discussion avec plusieurs projets face aux pays développés, les échanges ont rarement abouti à son avantage.
Roger Nkodo Dang, Président du PAP
Témoignant de la complexité des négociations internationales, Roger Nkodo Dang a rappelé que « à chaque fois que l'Afrique est allée à une discussion avec plusieurs projets face aux pays développés, les échanges ont rarement abouti à son avantage ». Le PAP a fnalement adopté une recommandation demandant à l'Union Africaine(UA) de créer, dès 2016, une agence panafricaine pour le fnancement annuel des projets retenus pour l'électrifcation. La même recommandation du PAP envisage que « les pays développés, principaux émetteurs de CO2, octroient des subventions indispensables de 5 milliards de dollars par an ».
Autre thématique, la place des femmes dans le développement du continent africain et au sein des instances décisionnelles africaines. L'UA a à cet effet proclamé 2015 « l'année du développement et de l'émancipation des femmes dans le cadre de l'action 2063 ». L'objectif est d'accélérer le processus de ratifcation et d'internalisation du Protocole additionnel à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique. Jusqu'ici, ils ne sont que 36 États à avoir ratifé ce document plus connu sous le nom de Protocole de Maputo. Les députés du PAP et une centaine d'autres parlementaires (des femmes pour l'essentiel) ont tenu, en marge des séances plénières, et pendant 48 heures, un forum consacré à l'autonomisation des femmes.
« En Afrique les femmes jouent un rôle vital dans l'économie de développement. À titre d'exemple,dans le monde, les femmes africaines ont le taux d'activité économique le plus élevé (pourcentage des personnes qui mettent à disposition leur force de travail pour la production de biens économiques), y compris plus que dans les pays de l'OCDE. Ce taux est évalué à 61,9 », a estimé Evelyne Ndipondjou du cabinet international « Stratégie »,facilitateur de l'atelier. Une opportunité pour les parlementaires africaines de renforcer leur connaissance des instruments juridiques légaux qui leurpermettront de revendiquer plus de droits pour les femmes dans leurs pays respectifs.
Chacun des 54 parlements africains envoie 5 députés au PAP,dont deux femmes au minimum et au moins un élu de l'opposition parlementaire de chaque pays
On apprendra ainsi de l'ensemble des débats que le parlement de l'Afrique du Sud est l'un des plus équitables du continent africain avec presque une parité de 50 %. L'île Maurice a graduellement introduit l'éducation gratuite au primaire, secondaire et universitaire, ce qui a amené à 90 % le niveau éducatif des flles. Le Rwanda garantit quant à lui, un droit à la terre égal pour les époux (noms des époux sur le titre de propriété foncier), tandis que le Malawi a amélioré l'accès des femmes à la formation aux techniques agricoles, à l'information et aux services dans le but de de booster la production agricole des femmes rurales.
Un nouveau SG aux commandes
Outre les questions de politique internationale, le PAP a affché le visage d'une institution en cours de modernité, tournant la page aux errements du passé. D'un ton solennel et sentencieux, Roger Nkodo Dang a présenté le nouveau secrétaire général de la chambre. ll s'agit du magistrat algérien, Mokhtari Mourad, qui a prêté serment devant le bureau du PAP, réuni en même temps que l'ensemble des députés lors de la sixième séance plénière de la première session ordinaire de la quatrième législature. « Cette prise de service met défnitivement un terme aux débats passionnés sur le recrutement des fonctionnaires», a souligné le président du PAP dans son discours.
Mokhtari Mourad remplace ainsi défnitivement le Sud-africain Zwelethu Madasa donc le contrat a expiré il y a plus de trois ans. Le président du PAP a fxé des objectifs immédiats au nouveau SG. Entre autres,« une amélioration de la communication à l'intérieur du parlement, par une augmentation de la qualité et de la vitesse des technologies de l'information et de la communication », « une optimisation de la collaboration avec les autorités sud-africaines » ou encore l'aboutissement du processus de sélection d'une nouvelle compagnie d'assurance pour le personnel et les députés du PAP. L'arrivée de ce haut fonctionnaire traduit l'amorce d'un nouveau cap quant au management interne du PAP. Cette première session de la quatrième législature voit notamment le PAP être pourvu de 31 postes de responsabilités sur les 74 prévus dans son organigramme. Et pour améliorer la gouvernance de la chambre, les députés ont adopté en séance de clôture une résolution portant création d'une commission permanente de vérifcation descomptes publics au sein du PAP, ayant compétence sur la comptabilité, la vérifcation et la gestion des risques.
Dans cette interview accordée à CHINAFRIQUE,Roger Nkodo Dang revient sur les principaux sujets abordés au cours de cette première session de la quatrième législature, parmi lesquels fgurent les enjeux du prochain sommet de Paris, les problèmes de paix et sécurité, ou encore les préalables pour que le PAP se transforme en instance législative du continent.
« Il faut que l'Afrique aille à Paris en rangs serrés »
Roger Nkodo Dang, président du Parlement Panafricain (PAP).
De prime abord, que retenir de cette première session sous votre présidence ?
Je voudrais d'abord remercier tous les chefs d'États de l'Union Africaine (UA) qui ont dépêché des délégations pour venir assister à notre session. Le Président Jacob Zuma d'Afrique du Sud nous a honorés en dépêchant un représentant personnel à l'ouverture de notre session. Au-delà de ces symboles, nous avons beaucoup travaillé sur des sujets d'intérêt commun au continent.
Entre autres, les problèmes de paix et sécurité,la libre-circulation des personnes et des biens, le commerce inter-État, la zone de libre-échange... Nous avons également débattu sur la conférence des parties en décembre prochain à Paris. Sur le plan interne,le secrétaire général a pris ses fonctions ainsi que le directeur de Cabinet du président. Cette session montre que l'administration du parlement est en train de se mettre en place pour répondre aux challenges futurs.
Parlant justement de ces défs. Où en êtesvous avec le processus de transformation de cette institution en organe législatif ?
Vous voulez certainement parler de la ratifcation du protocole amendé du PAP en 2014 à Malabo. Nous continuons à travailler avec tous les acteurs de la société civile africaine (médias, associations...) pour qu'ils poussent les États à ratifer ce protocole. Nous avons besoin de 28 signatures. Presque deux ans après, seul le Mali qui a signé et ratifé. ll a déjà déposé les instruments de ratifcation à la Commission de l'UA à Addis-Abeba.
À ce rythme, il nous faudra 28 ans pour que le PAP puisse légiférer. Or les pays ne devraient pas craindre de conférer des pouvoirs législatifs au Parlement Panafricain, parce que nous n'allons pas légiférer en lieu et place des parlements nationaux. Nous allons légiférer sur les problèmes de niveau continental.
Quelle position avez-vous adoptée sur la question du terrorisme ?
Le problème du terrorisme en Afrique ne peut plus être débattu pays par pays. Boko Haram sévit, par exemple, sur l'ensemble des pays du bassin du Lac-Tchad, Al Shabab en Afrique de l'Est. Le nord du Mali continue à être le théâtre de grands affrontements entre les groupes armés, Al Quaïda et AQMl (Al Quaïda au Maghreb lslamique). Nous nous sommes dit qu'il fallait renforcer la situation de l'UA en mettant beaucoup d'argent dans la lutte contre le terrorisme. ll faut organiser une bataille commune et non séparée. Mais j'ai la conviction que la paix ne pourra passer que par l'organisation des élections libres et transparentes. La plupart des problèmes que nous rencontrons de nos jours en Afrique viennent des contestations postélectorales.
Le PAP a aussi décidé d'aller au sommet de Paris. Comment appréciez-vous jusqu'ici les négociations de nos États sur la question des changements climatiques ?
ll faut que l'Afrique aille à Paris en rangs serrés pour pouvoir demander aux pays pollueurs de payer les fonds de contrepartie de la conservation de la biodiversité. Je crois qu'aucun pays d'Afrique ne doit prétendre aller seul négocier. ll faut que l'Afrique parle d'une seule et même voix. Si nous envisageons d'y aller séparément, les négociations de Paris seront un échec pour nous, comme l'ont été les Accords de
Cotonou ou les Accords de Partenariat économique. C'est le moment pour l'Afrique de recevoir la juste partie des efforts qu'elle fournit pour conserver la nature en l'état. L'Afrique ne pollue qu'à hauteur de 4 %. Elle doit renforcer sa position de continent d'avenir. CA
(Reportage réalisé à Johannesburg)
Roger Nkodo Dang,président du PAP