Le Kenya joue le jeu
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Ce pays d’Afrique de l’Est rayonne sur le plan sportif, notamment en athlétisme, mais peine à s’imposer au curling aux JO d’hiver Reportage du Cameroun par ÉRIC VINCENT FOMO
Concentré sur son objectif, les genoux légèrement fléchis, un athlète s’élance et fait glisser une pierre sur la glace. Le « curl » est lancé. Deux autres athlètes, à l’aide de balais,frottent vigoureusement la glace à l’avancée du morceau de granit pour maintenir son cap,sans le toucher, de manière à ce qu’il s’arrête le plus près possible du centre de la « maison », nom donné à la cible sur la piste. Ce sport de précision, qui exige stratégie et concentration, est le curling.
À Nairobi, au Kenya, quelques athlètes observent lors de projections vidéo des parties de ce jeu pratiqué par des joueurs aguerris de Suède, de Grande-Bretagne, de Chine, des États-Unis ou bien du Japon. Ces projections sont suivies par des séances de jeu menées dans des lieux peu adaptés à la pratique de ce sport exigeant, et parfois avec du matériel à peine conforme. C’est ainsi que progressivement, le curling fait son chemin chez près d’un millier de Kényans.
Rien ne stoppe l’engouement de ces athlètes. Pas même l’absence de certains des équipements requis qu’ils adaptent à la pratique locale. Pour les chaussures équipées d’une semelle glissante pour le pied d’appui et d’une semelle antidérapante pour l’autre, ceux qui ne peuvent en acquérir chez les commerçants de seconde main les commandent en ligne pour certains ou les fabriquent eux-mêmes pour d’autres. Il en est de même pour la pierre qui habituellement est en granit et munie d’une poignée. Les tailleurs de pierre locaux sont sollicités, et s’attellent à donner une forme appropriée à des pierres extraites du granit ou différents matériaux locaux, en veillant à respecter la forme et le poids homologué qui est de 19,96 kg au maximum. Faute de glace, c’est généralement sur des tapis glissants, installés sur 45 mètres de long et cinq mètres de large au maximum, que se livrent les parties. Les balais peuvent être de plusieurs formes et tailles selon les préférences des joueurs. Les équipes sont ainsi outillées pour pratiquer le curling.
Un membre de l’équipe nationale de curling du Kenya pratique le sport lors d’une séance d’entraînement au stade de Kasarani, à Nairobi, le 10 novembre 2021. (COURTOISIE)
L’équipe nationale de curling du Kenya. (COURTOISIE)
Un défi à relever
L’absence de piste de glace, de motivation ou autres contraintes, ont longtemps été présentées comme des obstacles infranchissables à la pratique de cette discipline sportive en Afrique. Des barrières qui sont progressivement battues en brèche. Après le Nigeria en 2018, le Kenya est depuis l’année dernière, l’un des 67 membres de la Fédération mondiale de curling.La Fédération kényane de curling (KCF) a créé, dans la foulée, son équipe nationale. Son objectif premier,selon Lavender Oguta, présidente de ladite fédération,est de figurer parmi les dix équipes qui vont participer aux prochains Jeux olympiques. Ce projet qui n’avait pas pour ambition de se hâter et participer aux Jeux olympiques d’hiver de Beijing 2022, est actuellement sur la bonne voie. L’équipe kényane se prépare à gagner sa place aux Jeux olympiques d’hiver de 2026, qui auront lieu à Milan et Cortina, en Italie.
Ils espèrent ainsi suivre les traces du pionnier Philip Boit, skieur de fond et premier Kényan aux Jeux olympiques d’hiver de 1998, ainsi que la skieuse alpine Sabrina Simader, qui était présente en République de Corée en 2018. Ils croient dur comme fer en leurs chances dans ce pays où, au bout de l’adversité sportive, s’impose le triomphe. L’athlétisme a permis au Kenya de rayonner mondialement grâce notamment aux succès retentissants de ses vedettes : Eliud Kipchoge, Agnes Tirop, Ferdinand Omurwa, Kipchoge Keino, Geoffrey Kipsang Kamworor,Ezekizl Kemboi, Lornah Kiplagat, Wilson Kipketer, David Rudisha et bien d’autres encore, qui se sont distingués lors des compétitions d’athlétisme en glanant pour ce pays de multiples médailles d’or. D’autres sportifs veulent s’imposer et suivre les pas de ces légendes en devenant pionniers par la pratique du curling aux jeux d’hiver.
C’est à force de résilience et d’ingéniosité que ce pays équatorial de l’Afrique de l’Est bâtit progressivement sa réputation de « curleur ».
Des jeunes loups
Dans l’adversité, la KCF a eu recours à une levée de fonds participative afin de pouvoir s’entraîner à l’étranger en vue de préparer les prochains Championnats Pacifique-Asie de novembre. Deux membres de l’équipe ont pu se rendre aux États-Unis en janvier,pour un mois, et éprouver ce qu’est la pratique sur glace. C’est à Plainfield, dans le New Jersey, qu’ils se sont entraînés. En ligne de mire, les Jeux olympiques d’hiver de 2026 en Italie. C’est à force de résilience et d’ingéniosité que ce pays équatorial de l’Afrique de l’Est bâtit progressivement sa réputation de « curleur ».Face au manque de glace et à la fermeture, à cause de la COVID-19, de la patinoire qui est pourtant l’espace d’entraînement de curling le plus approprié du pays, c’est avec les moyens du bord que les membres de l’équipe nationale organisent leurs séances d’entraînement dans un gymnase de Nairobi. Les pierres de granit sont remplacées par des ersatz à roulettes.
Les joueurs de cette équipe sont majoritairement des reconversions d’autres disciplines sportives comme l’athlétisme, le football ou le rugby. Avant de se vouer au curling, au point d’en devenir la présidente de la KCF,Lavender Oguta, 33 ans, a longtemps pratiqué le rugby.Haggai Odhiambo Zuma, capitaine (appelé « skip »)de l’équipe nationale de curling du Kenya, a par le passé exercé comme gardien de but professionnel de football. Il a aussi pratiqué le rugby et d’autres disciplines sportives avant de se lancer dans l’apprentissage des sports d’hiver.
D’autres athlètes comme la quinquagénaire Anne Kariuki, se sont passionnés pour le curling. C’est ainsi qu’elle exerce moins ses professions de vendeuse et de chauffeur VTC pour pratiquer régulièrement le curling.La sélection nationale n’a pour l’heure disputé qu’une rencontre internationale. Un match amical, qu’ils ont disputé avec des palets à roulettes et remporté (7-5) face au Danemark, en octobre dernier, dans un gymnase de Nairobi. Ainsi, l’espoir grandit. CA