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Battre la cadence

2022-03-24parLIXIAOYU

中国与非洲(法文版) 2022年3期

par LI XIAOYU

Le djembé est un instrument de percussion emblématique de la musique traditionnelle africaine. S’il s’illustre aujourd’hui en Europe,aux États-Unis et au Japon grâce à de grandsdjembéfola(« joueurs de djembé », en langue malinké), qui y ont fondé des centres d’apprentissage, les mélomanes chinois sont encore très peu nombreux à bien connaître sa musicalité. Tian Yang,36 ans, constitue néanmoins une rare exception. Plus de dix ans après son premier contact avec l’instrument,il continue d’étoffer son savoir musical, mais aussi sa connaissance de la culture mandingue, d’où le djembé tire ses origines.

Le début d’une belle aventure

M. Tian est un mélomane depuis l’enfance. Au fil des années, il a développé un grand sens du rythme : sur le mur de son atelier, trônent les centaines de CDs qu’il a accumulés tout au long de sa vie. Mais c’est en 2007 qu’il entend pour la première fois les sonorités entêtantes et captivantes du djembé, en marge d’un concert de rock à Beijing. Fasciné par l’esthétique de l’instrument, par sa large gamme sonore et son timbre très riche, le jeune musicien s’y adonne alors sans réserve.

Il se lance dans de profondes recherches, et consulte toutes les vidéos qu’il peut trouver sur Internet pour s’imprégner des performances des percussionnistes professionnels au niveau international. Il constate ainsi que l’accompagnement au djembé est souvent similaire sur différents morceaux, mais que les solos sont très évolutifs, où l’artiste reprend des phrases traditionnelles comme base de son improvisation.« L’âme de la percussion réside dans les solos. C’est à travers cela que je trouve mes marques et que je peux laisser libre cours à mes émotions. Il s’agit d’une source inépuisable d’inspiration », explique un Tian Yang enjoué.

Style guinéen versus touche malienne

Le djembé vient d’Afrique de l’Ouest. Son histoire remonte à l’Empire mandingue, qui s’est formé au XIIIesiècle, et qui s’étendait de la Guinée au Mali, en passant par la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. La presque totalité des grandsdjembéfolacontemporains sont issus de Guinée et du Mali. Comme la plupart des amateurs,M. Tian s’est initié au djembé guinéen, qui jouit d’une renommée mondiale grâce aux célèbres Ballets africains. Devenus l’Ensemble national de la Guinée, en 1960, sous l’impulsion de l’ancien Président Ahmed Sékou Touré, ils étaient destinés à être une vitrine pour le régime. Tian Yang s’est donc nourri de la musique d’artistes guinéens mondialement connus, à l’instar de Mamady Keïta, Famoudou Konaté ou encore Bolokada Conde, qu’il a pu rencontrer au cours de leur tournée en Chine. « Je me suis beaucoup demandé pourquoi cet instrument que j’utilisais régulièrement pouvait émettre un son si différent de celui des maîtres »,évoque M. Tian. Aujourd’hui, toutefois, il connaît leur répertoire à la perfection, et prend plaisir à naviguer entre des morceaux commeBalakulandjan,Djole,Baga Gine, ou encoreSofa.

Au fur et à mesure de son évolution technique, le percussionniste chinois s’est progressivement tourné vers les influences maliennes, qu’il estime plus proches du contexte traditionnel du djembé. « Si le style guinéen donne l’impression d’être une avenue large et rectiligne,le style malien prend la forme d’un sentier sinueux aux paysages pittoresques », explique-t-il. Une approche qui répond à cette recherche de Tian Yang des racines du djembé, et qu’il a fini par intégrer, dix ans après sa première rencontre avec l’instrument.

Tian Yang s’est donc nourri de la musique d’artistes guinéens mondialement connus,à l’instar de Mamady Keïta, Famoudou Konaté ou encore Bolokada Conde, qu’il a pu rencontrer au cours de leur tournée en Chine.

Voyage initiatique

Tian Yang (aumilieu), lors de son séjour au Mali, fin2019. (COURTOISIE)

En 2019, à l’invitation de Moussa Traoré, un maître de djembé malien avec qui le jeune batteur était resté en contact suite à sa tournée chinoise un an plus tôt,M. Tian a passé 20 jours à Bamako. La capitale du Mali compte près de deux millions et demi d’habitants. Elle est au cœur d’un immense brassage culturel, composé de plusieurs ethnies, dont les Mandingues. La fin de la semaine est toujours un moment attendu pour de nombreuses familles qui se réunissent pour fêter ensemble les baptêmes, les circoncisions, les fiançailles,et, bien entendu, les mariages. Pour chacune de ces célébrations, le djembé est un incontournable. Il est également indissociable des danses dont les phrases du soliste marquent les pas.

Dès lors, plutôt que des leçons particulières, M. Traoré a intégré son apprenti chinois dans le quotidien des batteurs traditionnels, qui a pu assister et prendre part à ces cérémonies rituelles. Pour le maître, la leçon la plus précieuse ne peut s’apprendre qu’en s’immergeant au cœur même de la culture du djembé, sur le terrain. Et la méthode semble avoir fait ses preuves :deux ans après son retour, M. Tian se remémore son expérience avec la même émotion. Une expérience humaine profonde, au rythme des percussions. Des tableaux d’artistes maliens sont d’ailleurs accrochés sur le mur de son atelier, comme autant de témoignages de son attachement au pays, à son peuple et à sa culture.Grâce à ce fabuleux voyage aux sources du djembé, de la percussion et des sonorités africaines, Tian Yang acompris que chaque morceau avait une signification spécifique, un langage propre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle certains morceaux ne sont joués que lors d’occasions particulières, et c’est précisément cette mesure de l’art du djembé qu’il a pu appréhender en étant sur le terrain.

Je vais continuer à franchir ce pas supplémentaire,hors de ma zone de confort, à placer la barre de mes aspirations très haut, et à comprendre et intégrer la mentalité africaine lorsque je joue du djembé.

TIAN YANG Joueur de djembé chinois

Plus qu’une passion, un art de vivre

La percussion est si importante pour Tian Yang qu’il a fini par en faire son métier. En 2009, il a ainsi fondé le premier club de djembé à Beijing, qu’il dirige encore aujourd’hui, pour rassembler tous les amateurs au sein d’une communauté.

C’était, du moins, l’ambition de départ. Plus de dix ans après sa création, le club n’a pas pris l’importance qu’il aurait souhaitée à l’origine, avec une petite trentaine d’élèves seulement. La plupart des apprentis finissent par se décourager lorsqu’ils atteignent un certain palier de difficulté, ce que M. Tian déplore. « C’est en forgeant qu’on devient forgeron ! Certes, il est difficile de trouver les mêmes scènes pour pratiquer en dehors de l’Afrique, mais c’est en écoutant et en imitant que l’on peut progresser. C’est exactement le même principe que l’apprentissage d’une langue étrangère », précise-t-il.

Même s’il s’est fait une raison concernant le développement de son club, cela ne l’empêche pas de vouloir perfectionner encore sa technique. Il projette donc de retourner au Mali dès que les restrictions sanitaires seront levées. « Je vais continuer à franchir ce pas supplémentaire, hors de ma zone de confort, à placer la barre de mes aspirations très haut, et à comprendre et intégrer la mentalité africaine lorsque je joue du djembé », conclut-il. CA

La cheville ouvrière du djembé malien

Moussa Traoré est né et a grandi au Mali, où il joue du djembé depuis plus de 30 ans. Musicien accompli,il joue pour le théâtre, dans les cérémonies traditionnelles, et se produit aussi sur la scène pop malienne. Il est considéré comme l’un des meilleursdjembéfoladu pays. Après s’être installé aux États-Unis,il a continué à se distinguer en transmettant son savoir et en continuant son métier d’artiste. Internationalement reconnu, il enseigne actuellement à l’Université Brown,dans l’État de Rhode Island, et propose des cours communautaires hebdomadaires. Il organise des ateliers annuels au Mali pour les amateurs du monde entier. Il a produit trois albums de djembé dans sa carrière :Mali Kan,Mali Foli, etDakan.