Faire le choix de la santé
2018-05-11parGitongaNjeru
par Gitonga Njeru
Les médecins chinois aideront à combler le déficit de personnel qualifié dans le secteur de la santé du Kenya
Jane Nekesa, 41 ans, est mariée depuis onze ans. Malgré plusieurs tentatives, elle et son mari n’ont toujours pas d’enfants. Jane a fait quatre faussescouches et deux de ces enfants sont mort-nés. Selon elle, le mauvais état du secteur de la santé kényan est le grand responsable de sa situation malheureuse.
« Mes deux premières grossesses se sont soldées par des faussescouches qui auraient pu être évitées si j’avais eu accès à des médecins plus expérimentés », dit-elle à CHINAFRIQUE. Elle reste hantée par les nombreux cas de soins médicaux médiocres et la négligence du personnel médical kényan.
Par contre, elle se félicite de l’annonce faite récemment par le gouvernement kényan : 200 médecins chinois seront engagés pour répondre aux défis du secteur de la santé de son pays. Pour Jane, qui rêve toujours d’avoir un enfant, c’est une excellente nouvelle.
La décision du gouvernement a été motivée par l’augmentation des cas de décès causés par des fautes professionnelles chez les médecins, selon elle. Le nombre croissant de membres du personnel médical non formés travaillant sans être certification est également attribué à la pénurie de médecins spécialisés.
Les défis du secteur de santé
Chaque année, environ 4,2 millions de fausses-couches ont lieu en Afrique, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Une femme kényane sur quatre sou ff rira d’au moins une fausse-couche au cours de sa vie, selon les estimations de l’OMS.
Lors d’un atelier organisé par l’OMS à Nairobi pour commémorer la Journée mondiale de la santé, Cecily Kariuki, la secrétaire du Cabinet kényan pour la santé, a confirmé que le gouvernement prend des mesures radicales pour réformer le secteur de la santé. « Nous prévoyons d’embaucher 200 médecins chinois qui travailleront dès mai,dit-elle. En outre, 4 800 médecins seront recrutés sur une période de cinq ans. 81 % des décès annuels qui surviennent chaque année au Kenya sont évitables et sont dus à des cas de négligence médicale. »
Parmi les cas de négligence médicale les plus médiatisés, on peut citer une chirurgie cérébrale pratiquée sur le mauvais patient.Cela s’est passé à l’hôpital national Kenyatta, qui est le plus grand hôpital de référence du pays. L’hôpital a été reconnu coupable et ordonné par l’Union kényane des praticiens médicaux, pharmaciens et dentistes (KMPPDU) de négocier un règlement extrajudiciaire pour indemniser la victime et sa famille.
Mme Kariuki a indiqué que chacun des 47 comtés du Kenya accueillera plus de 100 médecins chinois au cours de cette période de cinq ans. La nouvelle initiative du gouvernement comprend également l’embauche de 94 médecins cubains.
La pénurie de médecins qui frappe le pays est particulièrement grave considérant que l’OMS recommande un médecin pour 1 000 habitants, alors que le Kenya ne dispose que d’un seul médecin pour 17 000 habitants.
Redresser la balance
Mme Kariuki a déclaré que le Kenya et la Chine sont sur le point de signer un accord bilatéral sur la santé. Cet accord augmentera le nombre d’étudiants kényans en médecine dans les universités chinoises chaque année. Il encouragera également les programmes d’échange entre les deux pays. La Chine construira également une école de médecine ultramoderne au Kenya dans le cadre de l’accord.
Alors que des gens comme Jane et le grand public ont accueilli favorablement l’embauche de médecins chinois, une certaine opposition s’est déclarée dans les associations médicales.
« Ce projet développe l’économie d’un autre pays, car nous disposons déjà de 3 000 médecins qui sont au chômage au Kenya et la plupart d’entre eux sortent directement de l’école de médecine », explique Dr Ouma Oluga,secrétaire général de la KMPPDU.
4,2millions
de faussescouches se produisent en Afrique chaque année,selon l’OMS
81%
des décès au Kenya sont évitables ou dus à une négligence médicale
1
docteur est disponible pour 17 000 habitants au Kenya
5 000
docteurs seront employés au cours des cinq prochaines années
Dr Oluga soutient qu’il n’est pas logique d’embaucher de la maind’œuvre étrangère alors qu’il y a suffisamment de capital humain dans le pays. « Nous avons besoin d’améliorer la qualité de la formation dans notre école de médecine », a-t-il dit. Mais Daniel Yumbya, qui dirige le KMPPDU, l’agence gouvernementale qui régit la conduite des médecins,est en désaccord avec Oluga. « Premièrement, la formation dans les écoles de médecine du Kenya est de mauvaise qualité. C’est pourquoi il y a beaucoup de médecins sans emploi. Nous sommes très préoccupés par les cas élevés de négligence dans nos installations médicales », dit-il.
« La plupart des cas de négligence médicale ne sont pas signalés, il est donc difficile pour moi de vous donner des chi ff res réels. Ceux que nous savons ne sont qu’une petite partie. Mais la plupart des incidents impliquent des mères qui accouchent », dit Yumbya.
Yumbya se félicite de l’initiative du gouvernement. Il dit que cette décision réduira les cas de négligence qui causent des décès et des maladies évitables. « La Chine est réputée comme ayant les meilleurs professionnels au monde. Donc,cette décision aurait dû être prise depuis longtemps », dit-il.
Selon de nombreux rapports, de nombreuses maladies peuvent être guéries avec un accès adéquat à de bons soins médicaux.
« Plus nous avons de médecins compétents, plus les coûts seront moindres pour le gouvernement en matière de soins de santé. Cela améliorera également l’économie,car les gens seront en meilleure santé et plus productifs », dit Njoroge Njuguna, 23 ans, qui étudie l’économie à l’Université de Nairobi.
Le gouvernement espère également que les grèves des professionnels de la santé seront chose du passé en raison de la décision d’embaucher des médecins chinois.Les hôpitaux kényans ont été paralysés en décembre 2017, alors que 5 000 médecins sont sortis dans la rue pour protester contre les mauvaises conditions de travail et le sous-financement et exiger l’embauche de milliers de nouveaux médecins.