Le Kenya déclare la guerre à la pollution blanche
2017-11-15LeKenyavientdelancerunegrandecampagnecontrelesemballagesplastiquesritableflaupourenvironnementchelledupaysetducontinentparLiXiaoyu
Le Kenya vient de lancer une grande campagne contre les emballages plastiques,véritable fléau pour l’environnement à l’échelle du pays et du continent par Li Xiaoyu
Le Kenya déclare la guerre à la pollution blanche
Le Kenya vient de lancer une grande campagne contre les emballages plastiques,véritable fléau pour l’environnement à l’échelle du pays et du continent par Li Xiaoyu
JOHN Onyango vit à Nairobi, capitale kényane.Lorsque nous le rencontrons, le mécanicien de 61 ans sort tout juste d’un supermarché du centre-ville, avec des fruits à la main emballés dans un sac en tissu recyclable. Il y a à peine deux mois, les produits achetés dans le même magasin étaient encore emballés dans du plastique.
Mais avec l’entrée en vigueur de la loi du 28 août 2017, l’utilisation, la fabrication et l’importation de sacs plastiques sont désormais interdites. L’interdiction vise principalement les sacs distribués par les commerçants, mais ne concerne ni les produits emballés, ni les sacs poubelles. Ce faisant, le Kenya a suivi l’exemple de plusieurs pays africains, qui avaient précédemment interdit ou limité l’utilisation des sacs plastiques en raison des conséquences écologiques désastreuses. Et la mesure est drastique : les contrevenants s’exposent à des amendes pouvant s’élever jusqu’à 38 000 dollars et une peine de prison de 4 ans maximum.
prise de conscience verte
Ce n’est pas la première fois que le Kenya tente d’interdire les sacs plastiques. En dix ans, le pays a par trois fois échoué à implémenter la mesure. Toutefois, grâce à des campagnes d’information massives et à une prise de conscience du public, la loi bénéficie, cette fois, du soutien de la population.
Le problème du plastique est en effet devenu un enjeu de santé publique. Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), les supermarchés kényans distribuent jusqu’à 100 millions de sacs plastiques par an, dont la moitié se retrouve dans la nature en raison du manque d’infrastructures de gestion des déchets. En 2016, les équipes du Parc national Nakuru ont collecté 24 tonnes de déchets plastiques dans son lac, laissant présager une crise sanitaire et écologique grave. La ministre kényane de l’Environnement, Judi Wakhungu, a ainsi rappelé que cette mesure avait pour but de lutter contre la pollution, mais aussi de protéger la santé des habitants.
Par ailleurs, la lutte contre la « pollution blanche »constitue également un enjeu global. En effet, 8 millions de tonnes de plastique se retrouvent chaque année dans les mers. Le PNUE estime qu’au rythme actuel, il y aura plus de déchets plastiques que de poissons dans les océans d’ici 2050, avec des conséquences irréparables pour l’écosystème marin. « ll faut plus de 50 ans pour qu’un sac plastique se dégrade. lls représentent un danger majeur pour la faune. De nombreux herbivores meurent après avoir ingéré du plastique en buvant l’eau des rivières ou des lacs », analyse Geoffrey Wahungu, directeur général de l’Agence kényane de gestion de l’environnement (NEMA).
Sur les traces du Rwanda, le Kenya devient le plus récent pays africain à avoir interdit les sacs en plastique.
Les défis qui restent à relever
Le PNUE, par la voix de son directeur Erik Solheim, a estimé que le Kenya venait de franchir une « étape gigantesque ». Toutefois, l’interdiction n’est pas du goût de tous.Trois jours avant l’entrée en vigueur de la loi, la Haute Cour de justice kényane a rejeté une plainte des importateurs de sacs plastiques, qui arguaient d’une importante perte d’emplois. Selon l’Association des fabricants du Kenya(KAM), on compte aujourd’hui plus de 176 entreprises de fabrication de plastique, qui embauchent directement 2,89 % de la population active kényane.
Mais l’introduction des alternatives écologiques,elle, semble avoir changé la donne. Sur les marchés, les sacs fabriqués à base de fibres de banane ou de bambou sont désormais disponibles pour un prix compris entre 0,5 et 3 dollars selon la taille et l’emplacement du marché. De plus, avec un nombre croissant d’options mises à la disposition des clients,les prix de ces sacs biologiques chutent peu à peu. Un soulagement pour les consommateurs comme John Onyango : « J’étais un peu préoccupé à l’annonce de cette loi, mais l’initiative du gouvernement est bonne.Et tant qu’il y a des alternatives, cela me convient. »Mais les entrepreneurs, eux aussi, peuvent en tirer profit. « Certaines entreprises locales n’hésitent pas à se convertir à la fabrication des emballages biodégradables et voient l’interdiction d’un bon œil. Pour le moment, il n’y a pas beaucoup de concurrents et cela représente une excellente opportunité », développe le directeur général de la NEMA. Pourtant, celui-ci admet également qu’il reste à mener des études de faisabilité sur d’autres alternatives et que cela pourrait prendre du temps. « En d’autres termes, il nous faut encore réfléchir à d’autres initiatives pilotes. Éliminer plus de 100 millions de sacs plastiques par an est loin d’être une tâche aisée. »
Rwanda, l’exemple à suivre
En adoptant la loi, le Kenya s’est joint à une quinzaine de pays africains qui ont interdit ou limité l’utilisation des sacs plastiques, dont le Rwanda, l’un des pionniers sur le continent, mais aussi dans le monde. Dès 2004, le pays a interdit l’utilisation du plastique comme emballage dans les magasins, et des allègements fiscaux ont été lancés pour encourager les fabricants à recycler. Quatre ans plus tard, le pays a imposé une interdiction totale sur les sacs en polythène non-biodégradables. Cela a valu à Kigali, la capitale, le titre ONU-Habitat de « Meilleure capitale africaine » en 2008. Et aujourd’hui, le pays est l’un des États les plus propres d’Afrique.
Son succès s’explique dans une certaine mesure par ses politiques qui incluent une sensibilisation inclusive.Au Rwanda, « chaque citoyen a droit à un environnement sain et satisfaisant », mais doit aussi assumer la responsabilité de « (le) protéger, (le) sauvegarder et (le)promouvoir ».
Si les règles semblent drastiques, elles sont, de toute évidence, efficaces. Aux points de passage frontaliers, les agents de l’Agence rwandaise de gestion de l’environnement (REMA) inspectent les bagages de tous les voyageurs arrivant dans le pays, et confisquent tous les sacs plastiques. À l’aéroport international de Kigali, une gigantesque pancarte annonce que « l’utilisation de sacs en polythène non-biodégradables est prohibée ». Et cela n’échappe à aucun visiteur...
À l’initiative du Rwanda, le parlement de la Communauté d’Afrique de l’Est a adopté en juin dernier une législation comparable, que les chefs d’État doivent encore ratifier. La mise en œuvre de la loi au Kenya donnerait enfin une nouvelle impulsion à leurs efforts de débarrasser finalement la région des sacs plastiques. CA
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