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Vive les vacances !— Que font les Chinois en été ?

2017-08-11ZHENGRUOLIN

今日中国·法文版 2017年8期

ZHENG RUOLIN*

Vive les vacances !— Que font les Chinois en été ?

ZHENG RUOLIN*

En France, lorsque l’été approche, les Français n’ont qu’un mot à la bouche : les vacances !

Lorsque je vivais et travaillais en France, j’ai découvert que le week-end du 14 juillet (jour de la Fête nationale), est toujours « rouge » voire « noir ». Ces couleurs servent à indiquer les conditions de circulation sur les autoroutes : le vert signi fi e que la circulation est fl uide, tandis que l’orange indique que le tra fi c est dense et le rouge qu’il y a des embouteillages. Quant au noir, on devine facilement ! Les gens af fl uent vers les plages de la Méditerranée, dans le sud de la France, pour prendre le soleil, autrement dit « trouver un peu de chaleur ». C’est probablement en raison du besoin de leur constitution physique que les Français recherchent le soleil à tout prix en été. En hiver, il n’y a pas assez de soleil à Paris, ce qui entraîne une augmentation du nombre de personnes dépressives. Des enquêtes menées dans les pays nordiques ont montré que les habitants de régions insuffi samment ensoleillées ont une plus forte tendance à la dépression mentale.

120millions

En 2016, plus de 120 millions de Chinois ont voyagé à l’étranger.

En entendant cela, mes compatriotes chinois restent dubitatifs. En effet, en Chine, la norme est plutôt de « rechercher la fraîcheur » en été. Dans la ville de Chengde (Hebei), à 230 km au nord-est de Beijing, il y a un célèbre site touristique qui s’appelle Bishu Shanzhuang (la Résidence impériale d’été), littéralement : la résidence pour échapper à la chaleur. Pendant la dynastie des Qing (1644-1911), les empereurs y résidaient chaque année à la période estivale. À l’heure actuelle, en été, le site touristique de Beidaihe (Hebei), où la température moyenne est de 5 ou 6℃ inférieure à celle de Beijing, est très prisée par les pékinois, y compris par les dirigeants d’État. En hiver, les habitants du nord aiment passer leurs vacances dans le sud du pays, comme les empereurs dans l’antiquité. On dit que Qianlong, quatrième empereur de la dynastie des Qing, a fait six tournées d’inspection dans le sud, et chacune des tournées fut effectuée du mois de janvier au début de l’été. Aujourd’hui, la plupart des nouveaux propriétaires d’appartements à Hainan (île tropicale au sud de la Chine) viennent du nord, surtout du Heilongjiang, du Jilin et du Liaoning, trois provinces situées presque sur la même latitude que Paris.

Auparavant, les Chinois n’attachaient pas vraiment d’importance aux vacances. À l’heure actuelle, il y a 115 jours de congé en Chine (104 jours de weekends, ainsi que 11 jours de fêtes telles que le Nouvel An, la fête du Printemps et la Fête nationale). En plus de cela, les employés disposent de 5 à 15 jours de congés en fonction de leur ancienneté. Pour écrire cet article, j’ai mené une petite enquête auprès des gens qui m’entourent et les résultats m’ont quelque peu surpris : l’attitude des Chinois en ce qui concerne les vacances a connu une véritable évolution.

Aujourd’hui, l’idée que la jeune génération chinoise se fait des vacances se rapproche de plus en plus de celle des jeunes occidentaux. Bien entendu, lorsque l’on parle de « jeune génération », on n’évoque pas exactement la même chose d’un pays à l’autre: en France, il s’agit des jeunes qui ont en moyenne 25 ans, tandis qu’en Chine, la « jeune génération » inclut des personnes de 18 à 35 voire 40 ans.

La première personne que j’ai interviewée est M. Liu, un Chinois de 32 ans, qui est directeur technique dans une société informatique à Zhongguancun (pôle de hautes technologies de Beijing). Quand je lui demande ce qu’il a prévu pour ses prochaines vacances, il répond en haussant les sourcils : « Aller à l’étranger bien sûr ! » Et il est vrai que de plus en plus de jeunes Chinois sont attirés par des vacances à l’étranger. En 2016, plus de 120 millions de Chinois ont voyagé à l’étranger, dont plus de la moitié avaient moins de 40 ans.

Un client règle via Alipay à l’étranger.

En Chine, beaucoup de jeunes ont un salaire élevé, ce qui n’est pas le cas en France. Je me souviens que dans les grands restaurants en France, la plupart des clients étaient des personnes âgées, les jeunes Français n’ayant souvent pas les moyens. À l’inverse, en Chine, beaucoup de jeunes gagnent plus d’argent queleurs parents. C’est une conséquence des mesures adoptées dans les années 1980 dans le cadre de la réforme et l’ouverture. Leurs parents sont fonctionnaires ou ouvriers. Ils touchent un salaire modeste, mais ont pu acheter un appartement à un prix très bas grâce à l’État. En outre, ils béné fi cient de l’assurance maladie, ainsi que d’une pension de retraite satisfaisante, qui représente 70 à 80 % de leur salaire. Actuellement en Chine, l’âge de la retraite tourne autour de 55 ans pour les femmes, et de 60 ans pour les hommes. Les jeunes, quant à eux, ont la chance de pouvoir choisir parmi différents types d’entreprises dès le début de leur carrière professionnelle : entreprises étrangères, entreprises privées ou encore bureaux du gouvernement. Bien qu’ils travaillent dans des établissements fortunés, ils n’ont pas la chance de pouvoir acheter un bien immobilier à bas prix. En comparaison avec leurs parents qui mènent une vie simple et détendue et qui peuvent épargner, les jeunes sont très actifs, souvent débordés et leur consommation est plus importante. Ce n’est donc pas un hasard si en Chine ce sont surtout les jeunes qui fréquentent les restaurants hauts de gamme.

Tout comme M. Liu, beaucoup de jeunes Chinois préfèrent voyager à l’étranger pendant l’été. Lors de leur séjour à l’étranger, trois choses leur semblent particulièrement importantes : premièrement, goûter les plats locaux (malgré les prix très élevés) ; deuxièmement, faire l’expérience des coutumes locales les plus répandues (par exemple assister à une corrida en Espagne, admirer des champs de lavande dans le sud de la France et faire de la plongée à Hawaii) ; troisièmement, faire des achats (mais contrairement à leurs parents qui apprécient les articles de marques célèbres, ils préfèrent des produits qui feront un bon souvenir comme un T-shirt aux couleurs locales, un magnet représentant un site inoubliable à leurs yeux ou un produit high-tech qu’on ne trouve pas encore en Chine). Par ailleurs, les jeunes prêtent plutôt attention aux hôtels particuliers. Loin de se limiter à la découverte de la gastronomie, ils visitent également les musées, assistent à des événements artistiques, et aiment fl âner sur les grandes avenues comme dans les petites ruelles.

Le 6 juillet 2017, deux jeunes prennent la pose au Parc Disneyland à Shanghai.

70-80 %

Les Chinois béné fi cient d’une pension de retraite qui représente 70 à 80 % de leur salaire. Actuellement en Chine, l’âge de la retraite tourne autour de 55 ans pour les femmes, et de 60 ans pour les hommes.

Les jeunes Chinois ne sont pas des adeptes du tourisme en groupe, très à la mode à l’époque de leurs parents : un guide touristique, armé de son petit drapeau, récite sans discontinuer tout ce qu’il sait des mœurs et des coutumes locales, suivi par une longue fi le de touristes bruyants qui ne font que prendre des photos… Les jeunes préfèrent voyager entre amis. Ils sont attirés par les pays pour lesquels ils sont exemptés de visa, ou pour ceux dont le visa est relativement facile et rapide à obtenir. Pour le moment, on compte plus de 50 pays et régions où les touristes chinois peuvent voyager sans visa ou obtenir un visa à l’arrivée. M. Liu a déjà obtenu un visa touristique de 10 ans aux États-Unis, donc il peut y aller à tout moment s’il a des congés. L’Europe, quant à elle, n’est pas aussi ouverte aux Chinois. L’obtention du visa pour les pays européens est beaucoup plus dif fi cile que pour le Japon ou les États-Unis, ce qui n’est pas favorable au tourisme européen. Mais heureusement, le visa Schengen couvre de nombreux pays.

Cette année, M. Liu a choisi le continent africain pour ses prochaines vacances. Il voudrait se faire une idée des perspectives qu’offre l’Afrique et évaluer la possibilité d’y installer son entreprise. Quand je lui demande s’il a des dif fi cultés linguistiques, il répond qu’il possède un traducteur de poche fabriqué par la société iFlytek, qui peut traduire rapidement et assez précisément le chinois en plusieurs dizaines de langues. Et vice versa.

M. Liu s’est également renseigné sur les possibilités de paiement à l’étranger : Alipay est accepté dans certaines régions, telles que New York et la Californie. C’est particulièrement important aux yeux des touristes chinois car le paiement mobile est devenu le moyen de paiement le plus répandu parmi les jeunes Chinois. Dans ce domaine, l’Europe est un peu à la traîne. En France, par exemple, peu de magasins, hormis les Galeries Lafayette, ont adhéré à la plateforme d’Alipay.

De nombreux jeunes Chinois sont prêts à partir en voyage, et dans une certaine mesure, ils sont de véritables « porte-monnaie mobiles ». Reste donc une question : les pays européens, et en particulier la France, qui selon moi est un véritable paradis pour les touristes, sont-ils prêts à les accueillir ?

*ZHENG RUOLIN est un ancien correspondant à Paris du quotidienWen Hui Baode Shanghai et l’auteur du livreLes Chinois sont des hommes comme les autresaux Éditions Denoël.