S’attendre à l’inattendu
2017-03-08LesentrepriseschinoisescriventlequereprsenteuneactivitenAfriqueparChenRan
Les entreprises chinoises décrivent le déf i que représente une activité en Afrique par Chen Ran
S’attendre à l’inattendu
Les entreprises chinoises décrivent le déf i que représente une activité en Afrique par Chen Ran
Une Tanzanienne confectionne des pantalons à l’usine vestimentaire Tooku de Dar es Salam. Cette entreprise emploie 1 800 ouvriers locaux dont 60 % sont des femmes.
DANS la section spacieuse, lumineuse etlégèrement bruyante de la section couture de la
Tanzania Tooku Garments, Shraban Kitwana travaille avec rapidité à son bureau, décrochant rapidement deux pièces d’un pantalon d’une machine de distribution et les reliant en tout juste dix secondes sur sa machine à coudre.
Ce jeune homme de 21 ans est l’un des rares employés masculins de la section couture de l’entreprise. ll y travaille depuis deux ans : « J’aime ce travail, explique-t-il en souriant. Et être un homme n’est pas un problème du tout. »
Développer les talents
Établie en juillet 2012 par J.D. United Manufacturing, un fournisseur mondial de vêtements et de linge de maison basé à Changzhou dans la province du Jiangsu, cette entreprise textile se situe au sein de la zone économique spéciale Benjamin William Mkapa à Dar-es-Salaam. Avec un investissement de 16 millions de dollars, elle couvre 33 000 m2et comporte des zones de couture, de lessive et d’emballage.
« Notre compétence fondamentale réside dans des prix plus bas, une meilleure qualité et de meilleurs délais de livraison [par rapport à nos concurrents], explique William Tai, le directeur général de l’entreprise. Nous n’aurions pas pu accomplir autant sans un personnel aussi diligent. »
Tanzania Tooku emploie 1 800 locaux, dont 60 % sont des femmes. L’entreprise possède un plan de développement ambitieux : ouvrir trois ou quatre entreprises par an à travers la Tanzanie au cours des cinq prochaines années. Cela signif i e que les travail-leurs qualif i és tanzaniens seront fortement demandés.
Un programme de formation à plusieurs niveaux a été mis en place pour faire face à ce problème, dans lequel Zheng Hongjuan, superviseur de la ligne de couture, joue un rôle vital.
À 44 ans, Zheng Hongjuan travaillait précédemment dans la branche cambodgienne de J.D. United. Elle est arrivée en Tanzanie il y a deux ans. Dans la section couture, chaque ligne choisit cinq « travailleurs noyaux » sur 90, sur la base d’une évaluation effectuée au cours de la formation initiale d’une semaine.
« J’aime travailler avec les employés locaux car ils apprennent rapidement », explique Zheng Hongjuan en inspectant la ligne de production. « Poa sana! [Très bien !) » dit-elle en swahili à une employé en levant le pouce. En dehors de la formation des employés, William Tai explique que l’entreprise prévoit employer plus de personnel local en gestion pour les niveaux intermédiaires.
Paul Bakanga, le directeur des ressources humaines, fait partie des trente gestionnaires locaux. « J’apprécie l’éthique de travail des Chinois. lls respectent toujours les délais et prennent leurs décisions rapidement », explique l’homme de 33 ans.
Des leçons à garder en mémoire
Tony Sun, le directeur administratif du groupe Sunshine, partage le souci de William Tai concernant la formation et avertit : « Aucune entreprise n’aura de succès sans éducation ni formation professionnelle de base dans sa phase préparatoire ».
Ce diplômé en commerce international s’est implanté en Tanzanie après avoir passé de nombreuses années en Amérique du Sud, à l’heure où la Tanzanie commençait à bénéf i cier d’un environnement plus stable et favorable au développement de l’économie réelle. Le groupe Sunshine a débuté par l’extraction de minerai. ll possède aujourd’hui une myriade d’activités impliquant l’énergie, l’agriculture, la fi nance, la construction, la transformation, la production, ainsi que le tourisme et la restauration. L’investissement total dépasse les 100 millions de dollars et le groupe emploie près de 1 700 travailleurs locaux.
ll y a deux ans, Ramadhan Amir, 31 ans, est passé du marketing dans les médias traditionnels à commerciale d’administration chez Sunshine lndustrial. Grâce à son MBA, il trouve une énergie positive et plus d’eff i cacité dans sa routine quotidienne : « Ce que je préfère dans mon travail ici, c’est que je peux développer ma carrière, tout en découvrant la Chine. »
Les employés qualif i és locaux comme Ramadhan Amir constituent les fondations pour le futur de l’entreprise, qui envisage son activité des 15 à 20 prochaines années. Pour Tony Sun, la priorité fondamentale consiste à éliminer les différends culturels : « J’ai vu de nombreux cas d’échec parmi mes compatriotes, qui ne pouvaient pas faire face aux différences culturelles de façon appropriée. Une expérience précédente en gestion ou dans les opérations en Chine peut ne pas être applicable ici sans ajustement. Ce que nous avons fait, c’est renforcer la compréhension et le respect mutuels », explique-t-il.
Une autre cause d’échec de nombreux investisseurs chinois en Afrique est un optimisme excessif vis-à-vis du marché africain. L’investissement dans l’économie réelle possède de meilleures perspectives que dans le commerce, mais le premier nécessite une analyse plus profonde du marché et une réelle orientation. Tout investisseur étranger potentiel venant s’installer en Afrique doit également garder à l’esprit, qu’il manque parfois ici une chaîne industrielle bien organisée.
Leo Li, le PDG de Sunshine lndustrial, se souvient des diff i cultés lors du lancement de la ligne de production d’huile de tournesol. Les quelque 40 000 m2d’usine de production à Dodoma, la capitale de la Tanzanie, a débuté ses opérations en juin 2015 : « Nous avons récolté des graines de grande qualité directement au niveau local, mais il y eut une diff i culté inattendue. Lors de la récolte, les agriculteurs n’avaient pas suff i samment d’espace d’entreposage. La seule option pour nous fut de construire un entrepôt immédiatement. »
Après un an et demi d’opération, Léo Li est content de voir son produit, la Sunbelt oil, prendre 65 % du marché de l’huile de tournesol.
« Nous avons appris de nos expériences passées. Nous avons dû en payer le prix, mais cette connaissance est précieuse. Pour les investisseurs, notamment les petites et moyennes entreprises, il n’y a pas de garantie de réussite lorsque vous vous lancez en Afrique. Mais se préparer physiquement et mentalement peut aider », explique Léo Li. CA
(Reportage de Dar-es-Salaam, Tanzanie)
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