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Le bambou de l’espoir

2016-12-01AggreyMutambo

中国与非洲(法文版) 2016年11期

Le bambou de l’espoir

Au Kenya, le bambou permet de créer des richesses et de travailler à la reforestation par Aggrey Mutambo

Le paysage du district de Vihiga dans l’ouest du Kenya n’offre que de faibles espoirs. Les gens vaquent à leurs activités et labourent leurs petits lopins de terre pour récolter du thé, des bananes et parfois du maïs. Ils vivent ainsi, comme ils l’ont toujours fait, sans grand changement. Victor Shiribwa a voulu néanmoins changer la donne en se lançant dans la culture du bambou.

Le bambou revêt une importance économique énorme. Ce n’est pas seulement parce qu’il est respectueux de l’environnement, mais aussi parce qu’il est comparativement plus solide que le bois, comme l’eucalyptus par exemple.

Prof. Catherine Wangari, Université Jomo Kenyatta d’agriculture et des technologies de Nairobi

La tentation du bambou

Shiribwa n’a pas toujours été fermier à Vihiga. Avec son épouse Flora, ils étaient cols blancs de Nairobi, à 400 km à l’est. Sur un coup de tête, ils ont pris la décision de tout quitter pour cultiver du bambou. À Vihiga, personne ne pouvait comprendre leur intérêt soudain pour cette plante qui pousse naturellement au Kenya. Shiribwa ne pensait pas initialement pouvoir en faire une activité commerciale. C’était juste de la curiosité. « Quand je me suis installé ici, beaucoup pensaient que mon lopin ne servait à rien parce qu’il se situait sur une colline et était peu fertile, déclare-t-il à CHINAFRIQUE. Nous avons planté des eucalyptus [pour la reforestation] avant de réaliser que le lopin devenait plus sec. Nous les avons remplacés par du bambou. Les avantages ont été immédiats. Les bambous poussent plus vite et ne prennent pas trop d’eau du sol. »

Le projet est devenu une affaire profitable à plein temps. C’était cependant un coup de quitte ou double. D’abord, Shiribwa tentait quelque chose qui n’avait jamais été fait à Vihiga et ensuite, il a investi toutes ses économies dans quelque chose qu’il ne connaissait pas bien. « Je me suis informé sur internet. J’ai vu comment la plante avait été utile dans certains pays, comme la Chine et d’autres dans la région, et j’ai pensé que je pouvais essayer ici. »

Les avantages du bambou

Après des débuts difficiles, la ferme de Shiribwa participe maintenant à des projets dans le bassin hydrographique de Cherangany. En 2013, il s’est engagé dans un projet visant à cultiver 200 000 plants pour combler les lacunes dans ces zones forestières. À parfois 3 dollars le plant, le bambou s’est transformé en or pour ce fermier qui a créé des emplois tant espérés localement.

Les autorités de Shiribwa ont pris note de son initiative et l’ont soutenu pour qu’il aille en Chine afin d’en apprendre davantage. Il a visité la Pépinière du bambou du Yunnan, dans cette province du sud-ouest, pour y découvrir d’autres utilisations, dans l’alimentation notamment, mais de façon plus importante, il a aussi appris qu’on pouvait s’en servir pour le transformer. Les chiffres du Réseau international du bambou et du rotin (RIBR) montrent que le secteur du bambou en Chine emploie près de 8 millions de personnes, un chiffre qui devrait atteindre 10 millions en 2020. « J’ai appris qu’il était financièrement judicieux de créer de la valeur ajoutée avec le bambou, explique-t-il à CHINAFRIQUE. On peut tout utiliser, de la racine aux pousses. Chaque partie est importante. » Shiribwa précise que son investissement initial a été alloué pour tenter d’améliorer l’utilisation du bambou. « Mais nous n’y sommes pas encore. Nous avons encore besoin de soutien pour nous développer. »

Il s’est rendu compte que le séchage et le traitement contre les ravageurs du bambou était excellent pour les clôtures et que le bois pouvait être utile pour la décoration. Un kit de décoration pour les portes peut atteindre 30 dollars et un rayonnage pour vêtements 20 dollars. Ses ouvriers produisent aussi des plaquettes de porte-balai, des cuillères, des planches à pain et même des cadres pour photos, tout en bambou. La ferme fabrique par ailleurs des produits d’artisanat raffinés comme des chaises, des tables et des meubles pour le secteur de l’hôtellerie-restauration. D’après le programme des Nations unies pour l’environnement (Unep), cette plante versatile peut avoir 2 000 usages différents.

Najib Balala, secrétaire au Tourisme du Kenya, estime qu’il manque près de 10 000 lits d’hôtel dans le pays. « Dans nos hôtels et nos maisons d’hôtes, nous importons principalement le matériel, notamment les meubles. Si nous pouvons créer ces articles avec des matériaux locaux à un coût plus bas, cela permettrad’accroître notre capacité d’accueil », explique-t-il à CHINAFRIQUE. Il pense que le gouvernement peut encourager davantage d’investissements si les matériaux sont disponibles, comme le bambou, pour les fabriquer.

Des produits fabriqués avec du bambou dans la ferme de Victor Shiribwa.

L’impact sur l’environnement

Le bambou peut aussi jouer un rôle dans la reforestation. Le Service des forêts du Kenya (SFK), qui gère la protection forestière, explique que moins du 10 % du territoire en sont recouverts. Avec le bambou, explique Patrick Kariuki, un responsable du SFK, la couverture forestière pourra s’accroître plus rapidement. « Il y a des bénéfices à réaliser en préparant les plants de bambou ou juste en attendant leur maturité pour faire des articles en bois de bambou », précise-t-il. Il ajoute que leur croissance rapide signifie que les fermiers peuvent obtenir un rendement plus rapide que l’eucalyptus, par exemple. « Tout ce que je peux dire, c’est que le potentiel est énorme et qu’il n’a seulement pas été exploité. » Le SFK, qui collabore avec les autorités des districts du Kenya pour les projets de reforestation, estime que le bambou a été utile pour la reforestation. Il projette de planter 20 millions de nouveaux arbres d’ici à 2022 et a signé des accords financiers avec les autorités locales pour leur préparer des plants de bambou.

Pour les écologistes, la culture de bambou doit être encouragée pour faire d’une pierre deux coups : répondre à la perte de la couverture forestière et encourager les fermiers à produire davantage pour que les ateliers de grande envergure prospèrent. « Le bambou revêt une importance économique énorme. Ce n’est pas seulement parce qu’il est respectueux de l’environnement, mais aussi parce qu’il est comparativement plus solide que le bois, comme l’eucalyptus par exemple », explique Catherine Wangari, qui enseigne l’agroforesterie à l’Université Jomo Kenyatta d’agriculture et des technologies de Nairobi. Par ailleurs, comme le bambou contient plus de calories et pèse moins, il peut être une bonne source de bois de chauffage pour la cuisine sans toutefois polluer comme des produits pétroliers. L’université a récemment ouvert un Centre de recherche sino-kényan qui bénéficie aux fermiers locaux avec des technologies chinoises. « Nous avons besoin de soutien pour utiliser les dernières technologies. Les Chinois par exemple ont fait ces choses depuis des années. Ils peuvent nous aider à atteindre ces niveaux », explique Shiribwa.

Ce qui ferait pencher la balance pour les fermiers afin de les faire passer des cultures habituelles au secteur du bambou, c’est un temps de rotation plus court. Pour les aider, l’Institut de recherche forestier du Kenya (IRFK) développe un plant qui permettra au bambou indigène d’arriver à maturité en 5 ans au lieu de 12 ans. « Nous aurons sans doute besoin de faire des campagnes avec persistance, car nos fermiers se sont habitués aux rendements à court terme », explique Peter Kung’u de l’IRFK. CA

(Reportage du Kenya.)