Bi Sheng, inventeur de l’imprimerie à caractères mobiles
2016-10-26FranceCHRISTOPHETRONTIN
(France) CHRISTOPHE TRONTIN
Bi Sheng, inventeur de l’imprimerie à caractères mobiles
(France) CHRISTOPHE TRONTIN
Chaque mois, La Chine au présent vous raconte l’histoire d’une invention chinoise, ancienne ou récente, absolument véridique ou un peu romancée, et de son auteur. Ces personnages qui ont fait la Chine et le monde tels que nous les connaissons aujourd’hui...
Il y a des gens comme ça, qui révolutionnent un pays puis disparaissent sans laisser de traces.
On peut supposer que Bi Sheng (990-1051), d’origine modeste, avait trouvé à s’employer en tant que copiste ou que graveur sur bois. Il faut dire qu’à cette époque, au début de la dynastie de Song du Nord (960-1127), l’Empire connaissait une phase de développement de l’enseignement. Le concours impérial faisait éclore une multitude d’écoles dans les villes et les villages, et tout cela requérait un grand nombre de livres, de traités et de manuels.
La reproduction des documents se faisait alors par xylogravure, c’est-à-dire que chaque page imprimée était au préalable gravée sur une planche de bois. Ce procédé était bien sûr très long et laborieux, et après quelques dizaines d’exemplaires au maximum, les planches de bois imbibées d’encre ne tardaient pas à se déformer et à perdre leur netteté.
Comme tous les inventeurs, Bi Sheng était doté d’un sens de l’observation très aiguisé. Excédé par son travail répétitif, cherchant à tout prix un moyen de le simplifier et de l’accélérer, il avait constaté que les plaques gravées se déformaient surtout au centre, tandis que les côtés restaient relativement nets. Alors qu’il s’activait à graver des caractères, toujours les mêmes, sur des planches au format standard, il se demanda s’il ne serait pas judicieux de séparer les parties endommagées des parties encore acceptables. Ainsi lui vint l’idée des caractères mobiles fixés sur un cadre.
Il se mit à faire des essais : comment fixer ces caractères de façon suffisamment solide, en respectant l’alignement ? En quelle matière fallait-il les réaliser pour que leurs bords restent suffisamment nets, même après de nombreuses copies ? Il commença par le bois d’abord, puis essaya des caractères de terre cuite, puis en céramique. Ses travaux, de plus en plus complexes, s’étalèrent sur dix ans, avant qu’il ne mette au point, en 1048, la version finale de son appareil typographique.
Le chroniqueur de cette époque, Shen Kuo (1031-1095) relate ainsi avec admiration dans son ouvrage Notes écrites au pavillon du ruisseau des rêves : « Lorsqu’il souhaitait imprimer un texte, il saisissait un cadre de fer qu’il appliquait sur une plaque métallique. Il lui suffisait ensuite d’y placer les matrices souhaitées,serrées les unes contre les autres. Lorsque le cadre était plein, l’ensemble composait une épreuve à imprimer. Il la plaçait alors près de la flamme pour la chauffer. Lorsque la résine (à l’arrière)commençait à fondre, il prenait une plaque lisse qu’il pressait sur la surface de son épreuve afin de la rendre absolument plane (...)
Ce procédé, s’il était appliqué à l’impression de deux ou trois copies, ne serait ni simple ni facile. Mais pour imprimer des centaines ou des milliers d’exemplaires, il est merveilleusement rapide (...)
Lorsque l’impression d’une épreuve était terminée, l’autre était prête. »
D’autres inventeurs allaient perfectionner encore son invention. Même si ses caractères mobiles en terre cuite étaient relativement solides et permettaient d’imprimer des milliers de pages, les caractères en bronze allaient donner une netteté encore meilleure à l’impression. Mais surtout, cette nouvelle technique allait ouvrir la voie à d’autres inventions révolutionnaires : c’est de cette période que date l’invention de la monnaie papier, par exemple, qui allait bouleverser le commerce, notamment le commerce international. C’est aussi de cette époque que nous vient le plus ancien panneau publicitaire connu.
René Etiemble, auteur du livre L’Europe chinoise, nous révèle par quel cheminement « l’inventeur » européen de l’imprimerie, Gutenberg s’inspira de ces résultats quatre cents ans plus tard, lorsqu’il mit au point son système de typographie à caractères mobiles. Il y avait en tout cas belle lurette, lorsqu’il imprima sa première Bible, qu’on produisait des livres en Chine, parfois à des millions d’exemplaires.