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Gao Zongyu,la star des ponts

2016-10-26ZHOULINmembredeladaction

今日中国·法文版 2016年10期

ZHOU LIN, membre de la rédaction



Gao Zongyu,la star des ponts

ZHOU LIN, membre de la rédaction

Le pont Tianxingzhou à Wuhan, couronné de la médaille George S. Richardson lors de la 27eConférence internationale des ponts, en 2010.

Shanghai et Nantong se trouvent à 130 km de distance l’une de l’autre par autoroute. Mais d’après les plans, un pont haubané à deux étages d’une longueur de 1 092 m devrait bientôt relier ces deux villes. Ce pont nommé « Pont du fleuve Yangtsé de la ligne ferroviaire Shanghai-Nantong », une fois construit, sera le plus grand pont haubané route-rail au monde. Les premières esquisses du projet ont été tracées dès 2003, puis le coup d’envoi des travaux a été donné en 2014 pour ce pont qui devrait être achevé en 2019. Dès lors, le trajet en voiture entre Shanghai et Nantong ne demandera plus qu’une heure.

L’instigateur de ce projet, prêt à consacrer quinze années d’efforts pour réaliser ce pont, s’appelle Gao Zongyu. Il est ingénieur en chef de la société China Railway Major Bridge Reconnaissance & Design Institute (BRDI). Il a déjà construit une vingtaine de ponts, précise-t-il.

La lourde décision de la portée

« Avant les années 1970, le marché de la construction des ponts était dominé par l’Europe et les États-Unis ; dans les années 1990, c’est le Japon qui a pris la tête ; depuis le XXIesiècle, la Chine est devenue le pays leader. » Il n’est pas rare d’entendre cette affirmation au sein du secteur de la construction des ponts. Elle s’appuie non seulement sur la grande quantité de ponts établis en Chine, mais aussi sur des indicateurs qualitatifs. La portée principale, longueur la plus longue entre deux piles, est un des indices permettant d’évaluer le niveau technologique et les capacités de construction. Plus grande est la portée, plus importante est la difficulté technique. L’innovation est encore un autre critère pris en compte dans le classement.

Lors du Forum international sur la technologie des ponts tenu en 2012 à Wuhan, Gao Zongyu a annoncé la nouvelle avec grand enthousiasme : le Pont du fleuve Yangtsé dans le cadre de la ligne ferroviaire Shanghai-Nantong prendra la forme d’un pont haubané à deux étages, avec une portée principale de 1 092 m de long. C’est plus du double de la portée principale du pont de Tianxingzhou édifié à Wuhan, qui lui-même avait battu le record mondial de la portée la plus longue pour un pont à haubans mixte. Ce pont sur le Yangtsé deviendra le premier pont à deux étages au monde affichant une portée supérieure à 1 000 m.

Section importante du futur chemin de fer Shanghai-Nantong, le pont s’élèvera à 325 m de haut, encore un record mondial pour un pont haubané mixte. Sa construction nécessitera 480 000 tonnes de barres d’armature en acier, soit douze fois ce qu’avait demandé le « Nid d’oiseau » (stade olympique national à Beijing), et 2,3 millions de mètres cubes de béton,soit huit fois le volume utilisé pour bâtir le Grand Théâtre national de Chine. Le pont, une fois achevé, devrait être en mesure de résister à un typhon de force 14, à un tremblement de terre de magnitude 8 sur l’échelle de Richter ou encore à l’impact d’un navire de 100 000 tonnes. Les piles n° 28 et n° 29, celles qui supporteront le poids des principaux pylônes du pont, sont considérées comme le point crucial dans la construction du pont. Le caisson de la pile n° 29 aura une hauteur de 56 m et un poids de 15 000 tonnes, ce qui établira un nouveau record. Le caisson de la pile no28 pèsera seulement 500 tonnes de moins que celui de la pile n° 29.

De par son immense ampleur et ses grandes difficultés techniques, ce projet prometteur illustre le plus haut niveau atteint en Chine, voire dans le monde, en matière de construction de ponts.

C’est en 2003 que Gao Zongyu a commencé à se pencher sur la conception de ce pont. Il a effectué de nombreux trajets entre Shanghai et Nantong pour étudier le terrain.

« Pour déterminer l’emplacement du futur pont, j’ai d’abord examiné une dizaine de lieux, puis sélectionné cinq sites potentiels. Ce fut en fait l’étape la plus difficile », commente M. Gao. Il poursuit en m’expliquant : « Le choix de l’emplacement est majeur. Il faut non seulement veiller à ne pas entraver la voie navigable que représente le Yangtsé, mais aussi tenir compte des caractéristiques géologiques et hydrologiques du lieu pour que le pont joue également le rôle de barrage contre les inondations. En plus, il faut encore penser aux points de jonction avec les voies routières et ferroviaires, ainsi qu’à la démolition des anciennes constructions alentours. Pour des retombées économiques, il est préférable de combiner trois fonctions en un seul et unique pont : chemin de fer interurbain, ligne TGV et autoroute. Si l’on réalisait ces trois fonctions séparément, il faudrait débourser 10 milliards de yuans de plus. »

Malgré tous les défis à surmonter, Gao Zongyu semble toujours très calme. Peutêtre en raison de sa grande expérience, que louent tous ses collègues. M. Gao souligne : « Les scientifiques peuvent mener des expériences pour vérifier qu’ils ne se sont pas trompés, tandis que les ingénieurs n’ont pas le droit à l’erreur. Qualité et sécurité sont les maîtres mots pour la construction d’ouvrages d’art. » Liu Hanshun, directeur de BRDI, a ajouté : « Depuis tant d’années, Gao Zongyu donne ce sentiment de savoir exactement ce qu’il faut faire, quel que soit le projet. »

De solides compétences professionnelles couplées à une attitude de travail rigoureuse ont forgé cet « ingénieur en génie civil » chinois. À ce titre, M. Gao a occupé le poste de responsable technique de la première équipe d’ingénieurs à avoir conçu un viaduc TGV enjambant le fleuve Yangtsé et le fleuve Jaune. Il a travaillé parmi les responsables des projets du pont de la baie de Hangzhou et du pont de Donghai (ou « pont de la mer de Chine orientale »). Il est, par conséquent, expert en conception de ponts mixtes gigantesques.

Au début de 2014, l’innovation de Gao Zongyu, dans le cadre de son projet de construction d’un pont haubané mixte à trois nappes de haubans et à trois travées, a obtenu le grand Prix national du progrès scientifique et technologique.

Gao Zongyu, ingénieur en chef, inspecte le chantier de construction du pont.

L’innovation face aux controverses

L’innovation technique décrite ci-dessus a été utilisée pour la première fois lors de la construction du pont ferroviaire et routier de Tianxingzhou à Wuhan, un jalon dans la vie de Gao Zongyu.

Rappelons qu’un pont mixte est un pont à deux étages : celui du haut est conçu pour les voitures ; celui du bas est réservé au train. Sa structure est ainsi beaucoup plus complexe que celle d’un simple pont autoroutier. « Supporter le poids d’un train revient à supporter le poids de huit files de véhicules sur une autoroute. » Les tout premiers plans du pont de Tianxingzhou prévoyaient l’aménagement d’une double voie de chemin de fer. Puis, une troisième ligne ferroviaire a été ajoutée, et enfin,une quatrième, parmi lesquelles deux destinées au TGV. Il ne faut pas oublier dans ce compte les six voies d’autoroute. « Le pont supporte une charge totale équivalant au poids de 34 files de véhicules sur une autoroute. »

D’après Gao, la clé du succès du pont de Tianxingzhou réside dans l’innovation, qu’on ne peut atteindre sans soulever des controverses.

À l’époque, le pont Tianxingzhou visait haut : être le pont haubané mixte avec la plus grande portée au monde, ainsi que quatre lignes de chemin de fer (dont des lignes TGV) et des voies d’autoroute. La technologie traditionnelle à deux nappes de haubans ne pouvait supporter cette charge considérable : il fallait trouver une solution.

Gao Zongyu et son équipe ont proposé une structure composée de trois nappes de haubans et de trois travées, ajoutant ainsi une rangée de haubans au centre du pont et une travée en forme de double rectangle. L’objectif était d’augmenter la capacité de charge ainsi que la rigidité du pont pour permettre le passage d’un TGV.

Cependant, des experts ont immédiatement exprimé des doutes quant à cette méthode, pour la simple raison que ce type de pont n’avait jamais été érigé auparavant dans le monde. Il était donc difficile de prévoir la résistance du pont après l’ajout de cette nappe de haubans. Par ailleurs, les travaux devenant plus compliqués, les risques étaient accrus. Pour déterminer si le projet était réalisable, il convenait d’analyser et de mesurer ce qu’apporterait la rangée de haubans supplémentaire au pont en termes de capacité de charge.

Pour répondre à cette question, une équipe a été affectée au développement d’un logiciel 3D spécialisé dans la conception des ponts pour lancer des simulations. Après six mois d’essais et de calculs, une conclusion inespérée a été dressée : la nouvelle rangée de haubans au centre supporte presque la même force de tension que les deux nappes traditionnelles, avec un écart de 10 % maximum. Ce résultat a bousculé les idées toutes faites de beaucoup, au profit des plans imaginés par Gao Zongyu.

Bien qu’en théorie, la viabilité du pont était désormais assurée, certains experts s’inquiétaient encore de la mise en œuvre des travaux, au vu des difficultés techniques qu’ils présentaient. M. Gao et son équipe ont à nouveau planché jour et nuit pour trouver une solution rassurante. Au final, une grue à montage automatisée avec une capacité de charge de 700 tonnes a été spécialement développée pour garantir un assemblage précis des éléments constituant les poutres.

En outre, la réalisation du modèle « trois nappes de haubans et trois travées », a permis de réaliser des économies : 3 330 tonnes d’acier et un total de 110 millions de yuans en moins par rapport au plan initial comportant deux rangées de haubans, car M. Gao a pu non seulement réduire de 1 m la hauteur du pont, mais aussi la hauteur et la longueur des travées d’entrée aux deux extrémités.

À l’annonce de son projet, Gao Zongyu a dû faire face aux désaccords et aux incertitudes des gens de la profession, mais il rappelle que l’innovation est nécessaire pour surmonter les difficultés : « L’innovation sert à répondre aux besoins d’un projet, pas à faire le spectacle. »

Le pont Yingwuzhou à Wuhan.

Le pont Donghai est le premier pont chinois traversant une mer. Ⅰl s’étend sur 32,5 km.

Un sentiment de mission

Selon Gao Zongyu, innover est un concept éternel, mais les priorités évoluent au fil des époques. « Dans les années 1950-1960, la Chine mettait l’accent sur l’apprentissage des techniques de construction. Pour ériger le pont du fleuve Yangtsé en ce temps-là à Wuhan, le gouvernement avait invité des experts soviétiques. À trois reprises, le président Mao Zedong avait inspecté le chantier et s’était assuré que les ingénieurs chinois avaientbien progressé auprès de leurs confrères étrangers. De nos jours, les technologies chinoises se développent rapidement en se fondant sur les principes de sécurité, de qualité et de rationalité économique, et prêtent une grande attention à la durabilité, à la protection de l’environnement et aux fonctions numériques et intellectuelles. »

Le pont de verre qui enjambe le Grand Canyon de Zhangjiajie est le pont vitré le plus large au monde.

Le système logiciel pour la simulation de structures à haubans, développé à l’initiative de Gao Zongyu dans les années 1990, est toujours utilisé aujourd’hui, mais des améliorations y sont apportées continuellement. « Auparavant, ce logiciel pouvait servir uniquement pour les petits ponts avec sa méthode de calcul simple ne s’appliquant qu’à un contexte statique. Désormais, il peut effectuer des calculs détaillés pour les grands ouvrages, dans un contexte dynamique. »

En 1998, Gao Zongyu a dessiné les plans du pont enjambant la rivière Minjiang, à Qingzhou (province du Fujian). Ce dernier a été considéré à l’époque comme le premier pont haubané au monde au regard de sa portée principale, longue de 605 m. Avant toute chose, l’équipe sous la houlette de M. Gao avait passé une année complète à créer un logiciel pour mener des calculs de haute précision. Ce faisant, ils avaient ensemble réussi à réduire de 20 % le volume total d’acier utilisé et à économiser ainsi plus de 30 millions de yuans.

En 2001, lors de la conception du pont de Donghai, premier pont chinois traversant une mer, Gao Zongyu s’était aussi heurté à un nouveau genre de défi technique : l’eau de mer rongeait la structure du pont. Par ailleurs, les conditions météorologiques posaient problème : environ 180 jours par an, un vent de 6 sur l’échelle de Beaufort était enregistré sur le site. Gao Zongyu avait alors envisagé avec audace d’assembler l’intégralité du caisson entre deux piles (soit 70 m de long) en atelier, puis d’expédier par bateaux ces poutres géantes pesant chacune 2 000 tonnes vers le chantier pour la pose. Cette méthode novatrice dans le secteur de la construction des ponts a permis d’améliorer considérablement l’efficacité des travaux. Ce pont de 32,5 km a été achevé en moins de quatre ans seulement, une véritable prouesse qui a suscité l’admiration des pairs de M. Gao.

À la faveur de l’essor du TGV en Chine au siècle dernier, Gao Zongyu a dirigé la conception de ponts ferroviaires supportant le passage de trains à plus de 200 km/h, notamment le pont de Tianxingzhou à Wuhan et le pont mixte sur le fleuve Jaune à Zhengzhou, tous deux tronçons de la ligne à grande vitesse Beijing-Guangzhou. Parmi eux, le pont de Tianxingzhou a remporté la médaille George S. Richardson lors de la 27eConférence internationale des ponts en 2010.

Grâce à ses idées novatrices qui se sont concrétisées en ouvrages innovants, Gao Zongyu a mené une carrière aussi démesurée que ses ouvrages d’art : une vingtaine de récompenses en Chine et à l’étranger, y compris deux médailles George S. Richardson, six Prix nationaux du progrès scientifique et technologique, un Prix national d’or pour l’ingénierie, un Prix Zhan Tianyou récompensant les sciences et technologies ferroviaires ; douze brevets d’invention déposés ; plus de 30 thèses publiées ; 24 ponts achevés, parfois loin du territoire chinois comme le prouve le pont Mohammed VI édifié au Maroc.

Gao Zongyu, né en 1964, envisage encore plusieurs projets avant de prendre sa retraite : premièrement, construire des ponts enjambant respectivement les détroits de Qiongzhou, de Bohai et de Taiwan ; deuxièmement, construire des ponts à travers le monde, participer à l’initiative « une Ceinture et une Route » et concurrencer sur un pied d’égalité les pays développés dans les domaines de conception, de mise en chantier, de fabrication, de recherches, de création et de conseil.