Prochainement sur vos écrans : l’Épopée du roi Gesar
2016-10-26ZHANGHONGmembredeladaction
ZHANG HONG, membre de la rédaction
Prochainement sur vos écrans : l’Épopée du roi Gesar
ZHANG HONG, membre de la rédaction
La société cinématographique pékinoise Golden Tara a commencé en juin de cette année le tournage d’une adaptation du récit épique tibétain l’Épopée du roi Gesar. Une production au budget de 500 millions de yuans, voire plus, qui vise à ramener à la vie l’ancien héros légendaire avec des effets spéciaux à couper le souffle et des scènes épiques qui concurrenceront celles du Seigneur des anneaux ou de Troie.
Le spectacle l’Épopée du roi Gesar mis en scène par la troupe artistique Zhanqi dans la région militaire de Chengdu.
Le cinéma fait sa publicité
L’Épopée du roi Gesar, qui date du 11esiècle, est le plus célèbre récit antique du Tibet, une œuvre volumineuse qui comporte légendes et chants. Il a reçu les honneurs de l’UNESCO qui l’a inscrit à son registre du patrimoine culturel immatériel en 2009 et est connu dans le reste du monde comme l’ « hymne homérique de l’Orient » .
Avec le soutien de la Fondation chinoise de l’héritage culturel et du Centre chinois de recherche culturelle sur les thangkas (un thangka est un document tibétain dessiné, peint ou écrit qui se présente sous la forme de rouleau), la compagnie cinématographique Golden Tara travaille maintenant au tournage d’un film consacré au héros tibétain légendaire. Porter à l’écran un récit transmis oralement pendant des siècles et l’offrir à des milliardsde spectateurs potentiels de par le monde, c’est aussi « une méthode efficace pour faire la promotion de la culture chinoise aussi bien dans le pays qu’à l’étranger », ainsi que l’affirme la présidente de la compagnie, Mme Deyang.
L’Épopée du roi Gesar est le plus long récit que l’on connaisse au monde, et elle retrace la lutte du héros contre les démons, son combat pour libérer les opprimés et sauver sa mère et sa femme de l’enfer. L’étude de ce récit constitue toute une branche bien définie de la tibétologie que l’on appelle la « gésarologie », rassemblant des chercheurs du le monde entier.
Avec plus de 20 millions de caractères, l’Épopée du roi Gesar emplit 120 volumes, soit plus que les principaux récits de ce type combinés. Une longueur qui pose un défi au scénariste qui doit compresser toute l’histoire en une œuvre de quelques heures au maximum. C’est en tout cas le rêve d’une vie pour Jampel Gyatso, chercheur en littérature ethnique auprès de l’Académie des sciences sociales de Chine et expert en gésarologie.
Selon lui, le gouvernement chinois a investi des ressources financières et humaines considérables ces dernières décennies en vue de préserver cet héritage culturel tibétain de tradition orale. À ce jour, plus de cinq millions d’exemplaires de l’Épopée du roi Cesar ont été imprimés, c’est-à-dire suffisamment pour en fournir un exemplaire à chaque Tibétain.
Mme Deyang et M. Gyatso en sont convaincus, un héritage culturel aussi magnifique se doit d’être partagé par l’ensemble de l’humanité et non réservé à un seul groupe ethnique. En sa qualité de spécialiste de premier plan de cette œuvre et de premier professeur tibétain dans les programmes de doctorat, Jampel Gyatso aura joué un rôle majeur dans la planification et la réalisation de ce film.
« Le cinéma peut, jusqu’à un certain point, permettre de franchir la barrière de la langue », renchérit Mme Deyang, « c’est pourquoi il est l’un des meilleurs médias pour présenter la culture chinoise au reste du monde. »
En dépit des progrès remarquables qu’a fait la Chine dans la recherche sur l’Épopée du roi Gesar ces dernières années, le pays conserve un train de retard sur les États-Unis et l’Europe dans l’adaptation des légendes antiques à d’autres formes d’art en vue d’en cerner au mieux la signification culturelle, explique Jampel Gyatso.
Et pourtant, le marché qui s’ouvre au cinéma historique est immense. De nombreuses œuvres antiques, depuis l’Iliade et l’Odyssée d’Homère jusqu’aux anciennes histoires de l’Inde, ont été portées au grand écran, adaptées en séries télévisées ou restituées sous d’autres formes encore, s’attirant les vivats d’un large public. La superproduction hollywoodienne Troie réalisée en 2003, très vaguement basée sur l’Iliade, a été visionnée par des centaines de millions de spectateurs dans le monde, ce qui en fit l’un des films les plus vus en 2004. Juste après, on a vu sortir L’Anneau du Nibelung et Beowulf. Trois films épiques qui ont secoué le marché international des droits cinématographiques. En Chine, en revanche, aucun film au sujet d’une saga nationale n’est sorti sur le grand écran.
Il y a plus de dix ans, alors que Jampel Gyatso effectuait une période d’études à Harvard en tant que chercheur invité, quelqu’un lui a suggéré l’idée que la Chine crée une superproduction sur la base de l’Épopée du roi Gesar. Plus tard, lors de ses visites périodiques en Inde, il fut frappé par la fécondité de l’industrie cinématographique de ce pays qui a produit plusieurs œuvres basées sur les poèmes épiques indiens Rāmāyana et Mahabharat. Des expériences qui n’ont fait qu’accroître son désir de porter à l’écran la saga tibétaine.
« Chacun des quatre romans classiques de la littérature chinoise ont depuis longtemps été adaptés au cinéma et à la télévision. Il est temps pour l’Épopée du roi Gesar de rejoindre ce club et ainsi de souligner le fait que la Chine est une grande famille composée de divers groupes ethniques », affirme Jampel Gyatso. Il espère que ce film sur lequel il travaille sera nominé aux Oscars, et même que son metteur en scène sera le premier Chinois à recevoir ce prestigieux prix.
Le centre culturel du roi Gesar à Seda, dans la province du Sichuan.
Le temps est venu
Hegel a dit que la Chine manquait d’une épopée nationale. Mais les trente années qu’a passées Jampel Gyatso à étudier l’Épopée du roi Gesar viennent réfuter avec vigueur cette affirmation. Cette œuvre tibétaine est la plus longue du monde, plus longue que Gilgamesh, l’Iliade, l’Odyssée, Rāmāyana et Mahabharat mis bout à bout. « L’étude de cette légende ouvre à la Chine et au monde un regard nouveau sur le pays où elle est née », affirme Jampel Gyatso.
On trouve en Chine toute une école de chercheurs sur ce sujet qui compte des représentants de tous les âges et de toutes les ethnies. De plus, des sites historiques et des reliques liées à cette épopée sont désormais mieux préservés, comme le Palais du lion et du dragon à Golog, dans la préfecture tibétaine de la province du Qinghai. Une salle mémorielle et un cen-tre culturel dédiés au héros légendaire ont été édifiés dans les communes de culture tibétaine de Dege et de Sertar, dans le Sichuan. D’autre part, un parc équestre porte le nom du roi légendaire dans la commune de Marqu, dans la province du Gansu. Dans toutes ces régions à populations tibétaines, le roi Gesar est largement cité dans les stratégies de développement local et les programmes culturels.
La culture liée au roi Gesar a atteint de nouveaux sommets depuis le lancement de la politique de réforme et d’ouverture de la Chine, ainsi qu’on peut le constater en consultant la longue liste des œuvres qui ont pris la forme d’opéras tibétains, de théâtre dansé, de chansons, de musiques et même de pièces de l’Opéra de Pékin. « Toutes ces œuvres fournissent un matériau riche à notre film », explique Jampel Gyatso.
Un groupe artistique d’opéra tibétain en grande tenue à Seda.
« (...) L’exploitation de cette mine extrêmement riche va relancer l’ensemble du secteur du film fantastique chinois », affirme Mme Deyang avec confiance.
La qualité d’abord
Le film en question s’articule sur trois légendes sélectionnées parmi les innombrables intrigues que comporte la saga, revisitées suivant une trame moderne qui doit les rendre plus attrayantes pour le public d’aujourd’hui. Comme l’histoire du roi Gesar célèbre ses victoires contre les démons et autres créatures mystiques, il est logique que le film adopte le style fantastique. Cependant, Mme Deyang a promis de ne pas laisser le style fantastique et les effets spéciaux reléguer au second plan la nature épique de cette superproduction. « Nous ne sommes pas en train de produire une œuvre de fastfood. La qualité doit rester la première priorité », a-t-elle martelé. « Nous avons le plus grand respect pour ce personnage, et même si nous ne sommes pas encore tout à fait clairs sur ce que nous pourrons apporter à la production, nous sommes totalement clairs sur ce que nous n’accepterons jamais de faire. »
Rebondissant sur les critiques qui pointent l’homogénéisation des films fantastiques chinois, Mme Deyang répète sa confiance de voir en l’Épopée du roi Gesar le nouvel eldorado pour les producteurs et metteurs en scène chinois. « Il y a tant à explorer dans les tréfonds de cette œuvre une fois qu’ils auront épuisé les classiques de la littérature chinoise comme Le Pèlerinage vers l’Ouest ou Les Contes fantastiques du pavillon des loisirs. L’Épopée du roi Gesar comprend un grand nombre d’histoires et de personnages qui composent des relations et des intrigues complexes. L’exploitation de cette mine extrêmement riche va relancer l’ensemble du secteur du film fantastique chinois », affirme Mme Deyang avec confiance.
Lors du travail de sélection de l’acteur pour le rôle du roi Gesar, le directeur de Golden Tara, Jiang Hong, s’est déclaré surpris du nombre de candidats bouddhistes qui se proposaient de jouer gratuitement. « Tel est le pouvoir de notre héritage culturel », explique-t-il. selon lui, le film doit en premier lieu être divertissant, puisque c’est en attirant un public aussi large que possible dans les salles obscures que l’on pourra faire connaître cette légende à un grand nombre de personnes. Pour s’assurer qu’une légende ancienne plaira aussi aux jeunes, qui constituent la part la plus importante des consommateurs de cinéma, Golden Tara a décidé de faire appel aux services de l’équipe de post-production qui a réalisé Le seigneur des anneaux.
En plus du film proprement dit, l’entreprise va aussi développer des produits dérivés, comme des dessins animés et des jeux vidéo. L’ouverture d’un parc à thème dédié est également considérée.
Ce film sera tourné dans des régions tibétaines de différentes parties de la Chine et sur des sites qui se trouvent à l’étranger. Sa sortie est prévue début 2018 en trois langues : mandarin, tibétain et bien entendu en anglais.
L’équipe de production considère comme son devoir de populariser cette saga largement lue et chantée parmi les Tibétains auprès d’un public aussi large que possible. « Ce sera notre faute si les générations futures ignorent l’Épopée du roi Gesar », affirme Jiang Hong.