Le yuan à l’honneur
2016-09-12
Le yuan à l’honneur
L’ascension du yuan ne constitue pas un défi à la domination du dollar par He liping
L’introduction du yuan dans le panier de devises des Droits de tirages spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international (FMI) a marqué 2015 comme une étape fondamentale dans l’internationalisation de la monnaie chinoise. La meilleure convertibilité du yuan est fortement liée à l’amélioration de la position de l’économie chinoise. Depuis que la Chine est devenue la deuxième plus grande économie au monde, l’internationalisation du yuan a fait de grandes avancées.
Une meilleure convertibilité du yuan
L’ascension de la Chine dans l’économie mondiale se mesure par six aspects.
Premièrement : en 2011, la Chine a dépassé le Japon pour devenir la deuxième plus grande économie du monde.
Deuxièmement : la Chine est désormais la plus grande nation commerciale au monde et la troisième zone d’échanges économiques. Les importations et exportations de la Chine ont totalisé 4 300 milliards de dollars en 2014, contre 3 970 milliards pour les États-Unis. En considérant la moyenne des échanges en biens et services sur les cinq dernières années, la « zone yuan » arrive à la troisième place après la zone euro et la zone dollar. Cependant, les différences entre ces trois zones commerciales sont difficiles à discerner.
Troisièmement : la Chine est devenue l’un des principaux investisseurs et fournisseurs d’aide à l’étranger. Chaque année, elle attire plus de 200 milliards de dollars en investissements étrangers et investit près de 80 milliards de dollars à l’étranger.
Quatrièmement : la réforme sur les taux d’intérêt du yuan en juillet 2005 a entraîné une croissance soutenue de son taux de change. De juillet 2005 à avril 2014, le taux de change effectif nominal du yuan a gagné 40,5 %. C’est la seule devise, qui s’est autant renforcée face au dollar au cours de la dernière décennie.
Cinquièmement : ces dix dernières années, le marché financier de la Chine s’est agrandit. Il y a cinq ans, les bons du trésor ont joué un rôle majeur dans le marché obligataire local et aujourd’hui, l’utilisation des obligations de société et des titres négociables connait une croissance rapide.
Sixièmement : le marché financier de la Chine s’est ouvert. Les institutions financières chinoises développent de plus en plus leurs activités à l’étranger, avec notamment des fusions acquisitions dans les marchés étrangers. Celles-ci ne se font pas uniquement dans des pays en développement, mais également dans les économies développées de l’Europe et des États-Unis. Dans le même temps, de plus en plus de capitaux internationaux et d’institutions d’investissement ont intégré le marché chinois.
L’utilisation du yuan sur les marchés étrangers a débuté à la fin des années 90, lorsque la plupart des économies voisines de la Chine durent faire face à la crise financière asiatique. À cette époque, seulement deux devises sont restées stables face au dollar : le yuan et le dollar hongkongais.
Suite à la crise financière internationale de 2008, la volonté officielle de rendre le yuan plus accessible à l’étranger se concrétisa dès 2009. Trois facteurs ont contribué à l’importance mondiale du yuan : le volume grandissant de l’économie et des échanges chinois, un taux de change stable et croissant du yuan et une économie ouverte.
D’après une déclaration de la Banque populaire de Chine (BPC), le yuan est devenu en juin 2015 la deuxième devise la plus utilisée au monde pour le commerce et la finance. Fin 2014, c’était la cinquième devise la plus uti-lisée dans les paiements et la sixième pour les échanges de devises étrangères. Par ailleurs, 23,6 % des transactions transfrontalières de la Chine sont réglées en yuans. A la fin du mois de mai 2015, la BPC a conclu des accords de swap avec 32 pays et régions, pour 3 100 milliards de yuans. Elle est également parvenue à des arrangements sur les règlements en yuans avec quinze pays et régions.
Des progrès remarquables ont été réalisés dans l’internationalisation du yuan. Plusieurs facteurs ont permis ce progrès, notamment l’action du gouvernement, l’initiative « une Ceinture, une Route », ainsi que la mise en place de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (AIIB) et d’un système de règlement.
He Liping
Un panier plus attractif
Au-delà cette progression, quelle importance revêt l’introduction du yuan dans le panier des DTS ?
Les DTS sont des actifs importants de réserve créés par le FMI en 1969 pour suppléer les réserves officielles en or de ses pays membres, ainsi que leurs réserves en devises étrangères et les quotas du FMI. Aujourd’hui, les DTS ont trois raisons d’être : dans tous les rapports statistiques du FMI, les devises sont calculées par l’intermédiaire des DTS. À travers eux, les pays membres du FMI peuvent prêter et emprunter à l’international. Et le secteur privé les utilise également.
Le dollar et l’euro sont tous deux des devises de réserve internationale. Les DTS constituent des actifs de réserves internationales et supra-nationales, dont la valeur reste stable. Ils ne sont pas une monnaie internationale ou même composite et, pour l’instant, ils ne peuvent être utilisés pour les paiements. En théorie, ils pourraient cependant devenir une monnaie composite. Les DTS permettent une fluctuation moins importante des flux de capitaux transfrontaliers. Comme ils représentent aujourd’hui un panier de devises de réserve, il est plausible qu’ils se transforment en devise supra-nationale dans le futur.
L’inclusion du yuan permettra d’améliorer la représentativité internationale des DTS. Avec une cinquième devise dans le panier, les DTS pourront garantir une valeur stable et les pays membres du FMI auront plus d’options dans le choix de leurs actifs de réserve. Les DTS seront plus attractifs. Pourquoi les DTS n’ont-ils pas pris d’ampleur pendant tant d’années ? Ils n’étaient tout simplement pas assez attractifs.
Une réforme tardive
L’inclusion du yuan dans les DTS signifie-t-elle que le dollar sera moins utilisé dans les réserves internationales ? Y aura-t-il plus de devises de réserve internationale ? L’euro aussi fut une addition aux réserves internationales, mais lorsque cette monnaie fut créée, elle a remplacé onze devises européennes.
Le dollar compte pour une large part dans les réserves de devises étrangères dans le monde, principalement car celles des pays en développement ont connu une croissance rapide ces trois dernières décennies. Les transformations dans les structures de réserves dans ces pays sont liées à leurs régimes de taux de change, au poids de leur dette, aux mesures politiques face à la crise financière et à leurs options sur les devises étrangères de réserve. Dans leurs structures actuelles, les pays en développement ont peu de choix en termes de sélection des devises et les échelles réduites de leurs marchés financiers restreignent également leurs options.
La diversification des réserves de change international fut très lente par le passé et a parfois même régressé. Pour de nombreux pays, l’introduction du yuan dans les paniers de réserves en devises étrangères permet de rendre ces derniers plus variés. Le concept d’une devise supra-nationale se limite aujourd’hui à de simples discussions dans les milieux académiques, car une devise mondiale doit être soutenue par des traités internationaux. Elle ne peut donc être le résultat d’une décision prise uniquement par le marché. Un réajustement des relations internationales nécessitera des consultations et des compromis entre les pays.
L’internationalisation du yuan est un facteur important, qui permettra de faire avancer la réforme et évoluer le système monétaire international. Sans cela et sans l’inclusion du yuan dans les DTS, la structure des relations monétaires internationales serait restée la même qu’il y a 30 ou 40 ans.
Même si l’introduction du yuan dans les DTS a permis d’ajouter une option supplémentaire pour les devises de réserve, le dollar restera encore longtemps la devise de réserve internationale la plus importante. Il représente 63 % des réserves internationales totales en devises étrangères.. Au cours de la prochaine décennie, l’utilisation du dollar dans les réserves internationales pourrait diminuer, mais sa proportion pourrait continuer à dépasser les 50 %. Ca
(L'auteur est directeur du département de finance, Université normale de Beijing)