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L'héritage culturel de Quanzhou revisité

2015-11-10CamilleBoullenois

中国与非洲(法文版) 2015年3期

L'héritage culturel de Quanzhou revisité

Un port majeur de la Nouvelle Route de la Soie par Camille Boullenois

Aujourd'hui une ville moyenne de 8 millions d'habitants, Quanzhou fut, dans le passé, l'un des principaux ports de commerce au monde, décrit par Marco Polo comme « l'Alexandrie de l'Est » à la fin du 13esiècle.

Malgré un certain déclin au cours des derniers siècles,Quanzhou est récemment revenue sur le devant de la scène avec la Nouvelle Route de la Soie lancée par le président chinois Xi Jinping en octobre 2013.

Ce projet ambitieux est considéré par les officiels locaux comme une opportunité historique pour le développement de Quanzhou, qui pourrait permettre à la ville de regagner son ancienne splendeur culturelle et économique.

Ce n'est pas un hasard si Quanzhou a été choisie comme tête de pont de l'ouverture maritime du pays à travers la Nouvelle Route de la Soie. Comme l'explique le directeur du département de propagande de la ville de Quanzhou, M. Chen Qingzong, le principal atout de la ville n'est pas sa position géographique ou ses infrastructures maritimes, mais son héritage culturel.

La particularité de la ville de Quanzhou, en effet,réside dans ses traditions culturelles et dans les valeurs qu'elle a promues au cours des siècles et avec lesquelles la Chine d'aujourd'hui peut aisément s'identifier.

L'héritage historique

Située sur la côte sud-est de la Chine, la ville de Quanzhou a été fondée en 718, durant la dynastie des Tang (618-907). Elle est devenue par la suite l'un des principaux ports le long de la Route maritime de la Soie,pendant les dynasties des Song (960-1279) et des Yuan(1271-1368).

Connue alors sous le nom de Zayton (ou Zaitun) par les marchands venant du monde arabe, le port a accueilli des voyageurs de différentes cultures et religions. Plusieurs célèbres explorateurs médiévaux comme Marco Polo et lbn Battuta ont décrit le port comme l'un des plus animés et des plus fascinants au monde.

Sous la dynastie des Song, la route maritime de la soie a pour la première fois dépassé la route terrestre pour le commerce avec l'étranger. Depuis Quanzhou, les navires chinois atteignaient de nombreux ports d'Asie du Sud-Est, d'lnde, de Perse, de Mésopotamie, d'Afrique, de la Péninsule Arabe et finalement d'Europe. lls vendaient de la porcelaine, de la soie, du thé et des livres en échange de produits variés de différents pays.

Le développement de Quanzhou a coïncidé avec une période d'interaction commerciale et culturelle intense en Chine. Les reliques culturelles trouvées à Quanzhou,des tombes musulmanes aux gravures indiennes,portent la trace de la variété des pratiques culturelles et religieuses qui y ont convergé.

Cependant, avec les restrictions au commerce imposées à partir de la dynastie des Ming (1368-1644), la ville a perdu sa position comme centre commercial. Le manque de terres cultivables ainsi que les connexions internationales tissées pendant les siècles précédents ont alimenté une migration très importante vers l'Asie du Sud-Est et le reste du monde.

Le principal atout de la ville n'est pas sa position géographique ou ses infrastructures maritimes, mais son héritage culturel.

Chen Qingzong, Directeur du département de propagande de la ville de Quanzhou

Un symbole d'ouverture et d'intégration culturelle

En raison de son histoire, Quanzhou est devenue un symbole de pluralisme culturel et de coopération internationale. La présence de marchands et de voyageurs du monde entier a contribué au développement d'une coexistence pacifique entre les différentes ethnies et les groupes religieux de la ville, qu'ils soient bouddhistes,hindous, taoïstes, nestoriens, manichéens, juifs, catholiques ou musulmans.

Cette grande ouverture culturelle est illustrée par la diversité des sites religieux et des monuments qui se trouvent encore dans la ville de Quanzhou. Par ailleurs,l'entrelacement de symboles variés sur des objetsarchéologiques exposés dans le Musée maritime de Quanzhou reflète la puissance syncrétique de la ville à cette époque.

Le temple manichéiste de Cao'an en est un bon exemple. Cette religion, fondée au Moyen-Orient au 3esiècle, interdisait à l'origine les images de Dieu. Pourtant, la présence d'une statue manichéenne dans le temple s'explique par l'influence des croyances bouddhistes et taoïstes sur la religion manichéenne une fois en Chine.

Le symbole le plus évident de l'ouverture et du syncrétisme culturel de Quanzhou est peut-être l'lslam. La religion a été introduite dans la ville sous la dynastie des Tang, lorsque de nombreux marchands arabes et perses s'y sont installés. Quanzhou leur offrait un environnement culturel marqué par la tolérance et la liberté de religion, qui leur a permis de construire de nombreuses mosquées, dont l'une d'entre elles est aujourd'hui considérée comme la plus ancienne mosquée en Chine.

Si le repli sur soi du pays sous les dynasties des Ming et des Qing (1644-1911) a porté un coup à l'ouverture de Quanzhou sur le monde, la ville a aujourd'hui l'ambition de devenir un nouveau carrefour des civilisations. Sa tradition pluriséculaire d'intégration religieuse et culturelle constitue l'un de ses principaux atouts, à l'heure où le gouvernement chinois tente de promouvoir le dialogue culturel et la coopération pacifique.

Le thé joue un rôle essentiel dans l'économie de Quanzhou

Des traditions artisanales revisitées

Quanzhou bénéficie également d'une grande tradition artisanale, avec des produits exportés vers le monde entier depuis des siècles. Parmi ces produits, les plus importants étaient le thé et la porcelaine, qui jouent encore aujourd'hui un rôle central dans l'économie de la ville.

Le thé est produit dans le district d'Anxi, en périphérie de Quanzhou, depuis au moins un millénaire. ll était exporté vers au moins 58 pays d'Europe, d'Afrique et d'Asie durant la fin des Tang et les dynasties des Song et des Yuan. La région est ensuite restée la première exportatrice de thé au monde, jusqu'à son déclassement par l'lnde au milieu du 19esiècle.

Encore aujourd'hui, le thé demeure l'un des piliers de l'économie de Quanzhou. Dans le district d'Anxi, environ 12 000 tonnes ont été exportées en 2014, et ce volume connaît une croissance régulière. Le thé est d'autant plus important qu'il n'est pas un produit ordinaire, mais qu'il constitue un symbole d'amitié internationale et de coopération. C'était particulièrement flagrant lors du 50eanniversaire des relations diplomatiques entre la Chine et la France, à l'occasion duquel un « Thé de l'Amitié » offert par l'entreprise chinoise Sanhe a été offert aux présidents Xi Jinping et François Hollande lors de la visite en France du président chinois.

Le secteur de la porcelaine, également très importantà Quanzhou, reflète également l'entrelacement de la culture et de l'économie en mêlant art, innovation et production de masse. Certaines entreprises ont en effet trouvé le succès en introduisant de nouvelles technologies dans la production de la porcelaine. Elles ont trouvé leur voie sur le marché international en exportant massivement des porcelaines de style occidental vers les États-Unis et l'Europe, renouvelant ainsi une tradition ancienne. Mais Quanzhou attire également de nombreux artistes qui revisitent cet artisanat et lui donnent un nouveau souffle.

Des objets de porcelaine destinés à l'exportation dans une entreprise de Quanzhou

Une culture du commerce qui reprend son essor

Outre ses traditions artisanales, Quanzhou est également connue pour être un exemple historique de relations commerciales florissantes et de forte culture entrepreneuriale.

La Route maritime de la Soie ainsi que les particularités locales ont en effet contribué au développement d'un modèle économique très original, basé sur une multitude de petites entreprises familiales. Aujourd'hui encore, contrairement aux joint-ventures ou entreprises publiques qui prévalent dans d'autres régions de Chine,les entreprises de Quanzhou sont en majorité des compagnies privées qui se reposent beaucoup sur leurs relations familiales.

Cette tradition économique explique en partie le développement fulgurant de Quanzhou depuis les réformes d'ouverture de 1978. La ville a attiré des dizaines de milliers de travailleurs migrants venus de tout le pays pour travailler dans le secteur textile, et elle a rapidement retrouvé sa place de première ville économique du Fujian.

Quanzhou bénéficie également de liens commerciaux très importants avec les Chinois d'outre-mer. La Route maritime de la Soie, ainsi que le repli sur soi du pays pendant les dynasties des Ming et des Qing,ont conduit à des migrations de très grande ampleur. Aujourd'hui, plus de 60 millions de Chinois de l'étranger sont originaires de Quanzhou.

Ces communautés Minnan ont conservé des liens étroits avec leur ville d'origine. Depuis les trois dernières décennies, ces liens culturels et familiaux ont été mis en avant et ont permis de nombreux investissements économiques qui ont dynamisé l'industrialisation de la ville.

Une forte culture entrepreneuriale et commerçante,ainsi que la très importante communauté outre-mer originaire de Quanzhou seront sans aucun doute des atouts essentiels pour Quanzhou dans le contexte d'une Nouvelle Route de la Soie.

Un tourisme encore hésitant

Malgré son passé glorieux, l'héritage culturel de Quanzhou n'est devenu que récemment un atout pour l'industrie du tourisme de la ville.

Le port a en effet décliné sous la dynastie des Ming et a continué d'être marginalisé durant la dynastie des Qing et l'époque républicaine, tandis que le port de Xiamen,quelques kilomètres plus loin, gagnait de l'importance. Pour cette raison, Quanzhou souffre aujourd'hui d'un manque de reconnaissance de la part des touristes chinois et internationaux.

Chen Qingzong explique en effet que les touristes vont en majorité à Xiamen, et ne passent souvent que quelques heures à Quanzhou si leur emploi du temps le permet. ll espère donc que le programme de Nouvelle Route de la Soie aide au développement touristique de la ville.

De nombreux efforts ont déjà été faits dans les années passées en direction d'une plus large reconnaissance de l'héritage culturel de Quanzhou. Tout d'abord,la ville a été l'une des premières « cités culturelles » reconnues par le Conseil des affaires d'État en 1982.

Le rôle de Quanzhou au sein de la Route maritime de la Soie a également été reconnu par l'UNESCO après la visite d'une équipe d'experts en 1991. La ville figure aujourd'hui dans les listes du Patrimoine mondial et du Patrimoine immatériel de l'UNESCO.

Le Musée maritime de Quanzhou, fondé en 1959,a en outre été rénové et une nouvelle section a été ajoutée. En tant que seul musée chinois spécialisé dans les relations maritimes internationales, il présente une collection très importante de reliques historiques et permet de retracer l'histoire millénaire de la ville.

Plus récemment, Quanzhou a vu son tourisme culturel augmenter lorsque la ville a été choisie comme « Capitale de la Culture d'Asie de l'Est » en août 2013 par un comité chinois, japonais et coréen.

Le projet de Nouvelle Route de la Soie lancé par le président Xi Jinping devrait renforcer cette tendance. Avec l'appui du gouvernement, l'image de Quanzhou comme haut lieu de commerce international et d'ouverture culturelle ainsi que l'importance des communautés chinoises d'outre-mer devraient permettre d'attirer plus de touristes dans les années à venir. CA