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L'autre moitié du ciel

2015-11-10NiYanshuo,ZhengYang,LiuJian

中国与非洲(法文版) 2015年3期

L'autre moitié du ciel

par Ni Yanshuo, Zheng Yang et Liu Jian

Un ancien proverbe chinois dit que les femmes tiennent l'autre moitié du ciel. La place des femmes dans la société est d'autant plus importante que le monde moderne a permis leur émancipation et a apporté une plus grande égalité des sexes. Les femmes jouent désormais un rôle déterminant dans la paix internationale, la stabilité économique, la sécurité et le développement. À l'occasion de la Journée internationale de la Femme, le 8 mars, CHINAFRIQUE rencontre des femmes qui ont accompli de grandes choses et sont devenus des modèles pour la société.

Partie d'un ancien manuscrit Dongba - « L'adoration du Dieu de la Nature »

» Samaritaine de la culture

Dans la culture Dongba, transmise depuis des milliers d'années par l'ethnie naxi dans le Sud-Ouest de la Chine,Tayoulamu est l'une des 18 déesses chargées de sauver les âmes qui ne peuvent pas aller au paradis. Le nom de cette déesse a été attribué par un shaman Dongba à une pékinoise, Zhang Xu, pour son œuvre de protection des manuscrits Dongba anciens écrits en pictogrammes et menacés de disparition.

« Physiquement, je suis de l'ethnie han, mais dans mon cœur, je suis une fille de Dongba », affirme Zhang. « Je suis tombée amoureuse des pictogrammes Dongba et je ne veux pas qu'ils disparaissent. »

Présidente de l'Association de Beijing pour la Culture et les Arts Dongba, elle travaille depuis plus de 25 ans à la préservation de la culture Dongba, suite à un coup de foudre tout à fait fortuit.

En 1983, diplômée de l'lnstitut de Radiodiffusion de Beijing (aujourd'hui Université des Communications de Chine), Zhang a commencé à travailler comme réalisatrice au Centre des Arts Télévisés de Beijing. En 1986,elle dirige sa première série télévisée, Perdu dans la forêt. Cette série, appelant à la protection de l'environnement,suscite un grand débat en Chine sur les relations entre l'homme et la nature.

Zhang tourne ensuite un documentaire sur la culture des fantômes. Ayant entendu parler de la culture Dongba, elle se rend à Lijiang dans la province du Yunnan, une ancienne ville habitée en majorité par le peuple naxi,pour y faire des recherches.

« Quand j'ai vu les anciens manuscrits rédigés en pictogrammes Dongba, j'étais très excitée, raconte-t-elle. Ce sont des œuvres d'art, pas de simples pictogrammes. »Ayant appris que ces pictogrammes étaient menacés d'extinction car peu de personnes pouvaient encore les lire et les comprendre, Zhang a décidé de protéger ces trésors culturels.

Selon elle, les pictogrammes Dongba n'ont pas qu'un charme artistique, mais racontent également les débuts de l'histoire humaine avec des mythes beaux et vivants. « Ces anciens manuscrits comprennent pratiquement tout le savoir du monde : géographie,astronomie, agriculture et musique, explique-t-elle. lls sont une véritable encyclopédie. »

Lors de son premier voyage au Yunnan, elle a rencontré un vieux shaman Dongba, He Xuezeng,qui a encouragé ses projets et l'a adoptée comme sa propre fille, lui donnant le nom de Tayoulamu. « Cette adoption a renforcé ma détermination de poursuivre mon œuvre de protection de la culture Dongba »,affirme-t-elle.

L'écriture Dongba est la seule écriture au monde à toujours utiliser des pictogrammes, et ses anciens manuscrits font partie du programme de l'UNESCO Mémoire du Monde, qui liste le patrimoine documentaire mondial. Mais le nombre de personnes sachant utiliser les pictogrammes ne cesse de diminuer. Dans la culture Dongba, seuls les shamans savent les écrire et les déchiffrer, et les jeunes préfèrent maintenant gagner de l'argent grâce au tourisme plutôt qu'apprendre l'écriture Dongba.

Zhang n'a cessé d'enregistrer la culture Dongba. Elle a notamment photographié et filmé des shamans psalmodiant des manuscrits lors de cérémonies funéraires, dans l'espoir de les faire parvenir à un public plus large. Elle a également établi l'Association de Culture et d'Arts Dongba de Beijing en 1997 afin de mieux protéger ces anciens manuscrits.

« Actuellement, dans le groupe ethnique naxi, seuls quelques shamans Dongba peuvent lire et déchiffrer les anciens manuscrits. Nous n'avons plus beaucoup de temps », explique Zhang. Sans compter que ces shamans ont généralement plus de 80 ans.

En 2009, elle a décidé de numériser les anciens manuscrits Dongba. lls sont aujourd'hui 30 000, dont la moitié est répartie dans des bibliothèques étrangères comme la Bibliothèque du Congrès et la Bibliothèque de Harvard aux États-Unis, ou encore la British Library et la Bibliothèque Nationale Allemande en Europe.

Depuis 2009, Zhang et ses collègues travaillent sans répit pour persuader ces bibliothèques de lui procurer des versions numériques des documents ou de lui permettre de les photographier. Une fois en possession des versions numériques, elle peut enregistrer leur prononciation par les shaman.

« C'est vraiment difficile. Nous espérions pouvoir photographier gratuitement les manuscrits car nous n'avons pas beaucoup d'argent pour ce projet, mais certaines bibliothèques veulent nous faire payer »,dit-elle.

Le financement est l'une des difficultés majeures pour Zhang et son équipe. Pour leur projet de numérisation, le gouvernement central leur a alloué une somme de 800 000 yuans (130 506 dollars), la somme maximale pour un projet de sciences sociales. « C'est insuffisant pour accomplir notre travail », affirme Zhang, tout en ajoutant qu'elle compte persévérer malgré tout.

Pour économiser de l'argent, Zhang se rend dans les bibliothèques à ses propres frais, logeant chez des amis dès que possible. Lorsqu'on lui demande de payer pour prendre les photos, elle répond que le temps qu'elle récolte l'argent, les shamans Dongba ne seront plus en vie pour déchiffrer les manuscrits. Sa détermination convainc souvent les bibliothèques de lui laisser photographier gratuitement au moins une partie des manuscrits.

Pour Zhang, elle mène une course contre la montre pour numériser ces précieux manuscrits tant que les shamans qui peuvent les déchiffrer sont encore en vie. « Je fais de mon mieux pour en enregistrer le plus possible, afin que les prochaines générations puissent avoir plus de matériel pour étudier cette écriture bientôt éteinte », conclut-elle.

Ces anciens manuscrits comprennent pratiquement tout le savoir du monde :géographie, astronomie,agriculture et musique.

Xhang Xu

Zhang Xu (à gauche)avec les shamans Dongba He Zhiben(à droite), âgé de 87 ans, et Xi Shanghong,âgé de 72 ans (au centre), déchiffrant des anciens manuscrits Dongba

» La voix de la charité

Tapez le nom de Han Hong sur n'importe quel moteur de recherche et les résultats vous prouveront qu'il s'agit de l'une des plus célèbres chanteuses en Chine. Mais ce n'est pas tout. Votre recherche relèvera éga-lement ses efforts incessants pour aider les personnes dans le besoin.

Née au Tibet en septembre 1971, la chanteuse consacre maintenant plus de la moitié de son temps au travail philanthropique et préfère son rôle de bénévole à celui de superstar.

Depuis ses débuts comme chanteuse professionnelle en 1995, elle captive des millions de Chinois par sa voix cristalline et puissante. Mais, outre son exceptionnel talent de chanteuse-compositeur, Han est aussi appréciée pour son caractère direct. « Je n'aime pas être appelée une superstar, je n'aime pas ce titre, affirme-t-elle. Mais j'accepte de profiter des avantages que cela m'offre. Je peux donner plus aux gens grâce à ma célébrité. »

Si la chanteuse ne masque pas son dédain pour les événements sociaux, elle a cependant un agenda chargé. Elle chante en effet lors d'événements commerciaux ou de riches soirées privées pour financer son association, Han Hong Love Charity Foundation, qu'elle a créée en 2012 : une manière pour elle de « prendre l'argent des riches pour le reverser aux pauvres ».

L'engagement humanitaire de Han date de 1999. Son tube de l'année, Daybreak, était basé sur une histoire vraie, un tragique accident de tramway dans la province du Guizhou, lors duquel un père avait consacré ses dernières forces à sauver son fils avant de mourir. « C'était très émouvant de montrer la force de l'amour d'un père pour son fils », raconte Han, qui a elle-même perdu son père à l'âge de 5 ans.

Han Hong

Je crois que l'humanitaire en Chine a besoin du soutien des personnes célèbres.

Han Hong

Cette chanson a été un grand succès et a marqué un tournant dans sa carrière musicale. Mais ce qu'on sait moins, c'est qu'elle a soutenu financièrement l'orphelin de l'accident. « Mon instinct me disait que ce garçon avait besoin d'aide, et ma conscience me disait que je devais m'en charger », explique-t-elle.

Elle s'est alors concentrée sur l'humanitaire. Son séjour avec le garçon a accru sa détermination d'aider d'autres enfants dans le besoin. Dans la décennie qui a suivi, Han, toujours célibataire, a aidé au moins 300 enfants. « Je n'ai pas moi-même d'enfant, mais je considère tous ces enfants comme les miens », dit-elle.

Pour mieux aider les personnes dans le besoin, elle a établi une équipe de secours. Active depuis 2008,cette équipe a mené un travail de secours dans tous les séismes majeurs en Chine, apportant des médicaments,de la nourriture et de l'eau aux victimes du Sichuan, du Qinghai, du Gansu et du Yunnan, et aidant à reconstruire les écoles détruites par les catastrophes.

Han a aussi mené des campagnes pour aider la population des zones pauvres et reculées du Tibet, du Xinjiang et de la Mongolie intérieure. En août dernier, elle a fait, avec 100 volontaires, un voyage vers la province du Qinghai au nord-ouest du pays pour apporter des services médicaux à la population.

« J'étais contente de voir des célébrités se joindre à nous. Je crois que l'humanitaire en Chine a besoin du soutien des personnes célèbres. »

Han admet que la population chinoise est très sceptique quant aux actions philanthropiques, notamment en raison de scandales de corruption qui ont secoué, ces dernières années, plusieurs importantes organisations humanitaires. Elle en a elle-même fait l'expérience et a donc décidé de créer une organisation en son nom,qu'elle pourrait entièrement contrôler.

ll est rare en Chine de voir une célébrité prendre ce risque. Comme toujours, Han est franche : « Si l'un de mes collègues est corrompu, c'est moi qui irai en prison, mais j'ose prendre le risque. »

Son souhait est que les organisations humanitaires chinoises regagnent la confiance de la population. ll reste du chemin à faire, mais elle se dit prête pour le challenge.

Dans les premiers jours de sa carrière,Han rêvait de mourir en chanteuse, de chanter jusqu'à son dernier souffle. Maintenant, à 40 ans, elle voit les choses différemment. « Je voudrais mourir en accomplissant mon œuvre humanitaire », dit-elle.

» Voler plus haut

Malgré sa silhouette menue, Liu Huili consacre sa vie à protéger les oiseaux sauvages à travers toute la Chine. Âgée de 30 ans, la présidente de China Network for Birds Conservation est aussi directrice des ONG environnementales Wild Birds et Animal Office of Nature University,toutes deux basées à Beijing.

« La plupart des oiseaux sauvages sont des animaux protégés en Chine et il est illégal de les chasser. Mais beaucoup sont capturés pour être vendus dans des marchés aux oiseaux ou placés en cage dans des restaurants » explique Liu à CHINAFRIQUE.

Lancé en 2012, China Network for Birds Conservation

En décembre 2014, Liu Huili explique la protection des oiseaux dans une école primaire à Beijing

La plupart des oiseaux sauvages sont des animaux protégés en Chine et il est illégal de les chasser. Mais beaucoup sont capturés pour être vendus dans des marchés aux oiseaux ou placés en cage dans des restaurants.

Liu Huili

est le premier réseau chinois de protection des oiseaux luttant contre le braconnage et pour la protection des habitats naturels, grâce à des études, des patrouilles, des activités de sauvetage et de contrôle et enfin à l'éducation du public. Le réseau soutient plus de 20 équipes locales de protection des oiseaux dans tout le pays.

Liu est une passionnée. Après ses études à l'Université des Communications de Beijing en 2008, elle est rentrée à Shanghai, sa ville natale, et a travaillé pendant un an et demi comme reporter pour le magazine O2 Life, qui promeut une vie simple, créative et respectueuse de l'environnement.

Ce travail a éveillé son intérêt pour les questions environnementales. Elle a notamment eu l'occasion d'interviewer de nombreux activistes de l'environnement. « Ce qu'ils faisaient me touchait et m'attirait, se souvientelle, et j'ai voulu me lancer, comme eux, dans l'action, au lieu d'écrire simplement des articles. »

Elle a réalisé que les problèmes environnementaux nécessitaient de constants efforts et que son travail médiatique ne pouvait produire que des résultats limités. Aussi a-t-elle démissionné en 2009 pour rejoindre Nature Université, une ONG qui travaille à la diffusion de connaissances sur l'environnement auprès du grand public.

Liu a ensuite travaillé pour de nombreux projets environnementaux à Nature Université et elle se concentre maintenant sur la protection des animaux et en particulier des oiseaux sauvages. Elle est devenue la présidente de China Network for Birds Conservation après sa fondation en 2012.

L'une de ses plus grandes opérations a eu lieu en 2012. Le 10 novembre 2012, 500 cigognes blanches d'Asie sont arrivées au réservoir Beidagang à Tianjin. Le matin suivant, un photographe animalier a constaté qu'environ 40 cigognes avaient été empoisonnées par des braconniers.

Lorsqu'elle a entendu la nouvelle, Liu était occupée à démonter des filets à oiseaux non loin de là, avec une équipe de protection des oiseaux de Tianjin. lls se sont précipités sur place et ont commencé le travail de sauvetage, prévenant la police locale et les agences gouvernementales et postant des informations sur le site de microblogging Weibo.

En 5 heures, 13 cigognes empoisonnées ont pu être sauvées, avec l'aide de volontaires supplémentaires qui avaient suivi le travail de sauvetage en ligne. « Cette opération nous a fait prendre conscience que nos réseaux avaient besoin de plus de volontaires et de plus de soutien dans tout le pays », affirme Liu.

Outre le travail anti-braconnage, le réseau cherche également à protéger les habitats naturels, car la destruction des habitats est la principale menace pour de nombreuses espèces d'oiseaux.

Ce travail de protection est cependant confronté à de nombreux problèmes, notamment celui du financement des activités.

Si la protection des animaux et des oiseaux sauvages est surtout effectuée par des hommes, Liu estime que les femmes font parfois preuve de plus de tact dans leurs actions et dans leur communication. Cependant, « pour les hommes comme pour les femmes, le plus important est la méthode de travail : il faut faire face aux problèmes et réagir rapidement », ajoute-t-elle.

Liu explique en outre que les lois sur la protection de la vie sauvage sont négligées dans beaucoup d'endroits,en particulier à la campagne. Beaucoup de personnes qui tuent ou capturent des animaux sauvages ignorent qu'elles enfreignent la loi. Le travail d'éducation est donc crucial.

En janvier, Liu et son équipe ont écrit un Guide pour la Protection des Oiseaux, comprenant des conseils sur le sauvetage et la protection des oiseaux, expliquant comment rapporter des cas de braconnage et mentionnant les lois relatives à la protection de la vie sauvage ainsi que des numéros d'urgence.

« Nous espérons que ce guide permettra à plus d'observateurs d'oiseaux de joindre nos équipes de protection des oiseaux, affirme-t-elle. Protéger les oiseaux sauvages ne nécessite pas seulement le soutien des agences gouvernementales, mais aussi la participation du public, pour vérifier que les agences font bien leur travail. » CA