Dans l'obscurité
2015-01-30HannahEdinger
Dans l'obscurité
Le bout du tunnel est encore loin pour le secteur énergétique sud-africain par Hannah Edinger
Avec une fourniture énergétique insuffisante, le pays est plongé dans une crise qui pourrait handicaper les entreprises et les ménages pour plusieurs années.
LES coupes de courant récurrentes prévues
pour les prochains mois, ainsi que la menace d'un effondrement complet du réseau feront de 2015 une année de test pour l'Afrique du Sud.
La deuxième économie d'Afrique vient de vivre une année éprouvante, avec notamment le plus long et le plus coûteux conflit social en date, qui a opposé employeurs et ouvriers dans le secteur de la platine au premier semestre, coûtant près de 2,95 milliards de dollars en revenus et salaires. Le conflit a en outre eu des impacts indirects sur de nombreuses industries alimentant le secteur de la platine. Une grève violente d'un mois, suivie par plus de 200 000 ouvriers métallurgiques,a plombé la situation économique, perturbant la production d'acier et d'automobiles, ainsi que la construction des centrales à charbon de Medupi et Kusile.
La mauvaise performance économique de l'Afrique du Sud en 2014 a été aggravée par l'effondrement en novembre d'un silo à Majuba, l'une des centrales à charbon. En conséquence, Eskom, la compagnie sud-africaine de distribution d'électricité, a dû réduire la fourniture d'électricité sur le réseau, affectant la consommation durant la principale saison commerciale d'Afrique du Sud. La croissance du PlB en 2014 est donc tombée à 1,9 %,dans une région qui affiche une croissance moyenne de plus de 5 %.
Mais ce ne sera certainement pas en 2015 que l'Afrique du Sud verra le bout du tunnel. Avec une fourniture énergétique insuffisante, le pays est plongé dans une crise qui pourrait handicaper les entreprises et les ménages pour plusieurs années.
L'un des deux réacteurs de la seule centrale nucléaire commerciale d'Afrique, Koeberg, devrait arrêter de fonctionner avant mai, ce qui pourrait plonger l'Afrique du Sud dans l'obscurité pendant plusieurs mois. Eskom a annoncé en janvier que la réduction de la fourniture d'électricité sera effective pendant 70 % des jours entre février et avril - soit 62 jours pendant lesquels la fourniture d'électricité sera irrégulière et perturbera l'économie.
La population est certainement mieux préparée qu'en 2007-2008, durant laquelle la charge d'électricité avait été réduite pendant 23 jours. Ceux qui ont assez d'argent achètent des solutions alternatives (générateur indépendant) pour se procurer de l'électricité. Cependant, l'impact économique sera probablement encore plus catastrophique qu'il y a sept ans. La réduction de fourniture d'électricité pourrait amputer le PlB de 11 milliards de dollars en 2015, contre 377 millions en 2007-2008. Cela pourrait occasionner une perte de 3 % du PlB et minorer la croissance du PlB des prochains mois d'un pourcent par rapport à la moyenne annuelle. La chute des prix du pétrole et l'inflation qui en a résulté ne seront pas suffisants pour compenser les pertes dues à la panne énergétique. En conséquence, les prévisions de croissance ont été revues à la baisse de 2 %.
La situation énergétique affectera en outre l'investissement des entreprises et la production. Si les grandes compagnies possèdent généralement des solutions énergétiques de rechange, les industries minières seront lourdement perturbées en raison des risques sécuritaires. Les services de base comme les hôpitaux seront également les premiers touchés. Les industries technologiques comme celles du secteur de l'information et de la communication devraient être capables de surmonter les difficultés énergétiques, mais à un coût accru pour le consommateur. Enfin, les petites entreprises, qui emploient environ 60 % de la main d'œuvre du pays, seront durement touchées en raison du coût élevé des plans énergétiques alternatifs.
Les plans de construction d'Eskom semblent trop limités et tardifs pour améliorer la situation. Devant la hausse continue des tarifs dans les dernières années,des municipalités comme Cape Town et la banlieue verte de Parkhurst à Johannesburg examinent des solutions énergétiques hors-réseau afin de diversifier leur approvisionnement et de devenir auto-suffisantes dans quelques années.
L'accent mis sur la création d'emplois dans des secteurs dépendants de l'électricité aura sans doute des effets limités. En outre, les stratégies industrielles consistant à augmenter la capacité de production à l'exportation resteront vaines si les investisseurs locaux ou étrangers n'ont pas d'accès garanti à l'électricité. Cette situation pourrait contribuer à ternir l'image qu'ont les investisseurs de l'Afrique du Sud. CA
(L'auteure est directrice de Frontier Advisory,une compagnie de recherche, de stratégie et d'investissement)