Préparer les enseignants de demain

par LI XIAOYU

Une enseignante chinoise (à gauche)donne un cours de chinois à l’Institut Confucius de l’Université Makerere,à Kampala,en Ouganda,le 12 avril 2022.(XINHUA)

Les doyens des facultés d’éducation d’Afrique et de Chine se réunissent à Beijing pour élaborer des stratégies de résilience face aux défis importants

Considérée comme un moteur essentiel pour atteindre tous les Objectifs de développement durable (ODD) fixés par l’ONU pour 2030, une éducation équitable, inclusive et de qualité est au cœur des préoccupations mondiales.Cependant, il existe un fossé significatif entre la réalité actuelle et l’ODD 4, ciblant cette vision d’éducation, dans de nombreux pays.Cette problématique urgente, telle qu’elle a été mise en évidence lors du Sommet sur la transformation de l’éducation 2022 de l’ONU, souligne la nécessité de changements transformateurs dans les systèmes éducatifs du monde entier.

Dans cette perspective, 10 doyens de facultés d’éducation africaines, leurs homologues de 13 universités chinoises et des représentants de l’UNESCO se sont rencontrés à l’Université normale de Beijing le 15 novembre 2023 pour le Forum Chine-Afrique des doyens d’éducation.Ils ont discuté de l’éducation contemporaine, se concentrant sur l’innovation, la cohésion sociale et le rôle des enseignants, visant à identifier des solutions innovantes par le partage d’expériences et d’expertise.

L’innovation, un enjeu majeur

Face à des myriades de défis auxquels l’éducation d’aujourd’hui est confrontée, plusieurs intervenants du forum insistent sur le rôle essentiel de la technologie et de l’innovation dans la réalisation de l’ODD 4.

Quentin Wodon, directeur de l’Institut international pour le renforcement des capacités en Afrique de l’UNESCO, a ouvert les débats en citant Adeola Adefemi, une enseignante d’anglais au Nigeria, afin de rappeler l’imminence de l’adoption de la technologie dans l’éducation.Cette lauréate de l’édition 2023 du Prix continental de l’enseignant de l’UA aurait voulu adapter et intégrer plus tôt la technologie dans ses méthodes d’enseignement quand elle réfléchissait à sa carrière d’enseignante.« L’adoption des technologies éducatives peut améliorer l’expérience d’apprentissage,impliquer les étudiants à différents niveaux et mieux les préparer au monde numérique », a-t-elle expliqué.

Beatrice Ifeoma Ajufo, doyenne de la Faculté d’éducation de l’Université de Gambie, partage cet avis, insistant sur l’importance de préparer les futurs enseignants pour l’apprentissage numérique afin d’assurer une éducation équitable.Elle note cependant la faible culture numérique en Afrique, avec peu d’écoles équipées d’ordinateurs et d’accès à Internet, et appelle à un effort conjoint pour intégrer la technologie dans la formation des enseignants.

De son côté, Xun Yuan, vice-doyen exécutif de la Faculté d’éducation de l’Université normale de l’Est de la Chine, met l’accent sur l’apprentissage sans frontières,une éducation basée sur Internet pour un accès universel aux ressources d’apprentissage.Il soutient que l’utilisation généralisée de l’Internet, des TIC et des nouveaux médias est cruciale pour révolutionner l’éducation.

Renforcer les régions défavorisées

Au-delà de l’innovation, l’accent a été particulièrement mis sur le rôle crucial des enseignants.Dans son premier Rapport mondial sur les enseignants publié en 2023, l’UNESCO affirme qu’il manque 15 millions d’enseignants à tous les niveaux d’apprentissage en Afrique subsaharienne pour atteindre l’ODD 4.Cette pénurie s’explique principalement par l’augmentation rapide de la population d’âge scolaire, à laquelle s’ajoutent des contraintes financières.

Ce problème global affecte aussi la Chine, particulièrement dans ses régions rurales et moins avancées.Pour y remédier, le pays a pris une palette de mesures, dont la politique de formation gratuite des enseignants mise en œuvre en 2007.Avec le lancement du Programme national de formation des enseignants en 2010, l’amélioration de la qualité des enseignants, en particulier ceux des zones rurales, a été mise en avant.Continuant sur cet élan, l’Université normale de Beijing a initié en 2022 le Plan Qiangshi consacré au renforcement des effectifs d’enseignants de l’éducation de base.

Selon Zhu Xudong, doyen de la Faculté d’éducation de l’Université normale de Beijing, pour assurer la réussite de ce nouveau plan, son institution collabore avec divers établissements de formation des enseignants,offrant des programmes ciblés et spécialisés aux futurs enseignants des régions moins développées, ainsi qu’un soutien continu et des ressources à long terme.

Kusi Hinneh, doyen de la Faculté d’éducation de l’Université d’éducation de Winneba, souligne les diffi-cultés des zones rurales ghanéennes, où les incitations financières sont nécessaires pour attirer les enseignants.Il mentionne des programmes récents pour améliorer l’enseignement et note le problème du financement affectant l’engagement dans ces zones.Il espère des collaborations avec la Chine pour relever ces défis.

Des intervenants prennent des paroles lors du Forum Chine-Afrique des doyens d’éducation 2023, à l’Université normale de Beijing,le 15 novembre 2023.(COURTOISIE)

Faciliter le partenariat sino-africain

L’objectif principal de cette rencontre est de renforcer la coopération entre la Chine et l’Afrique.« Nous espérons sincèrement que ce forum permettra d’établir un partenariat plus étroit grâce aux actions les plus pragmatiques, et de promouvoir la coopération éducative sino-africaine pour un avenir stable et ambitieux »,a déclaré Qin Changwei, secrétaire général de la Commission nationale chinoise pour l’UNESCO, dans son discours inaugural.Selon lui, la Chine a lancé,avec l’UNESCO, le projet UNESCO-Fonds-en-dépôt chinois en 2012 et a depuis versé des contributions totales de 24 millions de dollars pour améliorer la qualité de la formation des enseignants en Afrique.À ce jour, 12 pays africains en ont tiré profit et plus de 10 000 enseignants ont été formés.

Pour consolider cette dynamique, l’initiative du Réseau des facultés d’éducation Chine-Afrique a été introduite lors du forum.Zhao Yuchi, directeur exécutif du Centre international de recherche et de formation pour l’enseignement rural de l’UNESCO, explique que ce réseau, composé de facultés d’éducation chinoises et africaines, vise à favoriser le développement et le partage des meilleures pratiques et innovations en matière de formation des enseignants.Il prévoit des recherches collaboratives, des programmes d’échange pour enseignants et formateurs, ainsi que la mise à disposition de ressources éducatives.

M.Wodon voit dans ce réseau un moyen important de renforcer la coopération éducative entre la Chine et l’Afrique.Il a exprimé àCHINAFRIQUEque la rencontre a donné des indications claires sur les orientations futures du forum et du réseau, ainsi que des points pratiques pour la collaboration, considérant cela comme un bon début.CA