Les BRICS l’emportent sur les blocs
2022-08-09parSUDESHNASARKARjournalisteetdactricebasBeijingAnciennecommentatriceunemissiongionaledeDeutscheWelleRadioellesuitleveloppementlacultureetlesliensinternationauxdelaChine
par SUDESHNA SARKAR, journaliste et rédactrice basée à Beijing. Ancienne commentatrice d’une émission régionale de Deutsche Welle Radio, elle suit le développement, la culture et les liens internationaux de la Chine.
Le Forum des BRICS sur le développement de l’Internet industriel et de la fabrication numérique se tient à Xiamen, au Fujian, le 23 mai. (XINHUA)
La Nouvelle Banque de développement montre comment le pragmatisme peut surmonter les différences politiques
Le Président des États-Unis, Joe Biden, via son Partenariat pour les infrastructures mondiales et l’investissement, a annoncé fin juin une initiative de 600 milliards de dollars, semant la confusion dans les médias quant à la provenance de tout cet argent.Face à tout ce sensationnalisme, certains pourraient être déçus par le 14eSommet des BRICS,tenu à la même période, et qui s’est achevé sans nouvelles remarquables. Cependant, comme le dit le dicton, « les eaux calmes sont profondes ».
Une source importante de financement
Bien que la réunion annuelle ait attiré plus que sa part habituelle d’attention en raison de la crise russo-ukrainienne, le travail tangible du bloc est passé pratiquement inaperçu.
Une rare exception a été la responsable du ministère brésilien des Affaires étrangères, Ana Maria Bierrenbach,qui a énuméré trois résultats concrets publiés dans un rapport du Centre brésilien des relations internationales,un groupe de réflexion à Rio de Janeiro. Le rapport qualifie la Nouvelle Banque de développement (NBD) de« plus grande réalisation des BRICS depuis sa création ».Les deux autres sont le centre de recherche sur les vaccins récemment mis en service et un accord sur la facilitation douanière pour le commerce au sein du bloc.
La NBD constitue la base essentielle sur laquelle les BRICS peuvent construire de nouveaux outils économiques. L’une des principales raisons tient à sa crédibilité. Depuis le lancement de ses activités en 2015, avec un capital de 100 milliards de dollars,l’établissement financier s’est imposé au-delà du bloc.Alors que les BRICS songent à l’admission de nouveaux partenaires, la NBD a agi plus rapidement, s’étendant à quatre nouveaux membres l’année dernière : le Bangladesh, les Émirats arabes unis, l’Uruguay et l’Égypte.
Sur le plan opérationnel, c’était probablement pendant la pandémie qu’elle travaillait le plus rapidement.Les membres des BRICS ont pu obtenir des fonds d’une valeur d’un milliard de dollars chacun grâce au programme de prêts d’urgence COVID-19, pour soutenir les soins de santé et la reprise économique.La banque a fourni une aide de proximité plutôt que d’avoir à frapper à la porte de la Banque mondiale ou du FMI.
La NBD est aussi le partenaire idéal pour réaliser les objectifs de développement durable. Pour atteindre leurs objectifs annoncés de réduction des émissions et d’augmentation des énergies propres, la banque a financé des initiatives comme le projet d’éclairage solaire de la capitale brésilienne, Brasilia, les programmes de développement des énergies renouvelables en Russie ou les infrastructures d’écotourisme dans l’État de Meghalaya, dans le nord-est de l’Inde.
La situation géopolitique actuelle a une nouvelle fois démontré l’importance d’un système de paiement transfrontalier et d’une agence de notation financière BRICS.
Collaboration dans le domaine des vaccins
L’initiative BRICS Vaccine R&D Center, lancée cette année, est également un projet pertinent, notamment avec l’apparition de nouvelles pandémies. Elle met en commun la recherche et les expériences épidémiologiques des institutions des pays membres pour produire de nouveaux vaccins en cas de nouvelles pandémies et augmenter la production de vaccins existants afin que d’autres nations en développement puissent y accéder.L’objectif est de lutter contre « l’apartheid vaccinal ».L’année dernière, l’Organisation mondiale de la santé s’est fixé une cible de 70 % pour la couverture vaccinale mondiale, qui aurait dû être atteinte en juin de cette année. Cependant, seuls 58 États membres sur 194 ont atteint cet objectif.
Des avions de ligne sont exposés lors d’une exhibition sur la nouvelle révolution industrielle des BRICS qui s’est tenue à Xiamen, au Fujian, le 8 septembre 2021.(XINHUA)
Des marchandises à destination de l’Afrique du Sud sont en cours de chargement sur un cargo à Qingdao, au Shandong, le 22 juin. (CNSPHOTO)
Les BRICS soutiennent également une levée temporaire des brevets vaccinaux pour combler le fossé des vaccins entre les pays développés et les pays en développement. Le centre de R&D, bien que virtuel à l’heure actuelle, soutiendra la mise en place de centres locaux de production de vaccins. Il s’agit cependant d’une nouvelle initiative qui aura besoin de temps pour s’établir et gagner la confiance à l’échelle internationale.
Le siège de laNouvelle Banque de développement àShanghai. (XINHUA)
Pour atteindre leurs objectifs annoncés de réduction des émissions et d’augmentation des énergies propres, la NBD a financé des initiatives comme le projet d’éclairage solaire de la capitale brésilienne, Brasilia,les programmes de développement des énergies renouvelables en Russie ou les infrastructures d’écotourisme dans l’État de Meghalaya, dans le nord-est de l’Inde.
Un plus grand rôle à jouer
La situation géopolitique actuelle a une nouvelle fois démontré l’importance d’un système de paiement transfrontalier et d’une agence de notation financière BRICS.
Actuellement, trois agences occidentales dominent le secteur : Fitch, Moody’s et S&P. Il existe toutefois des interrogations quant à leurs intérêts. Les évaluations négatives qu’elles ont faites des économies en développement ne sont pas justes, mais influencées par des intérêts politiques. Lors de la crise financière de 2008, leurs appréciations erronées ou motivées sont apparues au grand jour. Moody’s, à elle seule, aurait accepté de payer plus de 800 millions de dollars pour régler avec les autorités américaines ses notations de titres hypothécaires à risque. Collectivement, les agences de notation ont payé plus de deux milliards de dollars d’amendes.
Plusieurs membres des BRICS affirment avoir été injustement évalués en raison de l’hostilité occidentale envers leurs gouvernements. Ces pays ont tous leurs propres agences de notation, mais manquent de notoriété. Ainsi, les BRICS pourraient développer leur agence ou former une alliance avec celles existantes.L’un des principaux défis auxquels ils seront confrontés est le scepticisme des investisseurs occidentaux. Si la NBD met tout son poids derrière une telle agence, son importance est appelée à augmenter.
Il en va de même pour un système de paiement transfrontalier. La tentative de déconnecter les banques russes du système de traitement des opérations bancaires internationales SWIFT à la suite de la crise russo-ukrainienne montre l’importance d’avoir des alternatives. Avec les incertitudes géopolitiques, davantage de membres des BRICS pourraient être confrontés à une situation similaire, surtout si l’hostilité envers la Russie perdure.
Un bon exemple de coopération
Il y a un facteur positif à considérer : la croissance rapide de l’e-commerce. Selon un rapport d’activité des BRICS,les transactions mondiales d’e-commerce interentreprises valaient à elles seules environ 7 000 milliards de dollars en 2020. Elles devraient augmenter de plus de 17 % d’ici 2027. Des procédures douanières normalisées,une monnaie de transaction et un système de paiement uniformes galvaniseraient le commerce des BRICS.
De nombreux travaux sont déjà en cours dans la ville portuaire chinoise de Xiamen, qui a accueilli le Sommet des BRICS en 2017. En 2020, le BRICS Partnership on New Industrial Revolution Innovation Center y a été créé pour permettre aux organisations et aux entreprises du bloc d’utiliser le numérique ou d’autres technologies telles que l’intelligence artificielle, la blockchain et le big data. Il a été proposé que de tels centres soient également créés dans les autres pays membres.
Mais la réalisation la plus remarquable de la NBD est peut-être la coopération pragmatique malgré les différences politiques. L’Inde et la Chine, les deux plus grandes économies du bloc, ont des hauts et des bas dans leurs relations, y compris de véritables affrontements militaires. L’Inde est également membre du Dialogue quadrilatéral pour la sécurité qui comprend également les États-Unis, le Japon et l’Australie, considéré par la Chine comme une initiative visant à la contenir. Cependant, cela ne les empêche pas de se concerter dans les BRICS et de parvenir à un consensus.Cela n’a pas non plus conduit la NBD à prêter plus à l’un et moins à l’autre. À l’heure où le monde éclate en blocs hostiles, cela reste un bon exemple à retenir. CA