La cuisine partagée à Chengdu
2020-11-04LICUIHUA
LI CUIHUA*
Chengdu, chef-lieu de la province du Sichuan, a élaboré en 2018 un plan pour devenir d’ici 2020 le laboratoire de l’économie du partage. Cette initiative connaît un essor dans le domaine gastronomique : en plus des connaissances, du savoir-faire et des ressources logistiques, on partage désormais la cuisine.
Fun Kitchen permet aux étrangers de faire une expérience unique de la cuisine du Sichuan.
Résoudre certaines difficultés de la vente à emporter
Le principe de la cuisine partagée réside dans le partage d’un espace et des équipements pour préparer les repas. Ce modèle réduit non seulement le coût d’ouverture d’un restaurant,mais fournit aussi des services supplémentaires personnalisés et complets.En Chine, les plateformes de ce type sont principalement réparties dans quelques grandes villes comme Beijing, Shanghai, Hangzhou et Chengdu.Cette dernière en possède quatre, dont Cloud Kitchen Pig, la plus grande, qui accueille sept cuisines partagées. On en attend de nouvelles.
À Cloud Kitchen Pig, dans la technopôle de Chengdu, de petits stands de restauration sont alignés. Trois d’entre eux permettent de manger sur place tandis que les autres ne proposent que des plats à emporter. Aux heures de pointe, des livreurs à domicile affluent pour emporter les plats. Ces stands partagent non seulement un entrepôt et un espace de préparation, mais aussi la gestion, l’exploitation et la licence d’exploitation alimentaire. Cette cuisine partagée dispose d’un responsable et d’un surveillant, qui proposent des formations dans la participation à la cuisine partagée, l’hygiène alimentaire et la prévention des incendies.
Par rapport à Beijing et à Shanghai,les plateformes de cuisine partagée à Chengdu ne proposent pas d’avantage locatif pour les commerçants.Dès lors, pourquoi des commerçants choisissent-ils quand même cette solution ? Selon Lin Xun, fondateur de Cloud Kitchen Pig, l’atout réside dans la valeur ajoutée de leurs services, par exemple l’exploitation de la plateforme de vente à emporter et l’optimisation des ressources de restauration.
Xiang Yong, un trentenaire, est un entrepreneur dans le domaine de la restauration. Grâce à sa recette exclusive de nouilles de riz au bœuf et au piment mariné, son petit restaurant a rapidement trouvé des débouchés dans le marché de vente à emporter. Il reçoit en moyenne plus de 10 000 commandes par mois, avec un maximum de 600 à 700 par jour. Cependant, en raison de ce succès, le personnel du service de vente s’est révélé insuffisant,ce qui a provoqué de nombreuses critiques négatives. Xiang Yong a choisi de rejoindre Cloud Kitchen Pig pour que l’équipe de cette plateforme fournisse un service de vente et un service clientèle, pendant qu’il se concentre sur la préparation des nouilles de riz. Il a ainsi réussi à faire prospérer son restaurant de manière continue, attirant au total 13 franchisés. Malheureusement, quelques mois plus tard, la moitié de ceuxci ont fermé car la sauce était préparée par différentes personnes et que sa qualité ne pouvait pas être contrôlée.Cloud Kitchen Pig a aidé Xiang Yong à contacter des entreprises de la chaîne d’approvisionnement et à intégrer les ressources de restauration en ligne et hors ligne, pour parvenir à une production standardisée de la sauce des nouilles de riz au bœuf et au piment mariné. À ce jour, Xiang Yong compte 50 restaurants franchisés.
La cuisine commune du magazine Sichuan Cooking permet aux professionnels de la restauration de partager leurs connaissances.
Selon le Rapport sur le développement du secteur chinois de la vente à emporter en 2019 et au premier semestre 2020, publié en juin 2020 par l’Institut de recherche de Meituan, fin 2019,le nombre des consommateurs chinois de la vente à emporter s’élevait à environ 460 millions, ce qui représente la moitié de la population urbaine permanente de la Chine. Vu la taille du secteur,beaucoup de chaînes de restaurants y attachent une grande importance.
Par rapport aux restaurants classiques, les investissements en capitaux et en main-d’œuvre sont plus flexibles ;il suffit d’avoir une cuisine pour fonctionner. Pour cette raison, des chaînes de restaurants s’appuient sur leurs activités de vente à emporter pour croître et s’installer dans les villes concernées.Une chaîne de restauration à Hangzhou, spécialisée dans les nouilles au bœuf, a l’intention d’entrer sur le marché de Chengdu. Elle a constaté que, de l’étude de marché à la décoration du restaurant en passant par la sélection du site, il lui faudrait trois à cinq mois pour ouvrir. Néanmoins, si elle coopère avec une plateforme de cuisine partagée, elle peut y parvenir en une semaine, en partageant le site,la décoration et les licences.
Après plusieurs années de développement rapide, la Chine a élaboré un système logistique complet de vente à emporter. D’après Lin Xun, l’industrie chinoise de la vente à emporter va entrer dans une nouvelle phase de développement, dont la caractéristique essentielle et la tendance seront la montée en gamme de la consommation.Selon Meituan, 65,7 % des consommateurs ont une nette préférence pour les marques. Il est à prévoir qu’ils accorderont de plus en plus d’attention à la qualité et à l’hygiène des aliments à emporter. La cuisine partagée peut résoudre dans une certaine mesure ces deux difficultés, parce que le système de gestion et d’exploitation permet de superviser l’hygiène alimentaire des commerçants inscrits et parce que la cuisine partagée rassemblant plusieurs restaurants peut bénéficier d’un effet de marque et fournir aux consommateurs des plats riches et variés.
Comme à la maison
Le matin à 9h , la plupart des jeunes sont déjà au travail ou s’y rendent, alors que les personnes âgées s’adonnent à leurs loisirs. Xu Bixiu, 70 ans, se rend dans la cuisine partagée de sa communauté résidentielle. Dans cette cuisine bien équipée, elle s’emploie avec une dizaine de voisins à préparer un repas.À 11h, elle s’assied à table, avec ses voisins, pour partager les fruits du travail matinal.
Xu Bixiu est la responsable des bénévoles de Wangjiachang, dans le quartier de Huangjia, arrondissement de Shuangliu. Elle fait aussi partie de l’équipe artistique de l’Association pour les personnes âgées. Ce quartier résidentiel est célèbre pour ses« moutons de Huangjia » et dénombre plus de 200 restaurants. Grâce à cet avantage, il a transformé une salle de réunion en cuisine partagée en 2018,ce qui a attiré de nombreux habitants locaux. Xu Bixiu et ses voisins retraités y confectionnent des plats et discutent ensemble, offrent les repas préparés aux personnes âgées vivant seules dans leur communauté. Par ailleurs,un habitant donne des cours de pâtisserie aux parents et à leurs enfants le week-end. Lors de célébrations, des familles invitent leurs proches et amis à manger et des activités de découverte culinaires sont organisées, ce qui permet à des employés non locaux de certaines entreprises du quartier de se sentir comme à la maison.
Partager la gastronomie
Pour les étrangers qui visitent Chengdu,la meilleure façon de comprendre la culture de la ville est de tester la cuisine locale et de préparer un repas avec ses habitants. Dans l’arrondissement de Jinniu, des visiteurs étrangers goûtent des épices typiques de la cuisine sichuanaise, à savoir le poivre et le piment. Ils négocient également le prix avec les commerçants dans un chinois hésitant. Finalement, ils apportent les ingrédients achetés à la cuisine Fun Kitchen, au fond de la rue Zhangjiaxiang. Dans cette cuisine à la chinoise, ces étrangers prépareront des plats traditionnels du Sichuan sous la direction d’un chef local, par exemple,du fromage de soja sauce piquante.
Créée en 2018, Fun Kitchen est gérée par Zhou Hang et deux de ses amis. Tous trois sont dans la vingtaine.Cette cuisine permet aux étrangers d’apprendre à confectionner des plats du Sichuan et de mieux comprendre la culture gastronomique de cette région.Après le lancement de ce projet, Zhou Hang a obtenu de nombreux commentaires positifs sur TripAdvisor et reçu un prix de TripAdvisor en 2019.Les visiteurs de Fun Kitchen viennent du monde entier. La plupart d’entre eux connaissent un peu la cuisine du Sichuan et souhaitent en savoir plus.Afin de développer de nouveaux plats,le patron d’un restaurant chinois en Suède est venu spécialement pour goûter les plats délicieux du Sichuan et apprendre à les cuisiner. Quand il est reparti, il a emporté 100 kg de poivre.Des Japonais sont également venus pour tester le plat du Sichuan le plus célèbre au Japon : le fromage de soja sauce piquante. Ils ont été profondément émus de déguster ce célèbre plat,dans son lieu d’origine, Chengdu, après l’avoir eux-mêmes cuisiné.
La cuisine partagée à Chengdu n’est pas seulement un modèle commercial,elle rassemble aussi les personnes et ouvre les voies de l’avenir.
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