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Une « Nouvelle Route de la soie intelligente » pour la sécurité et la prospérité

2020-11-04DAVIDGOSSET

今日中国·法文版 2020年11期

DAVID GOSSET*

Retrouvant graduellement sa centralité historique, la Chine s’avance sur la scène mondiale en développant l’initiative « la Ceinture et la Route », dont le président chinois Xi Jinping fait une priorité depuis 2013.

Vue de la zone d’exposition des réussites internationales de « la Ceinture et la Route » lors de l’édition 2020 du Salon des réussites de l’innovation et de l’entrepreneuriat de Chine à Guangzhou

S’appuyant sur de réelles capacités de financement provenant de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures et du Fonds de la Route de la soie, la « Ceinture économique de la Route de la soie », d’abord présentée à l’occasion d’une visite au Kazakhstan par le président Xi Jinping six mois après sa prise de fonction, et la « Route de la soie maritime du XXIesiècle »,sont les deux axes principaux de « la Ceinture et la Route » : l’un continental, l’autre maritime.

La « Chine-monde » est certainement l’une des caractéristiques qui définit la renaissance chinoise.L’ouverture du pays du Milieu permet à l’extérieur d’influencer, sans toutefois en altérer l’essence,l’intérieur ; mais une Chine ouverte enrichit aussi le système qui l’entoure. « La Ceinture et la Route », qui n’est pas sans rappeler les dynamiques des dynasties Tang, Song ou de la première moitié des Ming, est une illustration de ce mouvement de projection globale.

Au XXIesiècle, la Chine ne définit pas sa politique étrangère de manière négative en s’opposant à un tel ou un tel. Elle est en quête constante de synthèses dynamiques dans un réseau de relations inclusives.

Le pays dont l’économie dépassera bientôt celle des États-Unis a intégré l’idée que puissance doit être synonyme de responsabilité, et que cette dernière renforce, d’ailleurs, la première. Avec « la Ceinture et la Route » et son caractère international et coopératif, c’est le principe de « réémergence pacifique », souvent souligné par le gouvernement chinois, qui prend une forme concrète.

Ce sont en partie de grands projets d’infrastructures qui ont contribué à l’unité du monde chinois. La Grande Muraille, le Grand Canal et plus récemment un réseau gigantesque de trains à grande vitesse en sont des exemples bien connus. C’est donc avec une expertise inégalée que le gouvernement chinois propose de partager une expérience qui présuppose une vision rassembleuse et de long terme.

Pour le premier partenaire commercial de la Chine, l’Union européenne, ce serait tout simplement de l’aveuglement stratégique que de manquer les opportunités offertes par Xi Jinping dans le cadre d’une vision dont la portée va bien au-delà de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS).L’Union européenne doit répondre de manière active à l’initiative de « la Ceinture et la Route ».Ne pas le faire, ce serait pour l’UE prendre le risque d’être écartée d’un projet majeur qui sera, en tout cas grâce à la volonté politique et à la puissance économique du gouvernement chinois, une force structurante des relations internationales.

Un fonds sino-européen pour les « Nouvelles Routes de la soie » pourrait être un mécanisme utile pour financer de grands projets : infrastructures, énergies renouvelables, économie verte, le tout au service d’une Eurasie pacifique et prospère.

L’Italie, où la Route de la soie revêt une signification particulière, l’Allemagne, le pays de Ferdinand von Richthofen (le géographe à qui l’on doit l’expression même de « seidenstrasse », soit Route de la soie) et la France, qui a su bien souvent, depuis le Général de Gaulle, concevoir une politique audacieuse et indépendante à l’égard de la Chine,se doivent d’encourager l’UE à répondre de manière adéquate à l’appel ambitieux des « Nouvelles routes de la soie ».

Dans ce contexte, un consensus stratégique entre les dirigeants européens et chinois pourrait être trouvé autour de la notion d’une « Nouvelle Route de la soie intelligente ». Cette vision se structurerait autour des principes de collaboration, d’inclusion,de développement durable et d’innovation.

Dans un monde aux interdépendances croissantes, les acteurs du continent eurasiatique doivent s’organiser afin de co-créer de la valeur dans un esprit de collaboration. Ce faisant, ils stopperaient les tendances risquant d’aboutir au découplage entre l’Occident et la Chine ou, pour le dire d’une autre manière, à la tragédie d’une humanité divisée.

Une « Route de la Soie intelligente » est non seulement collaborative, mais aussi inclusive. Le moment est venu de mettre en place un mécanisme officiel dans lequel la Chine, l’Union européenne,mais aussi l’Union africaine, discuteraient de leurs interactions. L’initiative « la Ceinture et la Route »ne peut pas prétendre être intelligente si elle n’inclut pas l’Afrique, le continent qui déterminera en grande partie l’avenir du monde.

Viser une « Route de la soie intelligente » signifie également élever la protection de l’environnement au rang d’objectif stratégique. Si les Nouvelles Routes de la soie qui se construisent ne sont pas « vertes », si elles ne tiennent pas compte de l’impératif de lutter contre le changement climatique, ce ne seront que des routes qui ne mènent nulle part.

Cela nous conduit au quatrième pilier sur lequel repose la vision d’une « Route de la soie intelligente » : l’innovation technologique. La 5G, l’intelligence artificielle, les nouvelles solutions pour l’énergie et d’autres technologies déjà disponibles doivent servir une agriculture plus intelligente, des connectivités nationales et internationales plus intelligentes, ainsi que la construction de villes intelligentes.

Au croisement de l’urbanisation, de la dynamique économique, du progrès technologique mais aussi de la géopolitique, la notion de ville intelligente doit être l’un des thèmes majeurs au cœur de la vision d’une « Nouvelle Route de la soie intelligente ». Si elle est vraiment intelligente, elle reliera les villes intelligentes de l’Asie à l’Afrique, et deviendra un puissant vecteur de progrès pour tous.

Alors que la nécessité de réinventer le multilatéralisme est devenue impérieuse, il faut espérer voir la vision d’une « Nouvelle Route de la soie intelligente » de plus en plus discutée et devenant un axe d’action internationale coordonnée.

Dans son chef-d’œuvre Les lois fondamentales de la stupidité humaine, l’historien économique italien Carlo M. Cipolla (1922-2000) définissait la stupidité comme un comportement causant une perte pour toutes les parties. Et à l’inverse, c’est le gagnant-gagnant qui caractérise l’action intelligente. Une « Route de la soie intelligente » évitant consciemment les pièges de la bêtise serait donc la sagesse de Cipolla appliquée aux relations internationales. Une voie sachant faire des compromis, de co-création de solutions et de valeurs, et de partage des bénéfices.

À côté du « rêve chinois », qui s’adresse plus spécifiquement au peuple de Chine, Xi Jinping propose une vision humaniste et de progrès qui va au-delà des intérêts nationaux immédiats. Basées sur l’expérience qui a conduit à la modernisation de la Chine et inspirées par l’idéal chinois de l’universalisme « Da Tong » (ou grande Concorde), les« Nouvelles Routes de la soie » peuvent être un« rêve afro-eurasiatique ». Un rêve qui devrait être aussi le nôtre.