Les archives du Potala :restaurer pour transmettre
2020-09-07LIYUANmembredeladaction
LI YUAN, membre de la rédaction
Le palais du Potala se dresse sur la colline de Marpori (la « Colline rouge »), au nord-ouest de Lhasa, chef-lieu de la région autonome du Tibet en Chine. Il s'agit du complexe architectural (intégrant des palais, des châteaux et des monastères) le plus en altitude au monde, mais aussi de l'ensemble palatial antique le plus vaste et le plus complet du Tibet. Le Potala est considéré comme un « trésor de l'histoire, de la culture et des arts tibétains » en raison de son architecture unique et de la richesse de son patrimoine culturel.
Début 2019, la Chine a adopté un projet de protection et d'utilisation des livres et documents anciens du Potala, qui prévoit d'allouer 300 millions de yuans dans des fonds spéciaux sur une période de 10 ans. Ce projet est actuellement entré dans sa phase initiale.
Un trésor culturel bouddhiste
Le Potala, construit au VIIesiècle, possède une longue histoire de plus de 1 300 ans. En 1961, le Conseil des affaires d'État de Chine l'a inscrit dans le premier lot des sites historiques et culturels classés au niveau national, et en 1994, ce palais a été ajouté à la Liste du patrimoine culturel mondial de l'UNESCO.
Une salle des archives historiques tibétaines contenant des manuscrits précieux, notamment des feuillets de canons bouddhiques rédigés sur des feuilles de palmier.
Un exemple de feuillet de classiques tibétains
Le Potala abrite près de 40 000 boîtes de livres et documents anciens en mandarin, en tibétain, en mandchou, en mongol, en sanskrit et dans d'autres langues. Parmi elles, près de 30 000 feuillets de canons bouddhiques précieux sont rédigés sur des feuilles de palmier et conservés dans plus de 460 boîtes, dont les plus anciens datent du VIIesiècle. Il s'agit de la plus grande collection au monde. Le document à la fois le mieux conservé et le plus ancien est l'édition xylographique du Kangyour (Traduction des paroles du Bouddha) en tibétain, imprimée avec de la poudre de cinabre et datant de l'an 1410 (8eannée du règne Yongle), sous la dynastie des Ming (1368-1644).On trouve aussi divers recueils d'essais d'éminents moines et d'érudits des dynasties passées, des classiques impériaux du gouvernement central sous les dynasties des Ming et des Qing (1644-1911) ainsi que les plus beaux livres canoniques publiés par les grandes imprimeries bouddhiques du Tibet et d'ailleurs.
Ces archives sont actuellement conservées dans la salle Lingta, la salle bouddhiste, la salle des canons et de nombreuses autres salles, et recouvrent essentiellement toutes les types de livres et documents anciens tibétains.
Il s'agit d'un patrimoine culturel, mais aussi d'archives d'une grande importance pour la recherche et d'une profonde valeur historique. Il convient donc de les protéger. Selon Penpa Losang, responsable du Département pour la préservation du patrimoine culturel et des sites historiques de l'administration du Potala, un groupe a été constitué dans les années 1970 avec pour mission de trier ces livres et documents anciens à des fins de protection et de restauration. Un travail qui a permis de compiler quatre catalogues.
Il est entendu que l'Institut chinois de recherche sur le patrimoine culturel se chargera de mettre en œuvre ce projet, qui comprend quatre volets, à savoir la protection à titre préventif, la restauration indispensable, la protection numérique, de même que l'exposition et l'utilisation. Une phase de restauration expérimentale est en cours.
Les feuilles de palmier,vecteurs de culture
Les canons bouddhiques écrits sur des feuilles de palmier et provenant de l'Inde ancienne et d'autres lieux sont les objets les plus précieux parmi les livres et documents anciens du Potala. Certains ont plus de mille ans. Ils sont donc au cœur du projet de restauration.
Les canons bouddhiques, qui étaient à l'origine inscrits sur des feuilles de palmier, servirent de support matériel véhiculant la longue civilisation orientale. Au XVIIesiècle, le 5edalaï-lama réunit ce type de canons bouddhiques de nombreux temples et les rassembla au monastère de Drepung. Après l'agrandissement du Potala, ces canons bouddhiques y furent transférés. Selon les estimations d'experts,il n'y aurait dans le monde qu'un millier de boîtes de canons bouddhiques sur des feuilles de palmier, et c'est le Potala qui en renferme le plus.
Nombre de ces canons bouddhiques sont des textes sanskrits importants qui ont été perdus depuis longtemps. Dorje Phuntsog, docteur travaillant au Bureau de recherche sur le patrimoine culturel du Bureau de gestion du Potala, a cité trois raisons pour lesquelles il convient de les protéger. D'abord, si l'on s'intéresse au support, il s'agit de reliques culturelles qui ont survécues après un millier d'années et sont donc inestimables. Ensuite, les informations sur ces feuilles de palmier sont extrêmement importantes.Elles contiennent non seulement des classiques bouddhistes, mais traitent aussi de la médecine,de l'astronomie, des échanges humains et d'autres domaines, re flétant ainsi la civilisation ancienne du sous-continent sud-asiatique. En fin, les canons bouddhiques sont rédigés en sanskrit. Cette langue répandue à l'époque est aujourd'hui vue comme une écriture rare. Ces canons présentent donc une très grande valeur pour la recherche.
En 2009, a fin de mieux protéger ces trésors, le Potala a aménagé une salle d'archives spécialement pour ces canons bouddhiques.
Au sujet de leur protection et de leur restauration,Penpa Losang a admis « traverser la rivière en tâtant les pierres », car il n'existe pas d'expérience réussie similaire que l'on puisse reproduire dans le monde.« Compte tenu de la valeur et de la fragilité de ces canons bouddhiques, la première phase de notre projet a pour tâches principales la restauration expérimentale et l'extraction de données scienti fiques »,a-t-il affirmé. Avant d'ajouter : « Nous contrôlons d'abord strictement la température, l'humidité et la qualité de l'air de l'endroit où nous opérons pour déterminer l'environnement le plus approprié pour la restauration. Au cours de la phase initiale, nous n'avons pas utilisé les canons bouddhiques d'origine pour la restauration, mais avons d'abord mené des expériences sur du papier tibétain, puis nous nous sommes concertés à mi-parcours avec des experts compétents pour développer davantage les procédures ultérieures. »
Phase préliminaire de recensement des archives du Potala
Un patrimoine millénaire qui renaît
Ces canons bouddhiques ne sont qu'un exemple en miniature de la protection et de l'utilisation de dizaines de milliers de livres et documents anciens au Potala. Même si une série de documents ont été compilés et publiés, il en reste une multitude qui dorment dans les caisses depuis des centaines d'années et qui n'ont jamais été montrés à personne.
A fin de leur redonner vie, Penpa Losang a précisé que le projet de restauration utilisera des procédés de haute technologie. Il cherchera à résoudre le dilemme entre conservation et utilisation, en combinant plusieurs principes : la protection des documents anciens avec l'archivage numérique et la présentation au grand public, pour faire sortir ces textes de l'anonymat. Dans le même temps, le projet préservera les originaux et veillera à la reproductibilité des livres anciens sur la base de la numérisation.Il invitera aussi des experts et des chercheurs dans divers domaines à participer aux travaux de recherche. L'objectif étant que ces archives connaissent une nouvelle naissance et que plus de gens puissent apprécier la sagesse et le charme de la culture traditionnelle chinoise.