La serge entre dans les foyers
2020-09-07LIJIANCAOPENGYUANLISHUTINGetZHANGRUFENG
LI JIAN, CAO PENGYUAN, LI SHUTING et ZHANG RUFENG
Palzom, une tisserande de 88 ans de Lhoka,évoque son métier avant la réforme démocratique au Tibet, en citant un poème célèbre : « Les femmes qui portaient les tenues de soie n'étaient pas celles qui élevaient les vers à soie » .
La serge est le produit le plus avancé du pulu(tissu à base de laine de mouton du Tibet). Selon la légende, c'est la princesse Wencheng, de la dynastie des Tang (618-907), qui introduisit les technologies des régions intérieures du pays dans l'artisanat traditionnel tibétain du pulu, connu pour ses tissus doux et délicats et ses méthodes de fabrication complexes. Par le passé, seuls les moines éminents et les dignitaires pouvaient l'utiliser. Cette forme d'artisanat existe toujours dans le bourg de Zêdang,situé dans l'arrondissement Nêdong, à Lhoka.
Pasang donne des instructions à une employée de la coopérative.
Une touriste apprend à confectionner de la serge.
« J'ai commencé le tissage de la serge dès l'âge de 15 ans. Tous les ans, après avoir récupéré la laine fine sur le cou des moutons au temple, je tissais jour et nuit avec d'autres artisans, et je ne pouvais produire qu'une longueur de 10 cm de textile par jour. On vivait de ça, qu'on échangeait contre un peu d'orge du Tibet », a expliqué Palzom, précisant que le tissage de la serge est un processus long et laborieux, qui nécessite 18 étapes, du lavage de la laine à la torsion du fil, de la teinture au tissage, et finalement la broderie. En plus de dix ans, elle est passée par tous les stades, maîtrisant toutes les étapes du métier, mais la torsion du fil reste son point fort.
Il n'existe que cinq personnes âgées qui ont les mêmes compétences qu'elle. Lorsque ce savoir-faire oublié depuis des décennies a de nouveau eu les faveurs du grand public, les artisans les plus jeunes étaient déjà septuagénaires. Il fallait donc absolument protéger cet artisanat.
Pasang, un artiste peintre de la ville de Lhoka,s'est chargé de cette mission vitale et a embauché ces personnes âgées pour travailler à la Coopérative artisanale de serge, dont il est président du Conseil d'administration. Grâce à ces personnes âgées titulaire du savoir-faire et au fort soutien des autorités locales, le souvenir des étapes de sélection, de transformation, de teinture et de tissage est progressivement revenu et des instruments de tissage ont été créés. Ce renouveau a permis de faire entrer cet artisanat ancien sur la Liste du patrimoine culturel immatériel au niveau de la région autonome du Tibet en 2010. « Grâce à nos efforts, ce genre de tissu que seuls les moines éminents et les dignitaires pouvaient porter dans le passé entre désormais dans les foyers des gens ordinaires », s'est-il réjoui. Et d'ajouter que pour mieux protéger la serge, la coopérative propose des formations gratuites pour transmettre le savoir-faire.
Depuis 2007, plus de 260 personnes ont suivi une formation. La serge a également contribué à augmenter les revenus des habitants, dont plus d'une centaine de foyers pauvres. De nombreux handicapés ont pu y trouver un emploi.
Phurbu Wangchug, 45 ans, est l'un de ces pauvres du canton de Yardod, dans l'arrondissement Nêdong. Il travaille à la coopérative depuis 2016 dans le tissage de la laine de mouton et gagne 3 000 yuans par mois. Un handicap des membres inférieurs ne lui permet pas de travailler loin de chez lui. La coopérative prend donc en charge le gîte et le couvert, ainsi que sa formation a fin qu'il puisse avoir un revenu stable.
La coopérative produit principalement des vêtements traditionnels tibétains, des châles et des foulards, et réalise un chiffre d'affaires de plus de neuf millions de yuans. Pour répondre à la demande, elle a également amélioré et innové les matériaux de base et les techniques de fabrication de la serge. Les produits ont d'ailleurs été exposés dans des foires à Beijing, Wuhan, Shenzhen et Chengdu. L'an passé,la serge a fait son entrée pour la première fois sur la scène du Show des tenues du patrimoine culturel immatériel de Chine.
Palzom est enchantée de voir son artisanat revivre sous la direction de Pasang. Elle se rend régulièrement à la coopérative pour donner des conseils et reçoit des émoluments pour ses services chaque année. Si dans l'ancienne société, Palzom était au plus bas de l'échelle sociale et que seuls les moines éminents et les dignitaires pouvaient porter la serge,elle peut désormais pleinement ressentir la valeur de son artisanat.