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Ma vision du marché immobilier chinois

2017-01-30FranceCHRISTOPHETRONTIN

今日中国·法文版 2017年5期

(France) CHRISTOPHE TRONTIN

Ma vision du marché immobilier chinois

(France) CHRISTOPHE TRONTIN

Ce qui est drôle lorsqu’on vit en Chine, c’est voir à quelles contorsions la presse démocratique est prête à se livrer lorsqu’elle raconte ce pays. Pas de bonnes nouvelles de ce côté du globe, et toute info est systématiquement tordue dans le sens le plus pessimiste possible. Bien sûr, certains thèmes demandent plus d’agilité que d’autres et parfois, des prouesses sémantiques qui vous laissent pantois...

Le Figaro sonne l’alarme : citant le magnat de l’immobilier chinois, il craint « la plus grande bulle [immobilière] de l’histoire ». « Les inquiétudes d’une potentielle bulle augmentent », affirme 20 Minutes. Jamais en retard d’un titre catastrophiste, Le Monde et Le Parisien titrent respectivement La flambée des prix de l’immobilier creuse les inégalités en Chine et La Chine hantée par le spectre d’une bulle immobilière. Pour une fois, la presse libre s’inquiète du sort des consommateurs chinois...

Le marché immobilier chinois est plein de paradoxes. Mais les gazettes européennes n’aident pas le lecteur à s’y retrouver : on y trouve pêle-mêle des appels contradictoires à ralentir la construction (« trop d’appartements vides ») et à l’accélérer (« les prix qui augmentent sont signe de pénurie »), au contrôle des prix (« l’État doit intervenir pour contrer la spéculation ») et à leur libéralisation (« c’est le marché qui doit décider des prix, pas les fonctionnaires ni les ministères »). Presque tous les journaux affirment la situation de l’immobilier chinois « n’est pas sans rappeler le phénomène des subprimes américains », alors qu’elle n’a strictement rien à voir : le danger des subprimes venait de ce que les ménages américains étaient invités à convertir en crédit à la consommation l’augmentation escomptée de la valeur de leur bien immobilier. C’est tout le contraire de l’endettement des ménages chinois, qui reste pour l’instant très inférieur à leur épargne et qui se porte principalement sur des acquisitions immobilières.

Les Chinois sont plus que tout autre peuple attachés à la propriété immobilière. Le taux de propriétaires, dans un pays à revenus modestes, est l’un des plus élevés au monde ! Avec 90 % de propriétaires, la Chine se situe loin devant la moyenne de l’UE (69 %) ou des États-Unis (64,5 %). Plusieurs facteurs contribuent à cet attrait de la pierre en Chine : la répugnance des Chinois à payer un loyer qui s’évapore mois après mois, alors que rembourser un crédit c’est engranger, mois après mois, une épargne à la fois solide et mobilisable. L’exode rural, la migration des jeunes employés vers les villes, le déclin des foyers à plusieurs générations, bref, l’irruption de la modernité, renforcent cette boulimie de mètres carrés. Enfin, il faut considérer le facteur culturel : comme dans bien des pays en développement, le mariage est une affaire de patrimoine, et la possession d’un appartement est presque la condition sine qua non pour se passer la bague au doigt. « Les célibataires peuvent louer, mais il faut acquérir pour se marier », dit le proverbe.

Mais les obstacles sont multiples entre la volonté des jeunes gens de faire l’acquisition d’un bien immobilier et la réalité : pénurie relative de surfaces habitables, prix au m² élevés dans les centres urbains surtout comparés aux salaires moyens. Le Monde pointe la différence astronomique qui sépare le prix du m² à Shanghai (100 000 yuans) du salaire moyen dans cette ville (8 600 yuans)... un ratio que l’on retrouve en gros à Paris, à Londres ou à New York, et dans toutes les mégalopoles émergentes.

Soucieux de combattre l’inflation du prix du mètre carré, l’État et les collectivités s’activent. Des mesures évidentes, et d’autres, plus ciblées, sont prises.

La première est évidemment d’encourager la construction. Toutes les villes de premier, second et troisième rang voient proliférer dans leurs banlieues les mises en chantier plus colossales les unes que les autres. Chaque année, le record de surfaces habitables mises sur le marché excède celui de l’année précédente. Des dizaines de millions d’appartements sont proposés et attendent un acheteur, un excédent censé, en bonne logique, faire baisser les prix. C’est en tout cas cette observation qui pousse les Occidentaux à lancer leur cri d’orfraie : « Excès de surfaces disponibles ! Villes fantômes ! Bulle immobilière ! » Excessive, la construction ? C’est vrai qu’avec bon an mal an environ un milliard de m² résidentiels mis sur le marché, les chiffres de l’immobilier chinois donnent le tournis. Mais il ne faut pas confondre la Chine, pays en plein boom urbanistique, avec l’Europe ou les États-Unis, pour lesquels cette étape appartient au passé.

Le gouvernement fait tout pour sortir de ce cercle vicieux : premièrement en encourageant la construction pour faire baisser les prix. Autre mesure, plus symbolique que radicale, fermer le marché immobilier aux étrangers souvent réputés faire monter les prix. Enfin, la libération des crédits immobiliers a permis à de nombreux Chinois d’accéder à la propriété, même si l’explosion des crédits de son côté a favorisé l’envol des prix du mètre carré.

Bref, il n’y a pas de solution rapide ou facile à ce dilemme. Un milliard de personnes veulent vivre plus confortablement : c’est une entreprise gigantesque qui n’est à la portée d’aucun pays. Enfin d’aucun, sauf de la Chine, qui s’en tire plutôt bien pour l’instant..