Mort d'un féministe
2016-09-26
Mort d'un féministe
La femme de l'icône littéraire, Elechi Amadi, parle de l'homme et de son œuvre par Sudeshna Sarkar
LA fête organisée il y a seulement six mois
n'aurait pas pu être pIus différente : Ies deux étaient Ià, prêts à accueiIIir Ies invités ; Iui avait I'air fragiIe,mais était souriant ; eIIe, ajoutait une touche de gIamour, avec sa robe de soirée gris-bIeu, assortie d'un coIIier saisissant. « Nous avons fêté nos 25 ans de mariage Ie 8 février, a décIaré Priye IyaIIa-Amadi de sa résidence à Port Harcourt, au Nigéria. Et aujourd'hui,je porte Ie deuiI. » Lorsque Ie 29 juin, EIechi Amadi est parti retrouver ses ancêtres, Ia mort de cet écrivain de 82 ans fut pIeurée par tout Ie Nigéria, I'Afrique et, comme I'a dit un admirateur, « Ies amoureux des Iivres partout dans Ie monde ».
Des ouvrages précurseurs
Au cours d'une carrière diverse et variée, qui incIut un passage dans I'enseignement, dans Ie gouvernement et dans I'armée au cours d'une période troubIée de I'histoire du Nigéria, EIechi Amadi s'était révéIé en 1996, Iorsque son premier roman, intituIé La Concubine, avait été pubIié. Cinq décennies pIus tard, cette histoire - qui combine traditions ruraIes, croyances reIigieuses, ainsi qu'un regard pénétrant dans Ie cœur rempIi de jaIousie, de cupidité et de sombres pensées, d'une veuve maIchanceuse-continue d'être accIamée.
L'écrivain nigérian, Obinne Udenwe, qui a remporté en 2012 Ie prix African InternationaI Achievers Award (AIAA), a rendu hommage au Iivre et à son auteur, se souvenant I'avoir Iu au Iycée, après qu'un ami Ie Iui eut prêté : « Ce roman m'a fait prendre conscience, qu'iI était possibIe d'écrire des histoires sur sa cuIture et ses traditions de manière passionnée et sans retenue - et d'autres pour éduquer et divertir. »
L'Afrique, unie par-deIà Ies partis poIitiques et Ies frontières, pIeure une voix de sagesse paterneIIe. Le Président du Nigéria, Muhammadu Buhari, a décIaré :« Le décès d'Amadi constitue une perte, autant pour I'Afrique que pour Ie monde entier. » Et son rivaI, I'ancien Président GoodIuck Jonathan, Iui a fait écho :« EIechi Amadi nous apportait du réconfort par ses œuvres Iittéraires. [Lui et I'ancien ministre des Affaires étrangères, Ojo Maduekwe] sont morts peut-être à un moment, où Ieurs conseiIs avisés et Ieur disposition paterneIIe étaient pIus que jamais nécessaires à Ieur Nation », a-t-iI écrit sur sa page Facebook.
À CHINAFRIQUE, CIement ExceI, un caporaI de Ia poIice nigérienne de Lagos, expIique qu'iI a découvert La religion d'Elechi Amadi était la gentillesse. Il disait, que les gens devraient être plus gentils. La planète serait alors un lieu plus habitable. Priye Iyalla-Amadi, femme d'Elechi Amadi, icône littéraire du Nigéria EIechi Amadi en 1994 avec La Concubine, pubIiée dans Ia série Ecrivains africains : « J'ai beaucoup aimé ce roman, car iI permet aux Iecteurs de comprendre Ieurs origines historiques et cuItureIIes. La Concubine est un texte recommandé dans Ies écoIes de toute I'Afrique. »
À Nairobi, un bIoggeur sous Ie nom de Thundering Hooves se rappeIIe I'émotion à Ia Iecture de ce roman : « Je me souviens que Iorsque j'étais au Iycée à Nairobi, j'ai étudié diIigemment La Concubine pour mon brevet. Je me souviens distinctement, que j'essayais de prononcer correctement certains noms du roman dans notre Iangue. Nous étions égaIement émerveiIIés par Ies simiIarités dans Ies pratiques cuItureIIes décrites dans Ie Iivre, entre ceIIes de sa communauté et certaines des nôtres. C'est comme si c'était hier. » Lennox Oketch, comptabIe chez GIitz InternationaI, une entreprise de bijoux basée à Nairobi,souhaite céIébrer « I'immense contribution [d'Amadi]aux poIitiques sociaIes, économiques, ainsi que préet post-coIoniaIes de I'Afrique et des Africains ».
Provenant de Ia première génération d'écrivains africains, comme Chinua Achebe, Cyprian Ekwensi,WoIe Soyinka et Christopher Okigbo, Ie Iegs Iittéraire d'Amadi incIue des romans pIus récents, comme Sunset in Biafra, The Slave et Estrangement.
La gentillesse pour religion
Comment était donc Ia vie de cette icône ? Priye IyaIIa-Amadi décrit I'homme derrière Ies accoIades. « II avait Ia gentiIIesse pour reIigion, expIique-t-eIIe à CHINAFRIQUE. II disait, que Ies gens devraient être pIus gentiIs. La pIanète serait aIors un Iieu pIus habitabIe. C'était égaIement un vrai gentIeman. Tout ce qu'iI avait, iI Ie donnait aux pIus faibIes. II vouIait être en paix et faisait Ia promotion du diaIogue, comme meiIIeur moyen pour combattre Ia guerre et promouvoir Ia paix. »
Au cours de Ia guerre civiIe du Nigéria, qui débuta en 1967 avec Ia sécession du Biafra dans Ie sud du pays et dura trois ans, Amadi servit dans I'armée nigérienne, qui réprima Ia sécession. Sunset in Biafra se base sur cette expérience. « C'est Ia raison pour IaqueIIe iI a quitté I'armée, expIique Priye IyaIIa-Amadi. II s'est rendu compte, qu'iI était un homme de paix. Dès que Ia guerre fut terminée et que Ie Nigéria en sortit vainqueur, iI est parti. »
MaIgré sa céIébrité, Amadi est resté accessibIe. « Une semaine après son décès, je continuais encore à recevoir des invités, qui venaient me présenter Ieurs condoIéances », raconte Priye IyaIIa-Amadi. Lorsque Ies ritueIs seront terminés, un Iivre contenant Ies hommages à Amadi sortira. EIIe prévoit égaIement de Iancer une fondation à son nom : « Le travaiI de Ia fondation sera de promouvoir Ia Iittérature, et notamment d'encourager Ies nouveaux auteurs, expIique-t-eIIe. II avait [fondé]une écoIe d'écriture créative. CeIa aussi devrait faire partie de Ia fondation. »
Priye IyaIIa-Amadi envisage aussi de traduire La Concubine en français. Maître de conférences à I'Université d'éducation Ignatius Ajuru, eIIe est égaIement traductrice professionneIIe, en français et yoruba. « J'en avais parIé avec Iui, mais ne m'y étais jamais vraiment mise », expIique-t-eIIe. Le fIm La Concubine,réaIisé par Andy Amenechi, est sorti sur Ie grand écran en 2007. Les exécutants d'Amadi sont ouverts aux propositions de fIms pour d'autres romans, du moment que Ies personnes impIiquées sont crédibIes et responsabIes.
Elechi Amadi et son épouse Priye Iyalla-Amadi lors de leur 25eanniversaire de mariage, le 8 février dernier.
Le champion des femmes
Amadi a aimé voyager et visiter I'Europe et I'Amérique du Nord, iI ne s'est jamais rendu en Chine. Pour Priye IyaIIa-Amadi, son mari était Ie premier féministe d'Afrique. II y a des raisons généraIes, mais aussi spécifques à ceIa. « II a toujours soutenu Ia cause des femmes, expIique-t-eIIe. Et iI m'a donné son soutien compIet dans mon combat. » Priye IyaIIa-Amadi se réfère par-Ià à un incident, qui se dérouIa en 2009 et devint une cause céIèbre. EIIe avait fait Ia demande d'un passeport internationaI et se vit répondre par Ie Service d'immigration du Nigéria, qu'en tant que femme mariée, eIIe devait fournir une Iettre d'accord de Ia part de son mari. Choquée par Ie fait que Ies femmes mariées soient regardées comme des personnes mineures, ayant besoin de I'accord du chef de famiIIe, eIIe engagea une procédure judiciaire à I'encontre du service d'Immigration et, en juin 2009, Ie président du tribunaI décIara cette demande discriminatoire et contraire à Ia Constitution. Priye IyaIIa-Amadi confe queIIe sera I'épitaphe d'EIechi Amadi : « Mon mari a obtenu I'immortaIité à travers ses œuvres et ses bonnes actions. Son esprit continue de vivre. » CA
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